Un contre-la-montre face à la maladie
Une importante réunion s'est tenue dans l'Auxois le 22 octobre. Elle a réuni plus de deux cents personnes.
S'il fallait un signe témoignant de l'inquiétude qui règne actuellement dans les rangs des éleveurs de bovins de Côte-d'Or, en raison de la menace DNC, la réunion organisée le 22 octobre à Pouilly-en-Auxois le fournissait amplement. Plus de deux cents personnes avaient répondu à l'invitation de la Chambre d'agriculture, du Groupement de défense sanitaire (GDS) et de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP). Certes, il ne s'agissait pas de la première réunion du genre, mais celle-ci revêtait un caractère particulier dans la mesure où elle intervenait après la décision du ministère de l'Agriculture de geler entièrement toute sortie du territoire de bovins français, au moins jusqu’au 4 novembre inclus. Une nouvelle donne qui contribuait à accentuer les préoccupations, puisqu'elle concerne les agriculteurs au-delà de la zone régulée instaurée dans le sud-est du département depuis la découverte de cas de DNC dans le Jura le 11 octobre.
Ne pas subir les foudres de l'UE
Geneviève Caschetta, la directrice adjointe de la DDPP 21, s'est chargée de préciser à l'assistance que, même si la décision ministérielle du 17 octobre complexifie les choses, « il fallait la prendre au niveau national. Si on ne l'avait pas fait, c'est l'UE qui aurait pris des mesures et celles-ci auraient pu être beaucoup plus drastiques : l'exemple de la Grèce, il y a quelques années, montre qu'on aurait pu nous infliger jusqu'à 18 mois de gel… Il fallait que la France garde la main sur les mesures à prendre, et qu'elle ne se fasse pas imposer des décisions par l'UE ». La représentante de l'administration déplorait par ailleurs le fait que les cas récents de DNC dans le Rhône ou le Jura ne peuvent être dus qu'à des déplacements illicites d'animaux, et donc à des acteurs de la filière qui méprisent les règles de protection. Une fois ce préambule établi, Gilles Rabu, du GDS 21, s'est livré à un point sur la maladie : « La maladie est véhiculée par des mouches piqueuses, des tabanidae, avec un petit rayon de déplacement de quelques dizaines de mètres. Une fois dans l'élevage, la contamination est intense et rapide. La maladie a une durée d'incubation de près d'un mois. Ce n'est pas à prendre à la légère car on peut atteindre 10 % de mortalité. Au-delà, pour les animaux, il peut y avoir des séquelles digestives, des atteintes à la peau. Au final, même lorsque l'animal survit, il peut être difficile de le faire reprendre. »
Le défi des vêlages
Le vrai défi qui se pose aujourd'hui aux éleveurs, c'est la proximité des vêlages (voir également article en page 04 de ce même numéro) qui impose de déplacer les animaux, de les ramener en stabulation. Une vraie quadrature du cercle dans la zone régulée où tout mouvement de bovin est interdit, sauf dérogations précises. « En Savoie, soulignait Jean-Luc Chevalier, président du GDS 21, lors des premiers cas de DNC, les agriculteurs ont commis l'erreur de bouger les bêtes. Ce qui a contribué à faire circuler la maladie. » Au-delà de ces premiers cas, l'administration déploie actuellement de gros moyens de traçages depuis que l'on sait que des veaux possiblement contaminés, vendus de manière légale du Jura à un élevage de l'Ain, ont été transportés avec d'autres dans un camion, puis livrés au marché de Bourg-en-Bresse, dans l'Ain, début octobre, où se trouvaient… 700 animaux, qui ont eux-mêmes été redispatchés sur toute la France (il n'y en aurait aucun en Côte-d'Or). Geneviève Caschetta a précisé que l'administration surveillait actuellement tous les élevages qui ont pu acheter ces animaux afin de prévenir ce qui constitue une véritable bombe en puissance. La réunion de Pouilly-en Auxois fut aussi l'occasion de rappeler aux éleveurs que la détection de la DNC n'implique pas obligatoirement l'abattage de tout un troupeau, mais uniquement ce qu'on nomme « l'unité épidémiologique » : en cas de détection d'un cas dans une stabulation, seuls les animaux de ce lieu seront abattus et pas ceux pouvant éventuellement paître dans des prairies alentour utilisées par la même exploitation.
Discussions avec l'Italie
L'essentiel pour les organisateurs de la réunion était de sensibiliser au maximum les éleveurs à respecter les règles imposées. « J'ai tous les jours au téléphone des éleveurs de la zone régulée, confiait Jacques de Loisy, président de la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or, je peux vous dire que ce qu'ils vivent est très dur. Il est très important que rien ne se passe dans les jours à venir ». La question de la vaccination fut aussi largement abordée. Vacciner de manière totale, au-delà des zones régulées, n'est pas une solution idéale car certains pays, dont l'Italie, refusent les animaux vaccinés. Geneviève Caschetta précisait toutefois sur ce point que des discussions étaient en cours avec ce pays et d'autres dans l'UE, afin d'assouplir cette règle et sans oublier qu'un pays comme l'Italie ne peut longtemps se passer de broutards français. En Côte-d'Or, la vaccination concerne pour l'instant 135 exploitations. Reste que Jacques de Loisy a martelé un message pour conclure : « si par malheur un cas devait se déclarer en Côte-d'Or, la Chambre d'agriculture a mandaté un huissier et un expert afin d'expertiser la valeur des troupeaux. On ne laissera pas partir un troupeau sans expertise parce qu'on ne peut négliger la richesse génétique constituée dans nos troupeaux. »
Des « seringues volantes »
Un des points abordés lors de la réunion de Pouilly-en-Auxois fut le débat provoqué par le fait que si l'on interdit, en zone régulée, tout mouvement de bovins, on autorise des mouvements de chevaux qui, s'ils ne sont pas sensibles à la DNC, peuvent contribuer au déplacement d'insectes porteurs du virus. Pour les éleveurs bovin, il y a là un véritable problème. Il se trouve que les insectes piqueurs incriminés sont qualifiés de « seringues volantes », c'est-à-dire qu'ils peuvent porter le virus, pendant un peu plus de 24 heures mais que ce dernier ne se multiplie pas en eux. Un insecte porteur du virus peut donc piquer un cheval mais, de ce fait, il se débarrasse de la charge virale et devient inoffensif pour des bovins même à proximité. Ceci explique que l'administration n'a pas jugé nécessaire d'interdire les mouvements de chevaux. Pourtant, le risque zéro n'existe pas et comme le faisait remarquer un éleveur présent, « on n'est pas à l'abri d'un transport de chevaux vide, mais où des mouches encore infectées se trouveraient… »