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La filière CRC fête ses vingt ans

Retour sur les origines de la filière CRC

Alors que la filière CRC fête ses 20 ans cette année, Alain Peretti, ancien directeur de la coopérative Caps à l’origine du CRC (il est aujourd’hui à la retraite), revient sur la création de la filière et comment s’est construite la « marque » aujourd’hui connue de tous. Car c’est dans l’Yonne, à Sens plus précisément, que tout a commencé.
Par Propos recueillis par Christopher Levé
Retour sur les origines de la filière CRC
Alain Peretti, ancien directeur de la coopérative Caps à l’origine de la création de la filière CRC.
- Alain Peretti, pouvez-vous raconter comment est née cette filière CRC, aujourd’hui connue de tous ?
Alain Peretti : « En 1986, avec mon président de l’époque René Lorne (de la coopérative Caps), nous avons élaboré une nouvelle stratégie d’entreprise. Nous constatons que nous sommes une coopérative moyenne entourée de grosses structures. Afin de ne pas trop souffrir de ces différences de taille, nous avons mené plusieurs actions importantes. Tout d’abord, concernant l’accès aux marchés, nous sommes entrés dans un GIE (Groupement d’Intérêt Économique) de commercialisation de céréales. En ce qui concerne les achats des approvisionnements, nous décidons d’entrer dans un groupement. Et, les coopératives céréalières ayant des besoins financiers relativement importants afin de financer le stock de céréales, nous entrons aussi dans une union, de cette façon nos accès aux marchés (approvisionnement, céréales et financier) sont performants.
Ensuite, la seule solution était de sortir des marchés courants pour essayer de mieux valoriser les productions de nos agriculteurs. Nous avons fait une rencontre décisive avec une firme italienne qui produisait des aliments destinés aux enfants (du baby-food) et qui recherchait des céréales particulières. Il existe une réglementation européenne particulière concernant le baby-food au niveau de la communauté européenne, qui impose d’avoir très peu de contaminants. Nous nous sommes fait une spécialité de ces blés pour le baby-food et cela a été le début de notre réflexion sur le concept que nous avons appelé CRC (Culture raisonnée contrôlée).
Au fur et à mesure, nous avons réussi à ce qu’une grande partie de notre production soit produite selon ces caractéristiques. Nous voulions passer d’un marché de niche, qui est le baby-food, à un segment de marché qui est le CRC. À ce moment-là, il y a eu une rencontre décisive avec La Générale des Farine et son dirigeant Dominique Merlhès qui nous a permis de toucher plus de meuniers donc plus de débouchés ».

- Pourquoi la création de la filière CRC s’est faite dans l’Yonne ?
A. P. : « Dans l’Yonne, nous sommes dans un département de productivité intermédiaire. La nature ne nous a pas donné des rendements extraordinaires. Mais elle nous a donné des hommes, plus qu’un terroir, en ce qui concerne les céréales. Il fallait donc essayer de s’orienter vers des créneaux de marché plus rémunérateurs ».

- Quelle est la chose que vous retenez le plus dans la création de cette filière CRC, faite il y a 20 ans ?
A. P. : « L’aventure humaine. C’est la mise en œuvre d’une intelligence collective, avec nos agriculteurs. Afin qu’ils adhèrent à la stratégie, nous avons fait plusieurs voyages en Europe, avec eux, pour leur montrer et leur expliquer le pourquoi des contraintes qu’on leur imposait. Ainsi, cela rendait des choses plus faciles. Je retiens aussi l’implication de mes collaborateurs où il a fallu, par exemple, travailler tant sur la mise en place de l’assurance qualité avec la traçabilité, qui est très complexe pour les céréales ».

- Quelle évolution y a-t-il entre l’idée de départ et la certification telle qu’elle est aujourd’hui ?
A. P. : « La filière CRC, c’est une construction logique dans laquelle on prend en compte tous les contaminants qui peuvent être présents dans les céréales. Nous avons, pour chaque type de contaminants (chimiques, naturels, environnementaux, physiques), imposé des actions visant à leur réduction voire leur élimination. Pour chacun des contaminants, on va appliquer, des processus qui peuvent évoluer dans le temps, en fonction des connaissances que nous avons à l’instant T. C’est donc le contenu qui peut bouger, varier, en fonction des demandes de la société mais l’organisation logique restera intangible. C’est ce réglage entre les qualités de nos productions et la demande des consommateurs, qui est essentiel. C’est pourquoi, nous avons créé un GIE rassemblant tous les acteurs de la filière. De cette façon, les producteurs reçoivent reçoivent les informations du marché, et peuvent faire évoluer leurs produits ».

- Imaginiez-vous, à l’époque, que la filière CRC prendrait une telle ampleur ?
A. P. : « Oui. Car nous avions une foi à pouvoir déplacer des montagnes. La mise sous assurance qualité des productions céréalières nous paraît incontournable. Ce qui doit induire des obligations de moyens mais aussi de résultats, ce qui n’est pas le cas de toutes les filières ».

Quelques chiffres

Si la démarche CRC est née en 1989, c’est en 2000 que la filière fait son apparition. En 2020, la filière CRC compte 114 entreprises adhérentes (organismes stockeurs, meuniers, industriels et distributeurs) et plus de 3 000 agriculteurs produisant 550 000 tonnes de blés. En France, une baguette sur six est fabriquée à partir de céréales CRC.