L'OS Mouton Charollais entre inquiétudes et espoirs…
L’année 2024 a été compliquée pour le Mouton Charollais qui a vu son résultat se dégrader, la faute à une activité en baisse, des charges en hausse et des aides qui fondent. L’érosion du nombre de brebis et un commerce compliqué par le sanitaire obligent l’Organisme de Sélection à redoubler de prudence.

L’assemblée générale de l’Organisme de Sélection du Mouton Charollais s’est tenue le 13 mai dernier à Palinges. Cette année, l’OS avait fait le choix d’organiser la réunion le jour même de l’entrée du second lot d’agneaux à la station de contrôle individuel (SCI), profitant ainsi de la présence d’adhérents venus de toute la France.
L’assemblée s’est ouverte sur la présentation des comptes de l’exercice 2024. Avec une situation économique qui se dégrade depuis 4 ans aboutissant à un résultat négatif de – 17.000 € en 2024. C’est le fruit d’une érosion des activités de la race couplée à une hausse des charges et à une baisse des aides publiques obligeant à puiser dans la trésorerie. Le nombre d’animaux inscrits progresse légèrement (4.552), de même que les marquages. Mais les nombres d’adhérents et de brebis baissent et les marges commerciales ont chuté de – 14.623 € en 2024. La race est parvenue à exporter le même nombre d’ovins qu’en 2023, mais elle n’a pas pu profiter de la vente de bovins qui avait gonflé les recettes de l’exercice précédent. Et le sanitaire (zonage MHE) a complexifié le commerce de fin d’année, expliquait-on.
Réorganisation interne
Pour faire face à des ressources qui s’amenuisent et des charges en hausse, l’OS compte beaucoup sur l’export, malheureusement incertain du fait des aléas sanitaires. Il identifie aussi tous les postes sur lesquels il peut accomplir des économies. C’est dans ce contexte qu’intervient une réorganisation des ressources humaine de l’association. Le 1er septembre prochain, Claire Debrut jusqu’alors technicienne, remplacera Aline Bonnot à la direction, cette dernière ayant fait le choix de s’installer éleveuse en reprenant l’exploitation de ses parents. Cette succession sans embauche — excepté un apprenti — nécessitera une adaptation dans les missions de l’OS avec une nécessaire priorisation des tâches, prévenait-on.
2.000 brebis perdues en 15 ans
L’OS Mouton Charollais comptait 103 élevages adhérents et 6.200 brebis contrôlées pour la campagne 2024. Elle a perdu près de 2.000 brebis depuis 2010 et se situe à la neuvième place parmi les races ovines en nombre de brebis contrôlées. Les autres races bouchères connaissent la même évolution baissière.
2024 a été une année commerciale mitigée pour le Mouton Charollais avec 230 ovins exportés contre 243 en 2023. Le contexte sanitaire a privé la race de certains pays européens. En France, il s’est vendu d’avantage d’agneaux en automne pour pallier les pertes liées à la FCO. Pour la première fois, 570 doses de semences ont été exportées au Mexique.
Bilan satisfaisant pour la station
Le bilan de la saison pour la station de contrôle individuel est satisfaisant. 85 % des 139 béliers contrôlés ont été vendus à 841 € de moyenne. Davantage d’éleveurs-sélectionneurs ont confié leurs agneaux à la station cette année (50 % des élevages adhérents) et ils sont 32 % (contre 30 % en 2023) à avoir acheté un bélier en SCI, preuve d’une implication grandissante dans le schéma de sélection racial.
Le bilan est moins réjouissant pour le testage. Sur les 11 béliers mis en testage en 2022 dans le cadre du schéma, seulement 7 ont été indexés en 2024 dont deux qualifiés « AMBO » (améliorateurs bouchers). L’activité insémination artificielle recule encore en 2024 concernant 35 % des sélectionneurs.
Depuis 2023, tous les béliers en service dans la base de sélection doivent être génotypés et des agnelles sont également contrôlées dans des élevages tirés au sort chaque année. L’objectif, rappelle l’OS, est d’estimer le taux de paternités erronées et de corriger les données pour améliorer la fiabilité de l’indexation. Le génotypage permet aussi de constituer une base de données des béliers de lutte pour faciliter les contrôles de filiation à venir et préparer le passage à la sélection génomique. En 2024, le taux moyen d’erreur de paternité est tombé à 7,9 % contre 14,6 en 2023. Un résultat très encourageant qui incite à poursuivre les efforts.
Promotion de « L’Agneau Charollais »
Sur le plan de la promotion, l’année a été marquée par l’annulation, pour cause sanitaire, du concours de Moutons Charollais dans le cadre du Sommet de l’Élevage. La race a continué de mettre en avant sa marque « l’Agneau Charollais ». En mars 2024, elle participait au concours d’animaux de boucherie d’Autun avec 11 lots d’agneaux purs charollais. En juin, une dégustation de viande d’agneaux avait lieu à l’Intermarché de Charolles. 9 lots étaient à nouveau présentés au Festival du Bœuf début décembre.
En 2025, les perspectives commerciales sont de nouveau incertaines du fait du contexte sanitaire. Des ventes ont été effectuées en Suisse, Portugal, Hongrie… Italie, République Tchèque, Roumanie pourraient être les prochaines destinations. L’Ukraine serait aussi demandeuse, mais ce marché s’avère extrêmement compliqué sur le plan sanitaire.
Aides de la Région, nouveaux adhérents…
Ce printemps, avec l’aide de la Région Bourgogne-Franche-Comté, la station de Palinges a lancé un protocole de mesure de la résistance au parasitisme pour les futurs béliers (lire notre édition du 16 mai). En 2025, une nouvelle aide de la Région en faveur de la génétique entre en vigueur, se félicitaient les responsables de l’OS. 160.000 € sont alloués par an durant trois années pour l’achat d’agnelles qualifiées (50 € par agnelle) et de béliers (150 € par bélier).
Malgré les inquiétudes, l’OS reste optimiste. Persuadée, comme le maire de Charolles, Pierre Berthier, qu’il faudra bien continuer à produire de la viande, l’OS continue de croire en des jours meilleurs. Et pour illustrer ce ressenti, « un nombre conséquent de nouveaux adhérents rejoint la race en 2025, dont des jeunes qui commencent avec des troupes de 60-80 brebis à titre initial. C’est bien la preuve que le Mouton Charollais attire toujours et que son travail de qualité paiera ».
Loup : la tension monte de toute part…
Peinant déjà à maintenir leurs effectifs, les responsables de l’OS Mouton Charollais sont très préoccupés par la prédation du loup. Les sélectionneurs du berceau de race ont été parmi les premiers à payer un lourd tribut au retour du prédateur protégé, d’autant que leur système d’élevage herbager, en petits lots, se prête très mal aux mesures de préventions imposées par la loi. Les sélectionneurs de Moutons Charollais avaient été parmi les premiers à s’alarmer de la situation, soulignant que la présence du prédateur est incompatible avec leur élevage bocager. Et pour le président de l’OS Denis Berland, « il faut choisir, c’est soit les éleveurs, soit le loup ». Ce dernier, qui a vécu lui-même des pertes sur son exploitation en 2020, témoignait au nom de ses collègues de la très grande détresse de la profession. Au point qu’il redoutait « qu’il arrive des drames ». Une exaspération immense dont les éleveurs de Moutons Charollais ont fait part au président de la FDSEA Christian Bajard. Alors qu’une autre réunion tendue se tenait au même moment à Morey au cœur de la zone récemment prédatée (lire notre précédente édition et en page 3 cette semaine sur les suites données), la pression montait de toute part contre une situation que les éleveurs ne pourront jamais supporter.
Conformation, vitesse de croissance, rendement de carcasse…
Pour lutter contre la baisse du nombre d’adhérents, l’OS Moutons Charollais a voulu cerner les attentes des utilisateurs. Pour cela, il a confié à l’un de ses stagiaires (Lucas Tissier, étudiant en BTS) le soin de réaliser une enquête auprès des intéressés. Les principales qualités de la race citées par ces derniers sont la conformation, la vitesse de croissance et le rendement de carcasse. Ils lui reprochent en revanche la docilité, la rusticité et les boiteries. Leurs critères de choix dans l’achat d’un bélier sont par ordre d’importance la conformation, la vitesse de croissance, les qualités maternelles, puis les qualifications et carrières des parents, le standard de race. Le pourcentage de béliers inscrits au sein des élevages est relativement élevé (58 % des éleveurs ont 100 % de béliers inscrits). 90 % des béliers proviennent, à part sensiblement égale, de foires, de fermes et de coopératives. 10 % seulement sont issus de station SCI alors que la grande majorité des éleveurs sondés connaissent pourtant la station et le programme de sélection racial.