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Déserts médicaux

Accès aux soins en milieu rural : l’état d’urgence est lancé !

La crise sanitaire a mis en exergue les difficultés d’accès aux soins dans les territoires ruraux, ressentis depuis bien longtemps par les habitants. L’association des maires ruraux de France (AMRF), par le biais d’études réalisées ces dernières années, monte au créneau.

Par Amandine Priolet
Accès aux soins en milieu rural : l’état d’urgence est lancé !
Service communication Varzy
Gilles Noël, maire de Varzy dans la Nièvre.

Dix millions de Français vivent dans un territoire où l’accès aux soins est de qualité inférieure à celle de la moyenne du pays, et 6 millions d’entre eux résident à plus de 30 minutes d’un service d’urgence. Ce sont les chiffres tirés des études menées par l’association des maires ruraux de France (AMRF) en 2020 et 2021. « La dégradation de l’accès aux soins est de plus en plus forte, mais dans le monde rural, elle existe depuis déjà une vingtaine d’années. Nous avons vu progressivement partir des médecins en retraite sans être remplacés. Nous avons vu au fil du temps que les soins s’éloignaient… Nous avons essayé de tirer des sonnettes d’alarme pour redresser la barre à ce moment-là, mais les choses se sont aggravées… », alerte Isabelle Dugelet, maire de Le Gresle, une petite commune de la Loire. « La population dans les territoires ruraux est plus pénalisée que le reste de la population française, pourtant, aujourd’hui, il manque des médecins partout. Le pays entier est un désert médical ! » poursuit la maire ligérienne, très investie au sein de l’AMRF sur les questions de l’accès aux soins. Aujourd’hui, il manquerait près de 6 000 médecins pour atteindre l’objectif d’un médecin pour 1 000 habitants.

Plusieurs projets ont vu – ou vont voir – le jour afin d’apporter des offres de soins aux ruraux. « Le Médicobus, lancé par l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, va permettre de répondre très ponctuellement aux besoins des habitants… Il sera par exemple présent dans ma commune de 865 habitants dépourvue de médecin – à l’image des villages voisins -, un jour toutes les deux semaines, et le médecin assurera entre 7 à 10 consultations », indique Isabelle Dugelet. Par ailleurs, l’association loi 1901 « Médecins solidaires » vise à apporter une réponse immédiate à la pénurie de soins de premiers recours, dans les sept centres de santé de la Creuse, le Cher, la Nièvre, en Haute-Vienne, les Deux-Sèvres et l’Indre. Chaque semaine, un médecin généraliste assure une permanence dans l’un des centres médicaux pour offrir aux patients un accès aux soins pérenne.

Plaider pour une démocratie sanitaire

« Ce sont des solutions intéressantes mais qui restent relativement fragiles. Il serait peut-être plus judicieux d’aider les médecins à s’installer dans de meilleures conditions ». Dans ce contexte, l’AMRF aimerait que pour toute installation nouvelle, une solidarité territoriale se mette en place vers les zones peu denses, afin que chaque nouveau praticien puisse, a minima, consulter une journée par semaine dans un territoire rural isolé, afin de « revoir la lumière dans un cabinet médical fermé depuis trop longtemps ». « On nous dit toujours que ça ira mieux demain. Mais la situation est trop grave et trop importante aujourd’hui », s’alarme Isabelle Dugelet.
« C’est une situation désespérante. Nous demandons à l’État de mettre autour de la table toutes les forces en présence (élus, médecins, représentants syndicaux, etc.), dont les petits élus ruraux. Nous souhaitons participer à cette démocratie sanitaire », prévient son homologue Gilles Noël, maire de Varzy, commune de 1 200 habitants dans la Nièvre, lui aussi engagé au sein de l’AMRF. « Il n’y a pas de solution miracle mais il est urgent que l’État s’intéresse à ces jeunes Français partis faire des études de santé à l’étranger et qu’ils ne soient pas considérés, à leur retour en France, comme des professionnels de santé low cost. Il est tout aussi primordial qu’on accompagne dans les centres hospitaliers les ‘‘padhue’’, ces praticiens diplômés hors Union européenne, qui ont des situations précaires avec des salaires inférieurs à ceux que reçoivent leurs pairs, et qui finissent par repartir », regrette Gilles Noël. L’une des demandes de l’AMRF est également de faire alliance pour accueillir au mieux les docteurs Juniors lors de leur stage de 4e année obligatoire à partir de fin 2026 dans les territoires ruraux.

Isabelle Dugelet
Isabelle Dugelet, maire de Le Gresle dans la Loire.