Vigilance sur le datura stramoine
Le datura stramoine est en extension depuis plusieurs années sur le territoire national : cette adventice des cultures de printemps telles que le maïs, le soja, le tournesol ou encore les productions maraîchères, pose de sérieux problèmes sanitaires, liés à sa toxicité élevée pour l’homme et le bétail, comme le rappelle une récente note de la DGAL-SDSPV.

Une note de la Direction générale de l'alimentation (ministère de l'Agriculture) / Sous-direction de la santé des plantes et du végétal (DGAL-SDSPV), publiée en février, tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme vis-à-vis du datura stramoine. La toxicité élevée de cette plante adventice compromet gravement l’alimentation animale et les filières agroalimentaires, avec une recrudescence des cas d’intoxication depuis 2021. Comme le souligne avec insistance la DGAL, cette solanacée produit des alcaloïdes tropaniques – atropine et scopolamine – à des concentrations particulièrement dangereuses. Ainsi, la présence d’un seul pied de datura pour vingt-cinq mètres carrés dans un maïs ensilage peut suffire à provoquer une intoxication mortelle chez les bovins. Par ailleurs, la réglementation européenne fixe des seuils extrêmement stricts : un gramme de graines de datura par kilogramme de céréales rend impropre à la consommation tout lot destiné à l’alimentation animale. Quant aux denrées pour nourrissons et enfants en bas âge, la limite tolérée est d’un microgramme par kilogramme, comme le stipule le règlement européen 2016/239.
Attention aux contaminations croisées
« La valeur ARfD de 0,016 µg/kg de poids corporel confirme sans équivoque le risque aigu », rappelait déjà Béatrice Orlando, chef de projet chez Arvalis. La DGAL met en garde contre les contaminations croisées, notamment via les tourteaux importés ou les ensilages, responsables d’intoxications récurrentes chez les ruminants et les chevaux. Les dernières données du réseau de surveillance phytosanitaire (DGAL-SDSPV, 2025) font apparaître une inquiétante augmentation des contaminations. Ainsi le nombre de parcelles de maïs fourrage concernées par la présence de stramoine fait un bond de 38 % entre 2021 et 2024 (passant de 12 % à 16,5 % des surfaces contrôlées). Selon le réseau d’épidémio-surveillance en santé animale, un cas sur cinq d’intoxication du bétail serait lié à la présence de datura dans les ensilages. Le rapport révèle en outre que le seuil toxicologique critique est fréquemment dépassé : 23 % des analyses d'ensilages présentent des taux d'alcaloïdes tropaniques excédant 1 µg/kg (contre 15 % en 2020).
Nouvelles mesures prophylactiques
L'analyse de 1500 échantillons par les laboratoires agréés en 2024 montre que sept lots de tourteaux de soja importés ont été retirés du marché pour contamination (>10 graines/kg), 12 alertes sanitaires concernant des ensilages bovins (dont 3 mortelles) ont été enregistrées en Nouvelle-Aquitaine et Pays de la Loire. Rappelons aussi le préjudice concurrentiel de cette adventice, puisqu’une plante adulte pour 10 m² réduit le rendement du maïs de 8 %, selon une synthèse d’essais Arvalis parue en 2023. Face à la longévité exceptionnelle des graines – elles peuvent survivre plus de quatre-vingts ans dans le sol –, la DGAL-SDSPV préconise une série de mesures préventives. Tout d’abord, une surveillance accrue des abords de parcelles et des chantiers de récolte s’impose, car ces zones constituent souvent des foyers de dissémination. Ensuite, le nettoyage systématique du matériel agricole est indispensable pour limiter la propagation des graines lors des transferts entre parcelles. Enfin, l’introduction de cultures d’hiver dans la rotation permet de réduire significativement les levées, le datura ayant besoin de sols réchauffés pour germer, et de lumière pour pousser, comme d’ailleurs l’ambroisie à feuilles d’armoise.
Stratégie de lutte intégrée
Les moyens de lutte doivent combiner plusieurs approches. L’arrachage manuel, effectué avec des gants pour éviter tout contact cutané, reste une solution efficace si réalisé avant la montée à graines. De même, le broyage précoce des passages d’enrouleurs permet d’éliminer les plants avant qu’ils ne produisent des semences. Enfin, les traitements herbicides doivent être appliqués en prélevée, puis en complément foliaire sur des jeunes plants au stade deux à quatre feuilles, moment où ils sont les plus vulnérables. « La traçabilité des lots contaminés et la formation des agriculteurs sont désormais des priorités », conclut la note ministérielle, appelant à une mobilisation collective face à ce danger sanitaire persistant.