Travail, famille, simplicité
Antoine Bernier, 20 ans, s'est installé dans l'exploitation familiale en avril. Plus qu'une simple reprise, son installation représente beaucoup pour lui.

Le 15 avril, Antoine Bernier a rejoint la ferme familiale, comme il le détaille : « j'ai repris la structure de mon oncle Bernard et, avec mon père, Patrick, nous avons créé le Gaec de l'Andrage (Virot à Verneuil) pour mutualiser certains éléments ». Pour Antoine, cette structure juridique était quasiment indispensable : « Cela réduit grandement le montant du capital à investir pour moi, notamment pour le matériel. C'est très clairement une épine du pied en moins. D'ailleurs, sans le soutien familial reçu pour mon installation, je ne sais pas comment j'aurais fait ». En effet, outre l'alliance avec son père, il pointe l'aide de sa mère, Véronique (54 ans, secrétaire de mairie), concernant la partie administrative : « elle ne fait pas partie de la société agricole mais s'investit depuis des années bénévolement. Avec elle, j'apprends à faire mes armes car tout ce volet administratif est très lourd au quotidien et on ne s'y attend pas… ».
Le mur de la réalité
Sur cet élément, il réagit : « En tant que jeune installé, nous nous prenons la réalité en plein visage, car nous ne sommes pas préparés à tout ce qui nous attend. En effet, l'idée du métier que l'on se fait durant nos études – pour ma part un Bac STAV et BTS ACSE - est bien différente du quotidien sur le terrain. À mon sens, il faut, outre les compétences indispensables (polyvalence notamment), il faut savoir penser à tout, tout le temps. Dans les premiers temps, cela est très compliqué, d'où l'importance d'avoir un soutien. Pour le moment, je n'ai pas assez de recul pour savoir si ma manière de procéder est la bonne, mais clairement, je dois encore continuer à prendre mes marques ». Passionné par la profession depuis son enfance, il apprécie particulièrement la technicité de son métier, mais explique : « S'installer à 20 ans est à la fois un handicap et un atout. J'ai l'avantage d'avoir le dynamisme de la jeunesse, mais j'aurais aimé voir d'autres choses avant de m'installer. J'ai été employé au service de remplacement durant l'été 2024 et j'ai grandement apprécié. Je pense qu'il faut découvrir d'autres horizons, et pas uniquement dans le monde agricole. Pour ma part, j'aurai aimé travailler dans l'artisanat, car j'aime entrevoir le regard des autres sur le monde. Pour moi, ces interactions sont enrichissantes, même si nous n'avons pas la même vision. Je suis persuadé que des divergences émergent toujours de nouvelles questions sur notre propre métier et permettent de nous remettre en question pour évoluer ». Sans esquisser une once de regret pour son installation car « cela permet de faire perdurer la ferme familiale », il conseille aux hésitants : « Faites-vous confiance, en construisant votre projet. Certes, toutes les démarches sont longues et fastidieuses, mais, au final, une fois installés, nous sommes libres, ce qui n'a pas de prix ». Si pour lui la passion du métier rime donc avec réflexion et maturité, il ajoute en souriant : « il faut aussi être un peu intrépide, car un parfois un chef d'exploitation doit choisir entre la peste et le choléra. En somme, il faut trouver un équilibre ».
L'oasis de l'avenir
Si Antoine n'a pas tout à fait trouvé ce fameux équilibre, il continue de bourgeonner d'idées : « Il faut ramener de la valeur ajoutée dans nos structures car ce levier les rendra transmissibles peu importe leur taille ». Pour rappel, le Gaec est composé de 295 ha environ dont 100 ha de cultures (colza, blé, orge, tournesol, maïs, trèfle, luzerne), 170 mères Charolaises non inscrites, avec engraissement de la quasi-totalité de la voie femelles. Ainsi, outre l'engraissement, Antoine évoque un autre point pour attirer cette fameuse valeur ajoutée : « J'aimerais pouvoir stocker une partie des céréales en hiver afin de les valoriser au mieux et pourquoi pas, à terme, mettre en place un débouché pour faire de la farine ». En parallèle, il développe un autre pan : « J'apprécierai que l'on revienne à une certaine logique. Par exemple, j'ai des parcelles ayant un système d'irrigation pour les auges. Installé il y a des années, ce système est aujourd'hui inutilisable car nous n'avons pas les autorisations pour pomper la source. Dans le futur, je voudrais qu'on nous fasse confiance de temps en temps, car nous n'avons pas l'intention de détruire notre environnement bien au contraire ! Pour ma part, je veux utiliser ce qu'il y a sur place afin d'aboutir à une production viable et pérenne dans le temps, comme mon grand-père Roland le faisait déjà sur sa propre ferme il y a longtemps ». Il conclut : « L'agriculture à un avenir même s'il est encore un peu flou. À mon échelle, je vois que sur une dizaine de cousins, trois s'installent cette année, et peut-être que d'autres suivront (à l'image de mes deux sœurs : Constance, 26 ans, et Mathilde, 28 ans, qui pourraient potentiellement rejoindre le Gaec un jour. Nous avons tous l'agriculture dans le sang, mais un peu de simplicité pour toutes les démarches serait la bienvenue ».
