Pour la Simmental de Côte-d'Or, l'immunité est un sujet à creuser
Les organisations d'éleveurs s'interrogent sur les défis sanitaires qui se posent à elles. En Côte-d'Or, le syndicat d'éleveurs de Simmental pointe l'immunité comme un sujet de réflexion central. Pour cela, le regard d'un intervenant tel que Pierre Dubourg (Symbiopôle) peut être d'une grande utilité.

En mars dernier, le syndicat Simmental de Côte-d'Or a consacré une grosse partie de son assemblée générale à la problématique de l'immunité de la race. L'initiative traduisait l'implication de ces éleveurs sur une thématique sanitaire essentielle et leur besoin de mieux la comprendre et la maîtriser. « L'intervention sur le sujet, constate Michel Menestrier, président de la Simmental de Côte-d'Or, a beaucoup intéressé et de nombreux collègues éleveurs m'en parlent toujours. Les échanges qu'on a eus ce jour-là ont infusé et les idées font leur chemin… » Recours au lin dans les rations de fourrage, addition de certains vaccins avec un renforcement de l'immunité… Les pistes sont nombreuses. « Nous ne sommes pas antivaccins, précise Michel Menestrier, mais il nous paraît intéressant de découvrir des solutions alternatives ou complémentaires, sans a priori. Renforcer l'immunité, c'est aussi renforcer les vaccins. Il y a des complémentarités à trouver. Il y a aussi des maladies qui ne se vaccinent pas, il faut donc que les vaches fabriquent leur immunité. »
Importance de l'efficacité ruminale
L'intérêt de l'approche du syndicat Simmental de Côte-d'Or dans cette réflexion, c'est qu'il refuse les réponses toutes faites. Dans ce cadre, l'intervention de Pierre Dubourg, fondateur et dirigeant de l'entreprise Symbiopôle basée à Précy-sous-Thil avait le mérite d'inciter à la réflexion et à l'observation. Cet ancien éleveur laitier est convaincu d'une chose : une vache qui rumine bien va plutôt bien. « Le problème, ajoute-t-il, c'est que depuis des années, on est allés vers des fourrages de plus en plus fermentescibles et de moins en moins ruminants. Avec ce qui se passe au niveau climatique, ce phénomène s'accélère ces dernières années. » À ses yeux, les vaches manquent « d'efficacité ruminale ». Celle-ci est mesurable par le biais de l'activité enzymatique : lorsque le rumen fonctionne bien, il produit des enzymes en abondance dont on mesure la présence dans le lait. Le lien entre efficacité immunitaire et qualité de l'activité ruminale lui semble être un marqueur fort. « Ce constat se vérifie quasiment pour toutes les infections », souligne Pierre Dubourg. Parmi les solutions qu'il propose aux éleveurs qui travaillent avec lui, il y a la possibilité d'offrir aux bovins de la paille mélassée ou en pâture : « Le ruminant doit pouvoir manger de l'herbe, qui lui apporte des sucres, de l'azote, de la protéine… mais, en même temps, il lui faut aussi de la structure qui va amener de l'efficacité au rumen. Avoir un râtelier de paille mélassée au pré permet d'avoir ces deux apports alimentaires simultanés et complémentaires. » Si l'animal va plus naturellement vers de la bonne herbe fraîche dans un premier temps, car plus appétente, d'instinct, il ira ensuite vers la paille, en cherchant à rééquilibrer son rumen.
La sécheresse de 1976
« Je suis persuadé, poursuit-il, qu'une vache qui rumine bien ne sera pas très sensible à la FCO, par exemple. Il ne s'agit pas de minimiser la FCO et les dégâts qu'elle provoque, mais il faut expliquer aux éleveurs qui y sont confrontés cette problématique de la rumination. » Ce phénomène de dégradation de l'efficacité ruminale, il l'a vu se développer depuis plus de vingt ans, mais ses premières réflexions et observations sur le thème remontent aux conséquences de la sécheresse de 1976 : « De nombreux éleveurs avaient alors donné beaucoup de paille à manger à leurs bêtes, en raison du manque de fourrage. Dans notre région, durant l'hiver 76-77, le constat a été fait que qu'aucune bête n'était alors tombée malade. J'ai cherché à comprendre les raisons de cette situation. Les vaches avaient, cette année-là, énormément ruminé, avec la paille. Cette chose toute simple a eu des conséquences sanitaires importantes… Depuis le début des années 2000 on observe une dégradation profonde de l'activité ruminale des troupeaux. Elle touchait indifféremment les élevages laitiers intensifs et ceux de taille plus réduite. Peu à peu, on a conduit les bovins vers une déficience ruminale chronique… » Pour Pierre Dubourg, la Simmental a un avantage en matière d'immunité, sa rusticité : « je pense qu'il est intéressant de s'appuyer sur cet aspect. Je suis convaincu que la rumination, c'est une composante essentielle de la rusticité d'un bovin, plus que la génétique au sens classique du terme. Tout bovin qui rumine bien est rustique, quel que soit son niveau génétique. » La réflexion de fond sur l'immunité, portée par le syndicat Simmental de Côte-d'Or n'en est qu'à son début, un groupe de travail au sein du syndicat, composé d'éleveurs volontaires et spécifiquement dédié à ce thème, pourrait être monté pour la prolonger mais il y a là le souci réel de faire progresser des pratiques, afin, aussi, de préserver un certain niveau d'exigence : fin mars, deux Simmentals de Côte-d'Or étaient présentes au salon Vaches en Pistes, à La Roche-sur-Foron, en Haute-Savoie, et onze autres, quelques jours plus tard, à Elit'Days, à Épinal.