Portes ouvertes Ferm’Inov : la multiperformance est à portée de main !
Il a été beaucoup question de multiperformance lors des dernières portes ouvertes de Ferm’Inov. Bonnes nouvelles, l’efficience économique va de pair avec l’efficience environnementale et les prairies charolaises sont une chance inouïe.

Lors des portes ouvertes de Ferm’Inov le 27 mai dernier, l’élevage bovin allaitant herbager était mis « à l’épreuve de la multiperformance ». C’est en effet ce qui lui est demandé aujourd’hui dans une optique de « plus de durabilité ». Trois experts de l’Idele (Institut de l’Élevage) et un éleveur de Saône-et-Loire (lire encadré) ont apporté leurs éclairages lors d’une conférence de haut niveau.
Directeur du département productions et produits, André Le Gall a d’abord dressé un état des lieux de la situation de l’élevage allaitant au regard de cette « multiperformance ». On retiendra d’abord que la consommation de viande demeure stable en France. Si l’autosuffisance de la production française approche 95 %, la décapitalisation est importante avec 1 million de vaches perdues en huit ans dont 700.000 vaches allaitantes. La productivité du troupeau a été maintenue ces dix dernières années, mais « l’efficience alimentaire s’est un peu détériorée », pointait André Le Gall qui faisait état « d’écarts de 15 à 20 % entre efficients et gaspilleurs ».
« Paradoxe carbone… »
L’expert abordait ensuite le « paradoxe carbone » suivant lequel « on voudrait des prairies mais pas les herbivores qui émettent du méthane ! ». Le scientifique rétablissait quelques vérités en rappelant que les déplacements émettent, eux aussi, énormément de carbone, alors même que le parc voitures croît à l’inverse du nombre de vaches… Quand l’Amérique du Sud en est à 70 kg équivalents CO2 émis par kg de viande vive produite, la ferme de Jalogny est à seulement 18 ! Et l’expert de rappeler qu’une prairie naturelle stocke jusqu’à 100 tonnes de carbone par hectare.
Alors que la liste des vertus de l’élevage herbager s’allongeait au fil de la démonstration, tombaient une à une les rengaines des opposants. N’en déplaise aux études si chères aux médias, la viande est bel et bien bonne pour la santé, ne serait-ce que parce qu’elle est nourrissante et qu’elle contient certains acides aminés très intéressants. André Le Gall signalait aussi que les teneurs en nitrates sont faibles dans la zone allaitante. Il dénonçait en outre « la malhonnêteté intellectuelle » de ceux qui ont fait courir ces chiffres aberrants sur la consommation d’eau de la production de viande bovine.
« Mettre en avant les services rendus »
Qu’on le veuille ou non, l’élevage d’herbivore est favorable à la biodiversité, argumentait encore l’expert. Pour atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050, on peut encore faire jouer des leviers techniques. Et on peut aussi miser sur l’effet « albédo » des précieuses prairies qui, favorisant le réfléchissement des rayons du soleil, contribuent à atténuer le réchauffement du sol. En conclusion, « l’élevage bovin allaitant herbager a une bonne empreinte environnementale », synthétisait André Le Gall qui recommandait de ne pas « s’enfermer dans le débat carbone, mais de mettre en avant les multiples services rendus », tant par les prairies permanentes que sur le plan économique.
La productivité du troupeau 1er levier
Animatrice du réseau d’élevages Inosys, Christèle Pineau étudie l’économie d’exploitations du bassin charolais. Elle s’est intéressée à comment les plus efficientes d’entre-elles se situaient au niveau environnemental. Le premier levier de l’efficience économique demeure la productivité du troupeau, rappelait l’experte qui ajoutait aussi le prix de vente ainsi que les ingrédients de l’équilibre économique (charges, produits, etc.). Produire pour nourrir reste la première fonction de l’exploitation et les naisseurs spécialisés du bassin charolais les plus efficients sont en mesure d’alimenter 480 personnes par an, faisait-elle valoir.
La valorisation de l’herbe au cœur
Forte de cette productivité, la multiperformance consiste à agir en même temps sur ses émissions de gaz à effet de serre. Cela passe notamment par une meilleure valorisation de l’herbe : produire des fourrages de qualité, développer le pâturage tournant pour être plus économe en concentrés, expliquait l’experte. C’est aussi essayer de produire ces concentrés sur l’exploitation ou utiliser des concentrés locaux. « L’herbe est une réponse aux enjeux environnementaux et un levier d’amélioration des résultats », synthétisait Christèle Pineau. « Plus le degré de valorisation de l’herbe est élevé, plus l’empreinte carbone nette est faible avec un revenu disponible qui s’améliore ». La valorisation de l’herbe est aussi une réponse au défi feed-food, car c’est une production (l’herbe) qui n’entre pas en concurrence avec l’alimentation humaine.
L’exemple de Ferm’Inov
À Jalogny, Ferm’Inov offre un précieux support expérimental avec un troupeau de 100 vêlages sur 200 ha essentiellement d’herbe avec une dizaine d’hectares de céréales, présentait Jérémy Douhay, chargé d’études sur le site pour l’Idele. Les vêlages sont scindés en deux périodes ; l’une sur septembre et l’autre sur février. Génisses et vaches sont engraissées sur place tandis que les mâles sont commercialisés en broutards à l’automne et en juin. Le système s’appuie sur une alimentation à base d’enrubannage et de foin. Il vise une bonne efficience économique, de telle sorte à être rémunérateur. Engagée dans la quête de durabilité et la multiperformance, la ferme de Jalogny cherche à réduire la vulnérabilité face aux aléas par la sécurisation fourragère. Elle tend vers davantage d’autonomie fourragère et protéique, limitant par là même ses coûts de production et son impact environnemental, présentait Jérémy Douhay.
De grosses économies de concentrés
Avec seulement 370 kg de concentrés par UGB distribués par an (bien inférieur à la moyenne du bassin), Ferm’Inov est parvenue à bien diminuer la consommation de concentrés en ajustant la ration à la qualité des fourrages récoltés, faisait valoir l’expert. L’efficience du système herbager permet à l’exploitation d’être « producteur net de protéines » et de se prévaloir d’un bon 88 % de production autonome (kg de viande produits à base d’herbe). Grâce à des fauches avancées au stade optimal des fourrages, la ferme a montré qu’on pouvait économiser 300 kg de concentrés par vache engraissée. Et grâce au pâturage tournant, elle est parvenue à réduire de 70 à 100 kg la quantité de concentrés distribuée aux broutards. Ainsi la marge bovins viande de Ferm’Inov a-t-elle progressé de + 164 €/UGB avec une production de viande vive en hausse et plus de finition. En baisse, les émissions de CO2 de la ferme de Jalogny s’élèvent aujourd’hui à 10,3 kg par kg de viande vive, ce qui est inférieur à la moyenne régionale. « Notre force, c’est le caractère herbager qui nous permet de compenser à plus de 40 % », concluait Jérémy Douhay.
Déjà une exploitation 100% autonome à Saint-Martin-du-Tartre !
Avec trois autres associés et un salarié, Benoit Pingeot est à la tête d’une exploitation diversifiée : grandes cultures, bovins viande et vignes. Originaires de la Somme, ses parents étaient éleveurs laitiers avant de reprendre une ferme de polyculture-élevage en Saône-et-Loire. Sur des terres séchantes au potentiel limité, la famille Pingeot a opté pour une conversion en bio en 2019 car « il y avait trop de risque financier en conventionnel », justifie le jeune agriculteur. En même temps que débutait l’activité viticole, le nombre de vêlages a été divisé par deux (90) ; les cultures abaissées à 140-150 ha et les prairies permanentes portées à 150. Parmi les axes de travail mis en œuvre, le Gaec a développé le pâturage tournant. Cette intensification de l’exploitation de l’herbe a permis de dégager des surfaces fourragères, dont du stock sur pied (21 ha) très précieux pour passer les sécheresses, confie le jeune éleveur. Dans son assolement bio, la famille Pingeot mise aussi sur la luzerne riche en protéines. Elle a introduit la betterave fourragère, plus intéressante que le maïs en termes d’énergie et aussi plus résistante aux coups de sec, souligne Benoit. Pour optimiser la production « sans aller chercher des surfaces supplémentaires », les associés font vêler leurs vaches dès deux ans. Et pour gagner en précocité, ils vont jusqu’à croiser leurs génisses charolaises avec des taureaux angus… Aujourd’hui, l’exploitation atteint 100 % d’autonomie. Ses seuls achats sont le sel et les minéraux, conclut Benoit Pingeot.