Rencontre
Dégâts de gibier : il faut inventer autre chose
La FDSEA de la Nièvre a invité Sylvie Houspic, la préfète, à venir constater des dégâts de gibier, mais surtout à entendre l’exaspération croissante d’un monde agricole qui fait le constat que les solutions proposées, face à la prolifération des sangliers, ne sont pas suffisantes.

Il faisait un temps à ne pas mettre un sanglier dehors… si seulement ! Vendredi 20 décembre, la rencontre organisée par la FDSEA de la Nièvre avec la préfète du département, Sylvie Houspic, sur la thématique des dégâts de gibier, s’est tenue sous un ciel larmoyant.
Mais s’il suffisait d’une bonne averse pour que les sangliers arrêtent de ravager les champs, cela contenterait amplement un monde agricole aujourd’hui très tendu sur la question. De fait, en donnant rendez-vous à la représentante de l’État au Gaec de Julien et Noël Rolin, à Crux-la-Ville, près de Châtillon-en-Bazois, les représentants du syndicat agricole avaient conscience qu’ils ne lui faisaient pas découvrir un problème. La préfète avait déjà répondu présente sur un rendez-vous similaire, il y a un an. Malheureusement, depuis, la situation ne s’est pas améliorée, et il s’en faut de beaucoup.
«Dialogue de sourds»
D’une année sur l’autre, comme le rappelait Michel Loison, vice-président de la FDSEA 58 «les déclarations de dégâts de gibier dans le département sont passées de 250 000 à 650 000 euros». Clairement, pour la profession, il n’est plus temps aujourd’hui de faire simplement constater un problème déjà ancien, mais de pousser les acteurs concernés à imaginer de nouvelles solutions. «Depuis fin 2017, poursuit Michel Loison, nous alertons la fédération de la chasse. Même si des sangliers sont tirés, le fait est qu’il y en a toujours autant et les discussions avec les chasseurs tournent la plupart du temps au dialogue de sourds. Aujourd’hui, l’État doit prendre ses responsabilités : il faut détruire du sanglier !» Les débats stériles autour de cette question, les agriculteurs n’en peuvent plus et n’en veulent plus.
À Crux-la-Ville, certains des participants à la réunion pointaient du doigt des battues administratives aux résultats dérisoires et les comparaient à d’autres, menées dans les Vosges ou l’Allier, aux cours desquelles plusieurs dizaines de ces animaux étaient tuées. «Aujourd’hui, précise Olivier Laporte, en charge du dossier chasse à la FDSEA 58, beaucoup d’exploitants rencontrent des difficultés croissantes dans leurs semis de maïs ou de pois, régulièrement saccagées. Les agriculteurs n’ont pas la main sur la prolifération des sangliers, mais ils dépensent énormément de temps et d’énergie à réparer leurs dégâts. Quand, l’hiver, nous retirons nos vaches, c’est pour ne pas esquinter nos prairies, mais nous les retrouvons parfois dans des états lamentables à cause des sangliers. Au bout d’un moment, ce que nous disons c’est : peu importe les moyens, nous voulons des résultats…» Et s’il n’y avait que les sangliers ! Sur son smartphone, Olivier Laporte montre les images, tournées une semaine auparavant, d’un impressionnant troupeau d’une centaine de cervidés galopant dans une pature…
Faire bouger les lignes
Attentive aux récriminations et témoignages des exploitants présents, la préfète Sylvie Houspic a prévenu qu’elle n’avait pas de baguette magique mais a encouragé les agriculteurs à signaler aux gendarmes, à chaque fois que cela est nécessaire, les comportements de chasseurs qui, par exemple, procéderaient à des agrainages excessifs. «Cette affaire, poursuivait-elle, on ne pourra la traiter qu’en testant de nouvelles solutions, et tous ensemble. On doit aussi réfléchir à la problématique de l’agrainage». Ces nouvelles solutions, elles restent à définir, en bonne entente malgré tout avec les chasseurs, mais les agriculteurs veulent aussi faire bouger les lignes, en remettant en question, par exemple, la règle des 20 hectares(1).
Certains voudraient également revoir la définition du «point noir» définit dans les schémas cynégétiques et dont l’évolution est perçue comme trop favorable aux chasseurs. D’autres, encore, réclament une réadaptation de la grille d’indemnisation appliquée aux agriculteurs bio. La question des chasses commerciales est aussi très prégnante et, le 20 décembre, la présence d’un représentant d’une chasse de ce type permettait de comprendre le fossé existant avec des agriculteurs exaspérés. Non, décidément, il faudra plus qu’une bonne pluie pour stopper les dégâts de gibier…
(1) Cette règle impose à tout propriétaire disposant d’une parcelle de moins de 20 hectares d’un seul tenant d’ouvrir le droit de chasse à des Associations communales de chasse agréées (ACCA) mais cette obligation ne tient plus pour les surfaces d’un seul tenant supérieures à 20 hectares. Sur ces surfaces, logiquement, les sangliers sont donc moins menacés et peuvent proliférer.
Mais s’il suffisait d’une bonne averse pour que les sangliers arrêtent de ravager les champs, cela contenterait amplement un monde agricole aujourd’hui très tendu sur la question. De fait, en donnant rendez-vous à la représentante de l’État au Gaec de Julien et Noël Rolin, à Crux-la-Ville, près de Châtillon-en-Bazois, les représentants du syndicat agricole avaient conscience qu’ils ne lui faisaient pas découvrir un problème. La préfète avait déjà répondu présente sur un rendez-vous similaire, il y a un an. Malheureusement, depuis, la situation ne s’est pas améliorée, et il s’en faut de beaucoup.
«Dialogue de sourds»
D’une année sur l’autre, comme le rappelait Michel Loison, vice-président de la FDSEA 58 «les déclarations de dégâts de gibier dans le département sont passées de 250 000 à 650 000 euros». Clairement, pour la profession, il n’est plus temps aujourd’hui de faire simplement constater un problème déjà ancien, mais de pousser les acteurs concernés à imaginer de nouvelles solutions. «Depuis fin 2017, poursuit Michel Loison, nous alertons la fédération de la chasse. Même si des sangliers sont tirés, le fait est qu’il y en a toujours autant et les discussions avec les chasseurs tournent la plupart du temps au dialogue de sourds. Aujourd’hui, l’État doit prendre ses responsabilités : il faut détruire du sanglier !» Les débats stériles autour de cette question, les agriculteurs n’en peuvent plus et n’en veulent plus.
À Crux-la-Ville, certains des participants à la réunion pointaient du doigt des battues administratives aux résultats dérisoires et les comparaient à d’autres, menées dans les Vosges ou l’Allier, aux cours desquelles plusieurs dizaines de ces animaux étaient tuées. «Aujourd’hui, précise Olivier Laporte, en charge du dossier chasse à la FDSEA 58, beaucoup d’exploitants rencontrent des difficultés croissantes dans leurs semis de maïs ou de pois, régulièrement saccagées. Les agriculteurs n’ont pas la main sur la prolifération des sangliers, mais ils dépensent énormément de temps et d’énergie à réparer leurs dégâts. Quand, l’hiver, nous retirons nos vaches, c’est pour ne pas esquinter nos prairies, mais nous les retrouvons parfois dans des états lamentables à cause des sangliers. Au bout d’un moment, ce que nous disons c’est : peu importe les moyens, nous voulons des résultats…» Et s’il n’y avait que les sangliers ! Sur son smartphone, Olivier Laporte montre les images, tournées une semaine auparavant, d’un impressionnant troupeau d’une centaine de cervidés galopant dans une pature…
Faire bouger les lignes
Attentive aux récriminations et témoignages des exploitants présents, la préfète Sylvie Houspic a prévenu qu’elle n’avait pas de baguette magique mais a encouragé les agriculteurs à signaler aux gendarmes, à chaque fois que cela est nécessaire, les comportements de chasseurs qui, par exemple, procéderaient à des agrainages excessifs. «Cette affaire, poursuivait-elle, on ne pourra la traiter qu’en testant de nouvelles solutions, et tous ensemble. On doit aussi réfléchir à la problématique de l’agrainage». Ces nouvelles solutions, elles restent à définir, en bonne entente malgré tout avec les chasseurs, mais les agriculteurs veulent aussi faire bouger les lignes, en remettant en question, par exemple, la règle des 20 hectares(1).
Certains voudraient également revoir la définition du «point noir» définit dans les schémas cynégétiques et dont l’évolution est perçue comme trop favorable aux chasseurs. D’autres, encore, réclament une réadaptation de la grille d’indemnisation appliquée aux agriculteurs bio. La question des chasses commerciales est aussi très prégnante et, le 20 décembre, la présence d’un représentant d’une chasse de ce type permettait de comprendre le fossé existant avec des agriculteurs exaspérés. Non, décidément, il faudra plus qu’une bonne pluie pour stopper les dégâts de gibier…
(1) Cette règle impose à tout propriétaire disposant d’une parcelle de moins de 20 hectares d’un seul tenant d’ouvrir le droit de chasse à des Associations communales de chasse agréées (ACCA) mais cette obligation ne tient plus pour les surfaces d’un seul tenant supérieures à 20 hectares. Sur ces surfaces, logiquement, les sangliers sont donc moins menacés et peuvent proliférer.
«Certaines années, on a dû resemer trois fois !»
Au Gaec Rolin, Julien et Noël savent de quoi ils parlent, en matière de dégâts de gibier. Les deux frères exploitent 550 hectares en polyculture élevage, sur les communes de Crux-la-Ville, Bazolles et Vitry-Lâche. «Les dégâts de gibier, confie Julien Rolin, on y est confrontés depuis longtemps. Certaines années, nous avons eu plus de 25 hectares affectés et il nous est arrivé de devoir resemer trois fois de suite certaines parcelles…» Jacques Boussard est un autre agriculteur qui exploite 80 hectares près du Gaec Rolin. L’an dernier, les dégâts de gibier lui ont fait perdre 24 tonnes de foin.