Reconversion
Des champignons bios dans des conteneurs

Eglantine Puel
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À 51 et 45 ans, Christophe Laurent et Ludivine Denaës, anciens fonctionnaires, ont tout lâché pour produire des shiitakés et des pleurotes bios. Un changement de vie pour l’amour du vivant.

Des champignons bios dans des conteneurs
Christophe Laurent et Ludivine Denaës espèrent à terme vendre 100 kg de champignons par semaine. (Crédits photo : Eglantine Puel)

Depuis le 1er novembre 2022, deux conteneurs maritimes sont posés à Artres, près de Valenciennes (Nord). Qui pourrait se douter qu’à l’intérieur, shiitakés et pleurotes poussent tranquillement, sous le regard attentif de Christophe Laurent, 51 ans, et de Ludivine Denaës, 45 ans. Anciens fonctionnaires, les deux tourtereaux ont tout plaqué pour se lancer dans la production de champignons bios. Un retour aux sources pour l’un, une découverte pour l’autre, mais une même envie : travailler le vivant.

Inspirés par la jeunesse

Tous deux Valenciennois d’origine, ils n’ont pas du tout les mêmes parcours. Post-bac, Christophe Laurent étudie la biologie marine à la faculté de Valenciennes avant de partir travailler dans un labo du CNRS à Paris, puis avec des ostréiculteurs en Vendée avant de devenir… vendeur dans un magasin de sport à Marseille ! Ludivine Denaës, elle, entre en contrat aidé à la mairie de Valenciennes à 18 ans et grimpe les échelons rapidement jusqu’à arriver au syndicat intercommunal d’assainissement de Valenciennes. C’est là que les deux se rencontrent. « Nous y avons fait beaucoup de choses. À la fin, nous avions pour mission de cartographier le réseau d’assainissement de Valenciennes. C’était passionnant ! Mais ça a changé après les confinements », racontent-ils. Le projet sur lequel ils travaillent est plus ou moins abandonné et le couple ne « s’y retrouve plus ». Il décide donc de profiter du dispositif de rupture conventionnelle mis en place dans la fonction publique. Ils quittent leur travail le 1er septembre 2020. « On a été pas mal inspirés par des jeunes dans notre entourage qui avait franchi le pas de se reconvertir », explique Ludivine.

Utiliser ses mains

Mais voilà, maintenant qu’ils ont tout quitté, que faire ? « On savait qu’on souhaitait travailler le vivant et utiliser nos mains. On savait aussi qu’on ne voulait pas se relancer dans des études longues… Rapidement, on a eu cette idée des champignons et en se renseignant on s’est aperçu qu’il existait des formations très courtes : une semaine dans le Jura et une autre semaine vers Lyon. On a fait les deux », se souviennent-ils.

Ensuite, Ludivine et Christophe se renseignent auprès de la DDTM pour savoir s’il existe des carrières ou des cavités propres à accueillir une production de champignons. « Ce n’était pas le cas donc on s’est rabattu sur les conteneurs maritimes qui ont l’avantage d’être isolés, ce qui permet de ne pas avoir à changer les réglages de températures trop souvent », explique Christophe. Reste à savoir quelles variétés produire. Ce sera les shiitakés et les pleurotes car « ce sont des espèces adaptées à la culture en conteneur ».

Fragiles et capricieux

Deux conteneurs maritimes achetés plus tard (un pour les pleurotes et un pour les shiitakés), la production peut démarrer. « Chaque conteneur a un système de ventilation à lui, son taux d’humidité, sa température… adapté à l’espèce. On ne peut pas les mélanger, elles ont des besoins spécifiques », explique le duo. Concrètement, Ludivine et Christophe achètent des blocs de substrat (un mélange de paille, céréales, amendement azoté et de mycélium). Ils posent ces blocs sur des étagères dans le conteneur adéquat et ensuite, ils surveillent tous les jours l’avancée de la pousse pour ajuster les différents paramètres. « C’est 365 jours par an de travail car, finalement, on récolte tous les jours. Il faut compter dix jours pour voir apparaître les premiers champignons sur un bloc mais ensuite ils peuvent doubler de volume d’un jour à l’autre », sourient-ils.

Dans les deux cas, la récolte se fait à la main. Pour les shiitakés, il faut les cueillir un par un, pour les pleurotes, elles poussent en bouquet, c’est un peu plus simple. « On essaye d’avoir de beaux et gros champignons. Mais c’est très fragile, il faut être très précautionneux », décrit Ludivine. Autre difficulté : la vente. Car, qui dit produit fragile dit mise en vente le plus rapidement possible.

Circuit court

Au départ, Ludivine et Christophe souhaitaient vendre leur production principalement à des restaurateurs et des traiteurs : « Mais c’était compliqué car ils voulaient tester le produit avant, ce qui est normal. Du coup, on s’est retrouvé avec une quantité importante de champignons sur les bras… »

C’est en discutant avec leur comptable que celle-ci leur parle du Biotope, maraîchage bio à Le Quesnoy tenu par Marine Coine qui, chaque vendredi, vend ses légumes en direct. Le plus, c’est que d’autres producteurs peuvent y vendre également leurs produits. « On y est allé un jeudi, pour dire bonjour et montrer nos champignons. Elle nous a dit de venir les vendre le lendemain ! »

Décision est alors prise d’avoir recours à la vente directe pour Les champignons de la Rhônelle, principalement via les marchés mais aussi quelques Amap, le Biotope, la Ruche qui dit oui et plus récemment El’cagette à Roubaix.

« On a été super bien accueillis finalement et surtout, avec la vente directe, on a le retour des clients. C’est très plaisant et certains nous envoient même des photos de leurs recettes ! » À terme, le couple espère vendre 100 kg de champignons par semaine.

En tout cas, à leurs sourires on en est convaincu, ils ne regrettent rien.