Artisanat
L’art de fabriquer un instrument à base de bonbonnes de gaz
Installé à Saint-Priest-des-Champs, au nord-ouest du Puy-de-Dôme, Mickaël Chaput confectionne un drôle d’instrument musical : le hang drum. Réalisé à partir de bouteilles de gaz, cet objet artisanal est de plus en plus convoité et apprécié pour ses sonorités particulières.
Son atelier puydomois est à l’image de ses compétences : multifonctionnel. Depuis une dizaine d’années, Mickaël Chaput s’est spécialisé dans la fabrication de hang drum. Proche du hang créé en Suisse (lire encadré), cet instrument aux allures de soucoupe volante et composé de bouteilles de gaz est de plus en plus recherché par les initiés, comme les amateurs. Le son qu’il produit, proche de la vibration, possède des vertus apaisantes. Objet à la fois décoratif, relaxant, mais aussi ludique, certains modèles se vendent plus de 400 € pièce. « J’ai du mal avec les gens qui se gavent sur le dos des autres, n’hésite pas à affirmer le créateur. Pour moi, le juste prix est plutôt aux alentours de 150 € ». Un prix très attractif, qui justifie certainement le succès de l’artisan, également père de cinq enfants, dont deux en bas âge. « Les demandes sont arrivées très vite, à tel point que j’ai parfois du mal à suivre ». Sa valeur ajoutée ? Les gravures réalisées par sa femme, tatoueuse et passionnée de dessins. « Maintenant que les entreprises chinoises s’y sont mises, j’ai également déposé un brevet pour la forme des feuilles qu’elle dessine et que j’intègre ».
Accordé en do majeur pour un effet apaisant
Il faut dire que créer un hang drum demande un peu de bouteille. Si Mickaël Chaput affirme réussir à créer les siens en l’espace d’une journée, ses débuts n’étaient pas si évidents. « J’ai voulu essayer d’en faire un lorsque ma femme a acheté le sien, mais c’est seulement après deux ans d’essais que j’ai réussi à faire sonner correctement les notes ». Instrument personnalisé, chaque hang drum comporte sa propre gamme. Mais celle que Mickaël préfère est sans conteste le do majeur. « Elle est joyeuse, montante et adaptée à la relaxation ». L’accord en 423 hertz, correspond, quant à lui, à la fréquence vibratoire de l’eau. « Le corps étant majoritairement composé d’eau, il est, de fait, réceptif à cette fréquence », affirme le spécialiste, dont les commandes fleurissent à chacun de ses passages dans les salons dédiés au bien-être. L’instrument dispose ainsi de huit notes en feuilles, sa marque de fabrique, ou de neuf notes en U, avec des gravures sur le dessous.
Du laiton incrusté pour créer les couleurs
Côté outils, l’artisan admet avoir cassé de nombreux disques à poncer et autres engins de découpe. « Tous les deux mois, j’avais une meuleuse ou une sauteuse qui lâchaient », se rappelle-t-il avec ironie. Dorénavant, la découpe des bouteilles de gaz de 13 kg se fait à l’aide d’une machine. « Je découpe le haut et le bas, que je ressoude ensuite ensemble. La seconde étape est de faire disparaître toutes les écritures et les soudures, puis de jouer sur l’épaisseur et la largeur du métal afin de créer des accords ». Pour la décoration, hors de question d’utiliser de la peinture. L’artisan incruste directement des particules de laiton dans le métal. Chez Mickaël Chaput, le proverbe « rien ne se perd, tout se transforme » prend tout son sens : les parties de bouteilles de gaz non utilisées ont été ressoudées puis coulées dans du béton, afin de devenir les fondations de sa maison. Autodidacte de A à Z, cette expérience a même permis au trentenaire de réaliser un rêve de gamin : confectionner son propre accordéon.
Les origines
Inspiré du pan des Caraïbes et du hang suisse Le hang drum est un instrument de musique acoustique de la famille des idiophones. Le son est produit par le matériau de l’instrument lui-même grâce à un impact produit par un accessoire extérieur, comme une baguette, ou par une autre partie de l’instrument. Avant d’arriver jusqu’en Europe, le hang drum était en réalité un instrument national de Trinité-et-Tobago, aux Caraïbes. Appelé aussi steelpan ou steeldrum, il présente l’originalité d’être fabriqué à partir d’un ou plusieurs bidons de pétrole et d’être joué à l’aide de baguettes aux embouts de caoutchouc. En 2000, les Suisses Félix Rohner et Sabina Schärer, ont largement démocratisé cet objet en créant leur propre marque, PANart, ainsi que leur propre instrument inspiré du pan : le hang. Un nom qui n’a d’ailleurs pas été choisi par hasard, puisque « hang » signifie « main » en dialecte bernois, la ville d’origine du couple. Exit donc les embouts ou les baguettes. Mais les créateurs n’avaient pas réellement anticipé le succès de cet instrument. Les deux Suisses ont ainsi conditionné l’achat d’un de leur hang à l’envoi d’une lettre de motivation, couplé à un déplacement au sein de leur atelier suisse. Les fabricants ont également choisi de faire signer une clause de non-spéculation à chaque acheteur, afin de s’assurer que l’instrument ne soit pas revendu plus cher. Au fil des années, les Bernois se sont inspirés du hang pour mettre au point un nouvel instrument : le gubal. Avec une demi-sphère supplémentaire sur lequel il repose, ce dernier a plus de basses. Breveté, cet instrument peut être réglé sur une gamme allant de 40 000 à 10 000 hertz, offrant un champ musical et mélodieux bien plus large que le hang.