Aventure
Gilles De Baere, un agriculteur à Koh-Lanta

Justine Demade Pellorce
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À 31 ans, Gilles De Baere, agriculteur à Nomain et Willems, fait partie des vingt candidats retenus pour l’aventure Koh-Lanta dont la 24e saison a débuté le mardi 21 février. Une expérience pour laquelle son métier et les qualités qu’il demande l’ont clairement aidé pense-t-il.

Gilles De Baere, un agriculteur à Koh-Lanta
Gilles De Baere.

Gilles De Baere est en cours de reprise de l’exploitation familiale, à Nomain (Nord). S’il incarne la quatrième génération d’agriculteur, c’est par défaut au départ. « Je voulais faire les compagnons du devoir en menuiserie mais ma mère, directrice d’école, préférait que je reste dans un cursus classique, rembobine le trentenaire. Alors j’ai fini le collège avec bien du mal puis j’ai intégré l’Institut d’Anchin, un lycée agricole, où j’ai choisi l’option paysagiste ». Les premiers cours liés à l’agriculture passionnent le jeune homme, qui rencontre aussi sa future épouse. « Nous étions sur la même longueur d’onde, y compris professionnellement. J’avais trouvé ma place ».

Après un premier BTS ACSE (analyse et conduite des systèmes agricoles) à l’Institut de Genech, le duo repart pour Anchin où il embraie sur un deuxième diplôme, de technico-commercial cette fois-ci. En 2012, ils sont tous deux salariés, elle dans un magasin d’horticulture et lui sur l’exploitation familiale. En polyculture élevage allaitant, en particulier de charolais, la famille cultive blé, pommes de terre, maïs, escourgeon, haricots et endives de terre Label rouge.

20 élus sur 40 000 candidats

Il y a six ans le couple s’installe en parallèle en maraîchage à Willems (Nord), où il développe encore la culture de l’endive de terre commercialisée pour l’essentiel via la coopérative du Marché de Phalempin. Deux distributeurs automatiques, un sur chaque ferme, permettent aussi de compléter la vente directe en magasin. Un quotidien bien rempli donc, et cette question : qu’a poussé Gilles de Baere, 31 ans, à aller jouer les aventuriers au fin fond des Philippines ?

Car le jeune agriculteur fait partie des vingt candidats retenus, sur quelque quarante mille candidatures, pour la nouvelle saison de Koh-Lanta, ce jeu de survie diffusé depuis plus de vingt ans sur la première chaîne. Pour lui, l’émission c’est un souvenir de gamin, puis un défi de grand enfant.

Le souvenir d’abord, celui de la première saison diffusée alors qu’il a 10 ans. C’est l’époque des cabanes dans les arbres pour ce garçon de la campagne qui, assis sur le canapé familial, entend sa mère commenter au sujet de l’un des candidats : « Ah, un Gilles. Alors il va gagner ! » Ledit candidat remporte effectivement la première saison, Gilles se projette plus que jamais. Il regarde deux ou trois saisons puis décroche.

C’est pendant le confinement qu’avec son épouse, et alors qu’ils croulent sous le boulot en tant que maraîchers, qu’ils s’imposent la soirée Koh-Lanta chaque mardi. « Afin d’être obligés de nous poser », se souvient-il.

Le couple est rapidement embarqué, et la bande de copains qu’ils forment avec d’autres agriculteurs abreuve leur groupe Messenger de commentaires sur l’émission. Un rituel naît à la maison, les tartines de la soirée Koh-Lanta : « Du pain aux céréales, un filet d’huile d’olive, des lardons et oignons revenus et du reblochon gratiné par-dessus. Le tout avec une salade d’endives et un panaché bière », liste celui qui dit avoir un rapport à la nourriture modifié par l’expérience où la faim fait partie des règles du jeu. Parce que ces tartines, il en a rêvé sur son île des Philippines. Et d’autres ripailles encore, des scènes de repas de famille aussi. « Là-bas mes rêves ont changé », dit Gilles De Baere.

Agriculteur et aventurier, même combat

Quand le soir du réveillon du Nouvel an 2022 Gilles lance à ses copains qu’il va candidater à l’émission, c’est pour jouer. Sauf qu’il faut bien assumer et que le 1er janvier il écrit sa lettre de candidature, se photographie avec et l’envoie aux copains. Point. Allez savoir pourquoi il finit par la poster, le 31 janvier soit le dernier jour ouvert aux candidatures. « Trois semaines plus tard, on m’appelle. Quand je raccroche, j’ai le pressentiment que je vais y aller », raconte le jeune père de famille qui enchaîne alors les nombreuses étapes : présentation vidéo, entretiens médicaux (test d’effort, dépistages) et psychologique, puis casting final à Paris.

« Pendant tout ce temps, j’ai poursuivi mon quotidien. Je n’ai rien changé à mon hygiène de vie. Mon métier est suffisamment physique, le maraîchage c’est déjà du sport. Et du mental », formule Gilles De Baere qui établit de nombreux liens entre son métier et « l’aventure », comme il dit. « Adaptation aux situations diverses, décisions à prendre, choix à faire, des hauts et des bas. Une forme de survie », résume-t-il. « En revanche, j’ai essayé de profiter à fond des enfants (Maelle, 4 ans, et Albane, 2 ans et demi) et des bons petits plats. »

Mi-juillet 2022, Gilles apprend qu’il embarque pour l’aventure. Il ne connaîtra la destination qu’en débarquant de l’avion, aux Philippines donc. Pas rien pour celui qui dit n’être « pas un grand voyageur. Le plus loin que j’ai fait c’est mon voyage de noces : 13 jours, à la Réunion et à l’île Maurice ». Il embarque début août, « pile le lendemain de la fin de la moisson ».

« Koh-Lanta c’est une vie accélérée »

Justement, comment l’agriculteur a-t-il fait pour être à la fois aux champs et au tournage ? « Mon père devait se faire opérer du dos et il m’a interdit de renoncer. Nous avons fait appel à un oncle, à mon beau-frère et à un ami proche qui ont aidé. C’était le moins mauvais moment : les légumes d’été étaient tous repiqués, il n’y avait pas de vêlages, pas d’endives ni de pommes de terre. En août, on ferme aussi le magasin et le distributeur automatique prend le relais ». Gilles admet qu’il n’aurait probablement pas tenté l’aventure à d’autres périodes.

Pense-t-il avoir contribué à transmettre une bonne image des Ch’tis, et des agriculteurs ? « Je suis resté qui j’étais, après on ne peut pas plaire à tout le monde. J’ai le souvenir de Laure, éleveuse, ou d’Arnaud, maraîcher, tous deux anciens candidats très sympas ».

S’il dit ne pas avoir changé, Gilles De Baere observe s’être recentré sur la famille, avoir réalisé combien les repères étaient importants, et désormais relativise « le conflit de générations » qui l’oppose, par exemple, à son père. Il cuisine aussi davantage, avec un rapport à la nourriture, et au métier nourricier qu’il exerce, transformés. « Les relations humaines aussi ont été intenses. Koh-Lanta c’est une vie accélérée », conclut-il avant d’aller voir les vaches en cette fin de journée hivernale.