Solidarité
La traversée du désert pour une bonne cause

Leïla Piazza
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Trois mères de famille rhodaniennes se sont lancé un défi insolite : participer à un trek dans le désert afin de récolter des fonds pour le Secours populaire. Une expérience de vie.

La traversée du désert pour une bonne cause
Les paysages lunaires resteront gravés dans la mémoire des trois participantes de l'équipe 69. Crédit © Maïenga / Trek'In Gazelles.

Ces trois Rhodaniennes ne pen­saient pas accomplir un tel ex­ploit dans leur vie. Et pourtant, ensemble, elles ont traversé le désert. L’idée a germé dans la tête de Na­thalie Marcellier, agent immobilier de 56 ans, originaire de Vaugneray, qui se passionne depuis des années pour les treks et raids féminins. À force de voir des proches participer, Nathalie s’est lancé le défi de participer, elle aus­si, à l’une de ces grandes aventures. Elle en a alors parlé à deux membres de son club d’équitation, également avides de challenges : Séverine Jacou­ton, 47 ans, analyste en Recherche et développement et Laurence Massin, 53 ans, ingénieure en chimie. Si elles ont toutes trois des caractères et des parcours de vie très différents, ces trois mères de famille se retrouvent autour du goût de l’aventure.

25 880 € reversés au Secours populaire

« Lorsque Nathalie m’a parlé du Trek’In Gazelles, j’ai tout de suite dit oui. Par goût de la compétition. Car j’avais envie de re­lever ce challenge, de réaliser un exploit sportif », se souvient Laurence. « Moi j’ai aussi été très intéressée par le fait qu’on allait devoir s’orienter uniquement avec une carte et une boussole, ajoute Séverine. De plus, il s’agit d’une course qui a du sens, qui est 100 % féminine et solidaire puisqu’il s’agissait de marcher en soutien à deux associations ».

Le concept de cette course inédite (voir encadré) est en effet largement tourné vers deux objectifs à la fois so­lidaires et écoresponsables. Lorsque les participantes « pointent » un check point sur leur parcours, les organisa­teurs versent 5 € dans une cagnotte en faveur du Secours populaire. Cette année, 25 880 € ont ainsi été reversés à l’association française spécialisée dans le soutien matériel, médical, moral ou juridique aux personnes en difficulté.

Six cents femmes au milieu du désert

Cette année, six cents femmes se sont lancées dans cette folle aven­ture au milieu du désert marocain, lors de deux sessions organisées en novembre. Laurence, Nathalie et Sé­verine ont participé à la première, du 11 au 14 novembre. Elles portaient le dossard n° 69 : un bon présage pour ces Rhodaniennes surmotivées, sur­nommées Les Lyonnes de SéLaNa. En amont, le trek leur a demandé des mois de préparation. « Nous avons créé une association à but non lucratif afin de récolter les fonds nécessaires à l’inscription, raconte Séverine. Nous avons alimenté des pages sur les réseaux sociaux pour présenter notre démarche. Puis nous avons fait appel à des spon­sors. Et nous avons également commer­cialisé des objets que nous avons créés à partir de bois flotté. Ça a été un sacré investissement ! »

Et puis, les trois mères de famille ont également dû se préparer physique­ment : régulièrement, lorsque leurs métiers le leur permettaient, elles ont marché ensemble. « On a également participé à un week-end de formation à la lecture sur carte et à l’utilisation de la boussole ». Enfin, il a fallu acheter l’équipement nécessaire à ce terrain de jeu si particulier qu’est le désert. « La question de l’équipement est centrale », estime Laurence. « Lors de la dernière étape par exemple, Nathalie a eu des gros soucis avec ses guêtres qui auraient pu être vraiment pénalisants. En effet, ils étaient là pour empêcher le sable de rentrer dans nos chaussures, ce qui à la longue peut engendrer des blessures aux pieds. Alors on s’est débrouillé avec des straps (bande de maintien utilisée pour la contention articulaire, ndlr) et des épingles à nourrice pour rendre les guêtres de Nathalie efficaces et pouvoir terminer la course ». Ce genre d’épreuve soude les liens et pousse à la solidarité, relatent en chœur les trois participantes.

Jusqu’à douze heures de marche en plein soleil

Car, même bien préparé, un trek dans le désert reste un défi exigeant. Après avoir arpenté une vingtaine de kilo­mètres chaque jour, à raison de onze à douze heures de marche, chaque soir les participantes devaient se pencher sur le parcours du lendemain, qu’elles découvraient. « Avec la fatigue de la journée, il était quelques fois difficile de se concentrer », se souvient Lau­rence. « Parfois on était bien moins pertinentes sur les calculs de visées », plaisante sa coéquipière Nathalie. « Il a fallu apprendre à s’orienter, dans un environnement qu’on ne connaissait pas. Avec des températures flirtant avec les 40 °C à l’ombre, se remémore Séverine. Et justement, il n’y avait pas d’ombre. Dans le désert, on est toujours en plein soleil ». Des souvenirs qui ravivent certaines craintes de Laurence : « le plus gros risque était la déshydratation. Nous partions avec 1,5 à 3 litres d’eau. Et il y avait des points de réapprovi­sionnement réguliers sur le parcours. Malgré cela, deux participantes ont dû être réhydratées pour pouvoir repartir le lendemain ». « Pour ma part, ce n’est pas la chaleur qui a été le plus difficile. J’ai surtout rencontré des difficultés avec la marche car j’ai des problèmes d’arthrose. J’ai beaucoup souffert le premier jour, mais je suis extrêmement fière d’avoir réussi à me dépasser et à surmonter la douleur », ajoute Séverine, émue . Et puis il y a eu d’autres douleurs à surmonter. Comme celle de Nathalie, qui a été confrontée à un événement tragique qui a failli em­pêcher l’équipe de participer. « Pour moi, ce trek a eu une signification très particulière. En effet, j’ai su que ma mère était décédée une heure avant d’arriver sur le campement de départ. Si j’arrêtais, l’aventure s’arrêtait pour tout le monde. C’était un engagement fort », révèle Nathalie.

« Il faut se faire confiance »

Et puis collectivement, toutes les trois ont découvert la difficulté à s’orienter dans cet environnement inhabituel. « Le premier jour quand on a vu notre classement, ça nous a démoralisées, ra­conte Séverine. On était 68e ». Alors, le soir même elles ont décidé de changer de stratégie et de délaisser les points bonus les plus difficiles au profit de ceux plus accessibles, qui leur feraient perdre moins de distance et d’énergie. « Et puis, on a mieux gardé notre cap », ajoute Nathalie. « Il faut dire qu’au dé­but on a beaucoup douté en voyant les autres équipes de Gazelles prendre des chemins différents, explique Laurence. Cette aventure nous a appris qu’il fal­lait se faire confiance ». Une stratégie qui a porté ses fruits et leur a permis de finir la course 38e au classement : un résultat qu’elles jugent tout à fait satisfaisant pour une première parti­cipation. D’autant que Nathalie, Lau­rence et Séverine sont revenues en France avec une multitude de sources de satisfaction plus personnelles, comme la découverte du désert et de ses « paysages lunaires magiques », se souvient Laurence, qui, à son retour, était débordante d’énergie. « Ma tête est restée là-bas pendant un long mo­ment. D’autant que j’étais portée par la fierté de mes proches », lâche-t-elle, émue. La larme à l’œil, Séverine se souviendra toute sa vie de ces quelques jours qui ont changé sa vie : « ça m’a permis de me poser pas mal de ques­tions et de trouver des réponses. Cela m’a prouvé que rien n’est impossible et qu’il faut se faire confiance ». Alors, malgré les difficultés, toutes trois se l’avouent dans un sourire : si c’était à refaire, elles traverseraient à nouveau le désert… sans hésitation et pour la bonne cause.

Un défi sportif mais aussi tactique

S’il nécessite des capacités physiques évidentes, la réussite de ce challenge sportif exige également d’autres compétences : le sens de l’orientation et l’élaboration d’une stratégie d’équipe. Les participantes du Trek’In Gazelles doivent en effet, sans GPS ni téléphone, s’orienter dans le désert marocain. Pour cela, elles disposent de cartes à l’échelle 1/50 000e, d’un tirage d’une photographie satellite à l’échelle 1/25 000e, avec les latitudes et longitudes nécessaires à la pose des check points (CP) de chaque épreuve, d’une boussole ou d’un compas de visée, d’un rapporteur breton et d’une règle magique permettant de poser directement les CP sur la carte. L’orientation est centrale puisqu’il s’agit non pas de rejoindre deux CP le plus vite pos­sible, mais en parcourant le moins de kilomètres possible. Chaque épreuve comporte un certain nombre de CP obligatoires. Toute équipe qui loupe un CP est pénalisée de cinq points pour celui manqué mais également pour tous les suivants qui ne seront pas comptabilisés. Le règlement ajoute des CP bonus permettant de récupérer des points, allant de 0,5 à 3 en fonction de leur difficulté. Ainsi chaque soir, les équipes établissent un parcours pour l’épreuve suivante. Et en fonction de ce choix, les organisateurs calculent la distance idéale à parcourir pour relier les différents CP. Chaque kilomètre parcouru en plus de cet idéal donne lieu à des points de pénalités.

Cleanwalkeuses du désert

Trek’In Gazelles est le seul trek au monde certifié par la Norme ISO 14 001 : 2015, qui lui adosse des objectifs environnementaux. Les participantes se sont en effet trans­formées en « cleanwalkeuses du désert », en partenariat avec l’asso­ciation marocaine d’intérêt général Cœur de Gazelles. Cette dernière agit en faveur d’une sensibilisation environnementale des populations. Équipées de sacs spécifiques, elles étaient invitées à ramasser les déchets rencontrés sur leur trajet. Sur l’ensemble des deux sessions, les trekkeuses ont ramassé plus de 12 000 litres de déchets.

Durant 4 jours, Nathalie, Séverine et Laurence ont dû affronter la chaleur du désert marocain.. Crédit © Maïenga / Trek'In Gazelles