Langue
Vivre l’aventure du français à Villers-Cotterêts

Gaëtane Trichet
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La Cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts, a été inaugurée le 30 octobre par Emmanuel Macron, Président de la République.

Vivre l’aventure du français à Villers-Cotterêts
À partir de 2017 a commencé un chantier inédit pour un budget total de 211 millions d’euros : 23 000 mètres carrés, 265 000 ardoises, des milliers de pierres de détails aux mains de plusieurs dizaines d’entreprises, 600 compagnons coiffés d'une verrière unique en son genre.

« C’était un rêve fou, il y a presque 7 ans, de vouloir faire revivre ce château et de vouloir y faire une Cité internationale pour la langue française. Vous avez réalisé ce rêve. Vous avez montré qu’une utopie, c’est une réalité qui simplement dépend de la volonté, de l’ambition, de celles et ceux qui la portent. C’est la plus belle métaphore de notre langue et sans doute de notre Nation » a expliqué Emmanuel Macron s’adressant aux invités. En 2017, lors de sa campagne présidentielle, le chef de l’État avait promis de faire restaurer le château complètement délabré de Villers-Cotterêts où en août 1539, François 1er y signât l’ordonnance établissant le français pour les documents administratifs et juridiques. C’était devenu la langue officielle du pays. « Aussi, faire revivre ce lieu devait nous conduire, comme par une évidence, à en faire un lieu dédié aux Français, à notre langue et à l’aventure de celle-ci ».

Premier lieu dédié à la langue française

Jouer avec les mots, apprendre, comprendre, partager, faire connaître la langue ici en France où à l’étranger et faire du français un instrument d’unité, tels sont les objectifs de la Cité entièrement consacrée à la langue française. Le parcours permanent de la Cité, interactif et ludique, offre une immersion au cœur de la langue française. Un parcours de visite de 1 200 m2, situé au cœur du château, est constitué de 15 salles. Au fil des pièces, les visiteurs découvrent l’histoire du château, de la langue française, des créations artistiques contemporaines, une exposition d’œuvres et de documents… Des jeux interactifs sont également proposés sur les différentes formes d’expression française, orales comme écrites, mais aussi son rapport au monde. Il y a aussi l’incontournable bibliothèque magique, où l’intelligence artificielle posera au visiteur quelques questions et proposera, en fonction des réponses, un livre à lire. Dans la salle des jeux, amusez-vous avec la langue française en découvrant des sonorités et mots du monde entier, défiez la grille géante de mots mêlés, jouez aux « prêtés-rendus » des mots entre le français et l’anglais, ou encore initiez-vous à la variété des mots régionaux pour désigner un même objet. Car oui, en France, 72 langues régionales sont officiellement reconnues et cohabitent avec le français. Sous le dôme, une spectaculaire projection à 360° présente le voyage des mots jusqu’au français. Le parcours aboutit à la salle où est présentée l’ordonnance signée par François Ier en 1539 à Villers-Cotterêts, placée non loin de sa statue. C’est bien une cité et non pas un musée. Car le parcours permanent s’enrichit de lieux de vie, de rencontres, de loisirs et de savoirs où se tiendront des formations, des ateliers, des résidences d’artistes, des chercheurs, un auditorium, un laboratoire de technologie linguistique. « Chacun doit s’y sentir chez lui », a assuré Emmanuel Macron, remerciant au passage toutes les personnes qui se sont impliquées dans le projet. « Ce projet est à la fois un projet patrimonial, qui permet de faire revivre cette façade royale, l’escalier du roi et de la reine, la chapelle de manière magnifique ». « Musée, odyssée, et donc cité à travers laquelle nous irons de mot en mot, de livre en livre, interactive, immersive, salle de spectacle également, qui permettra ici de partager l’expérience de la langue. Ce sera un lieu pour les enseignants et leurs élèves, pour venir apprendre, découvrir, étudier la langue française, pour venir se former également aux Français et à la littérature. Un lieu pour les traducteurs, un lieu pour les artistes, et donc lieu de spectacle ouvert à la ville, à la région ».

La langue française synonyme d’unité

Pour Emmanuel Macron, pas de doute, la langue française bâtit l’unité de la Nation et elle est une langue de liberté et d’universalisme. « La langue française nous rassemble dans notre unité et notre diversité. À travers les voyelles ouvertes des Parisiens, les infections chantantes des Outre-mer, les « A » du Nord qui s’arrondissent en « O », les « R » rocailleux de l’est, les « E » muets du Sud qui se font sonores et solaires. La langue se colore aussi de nos climats, des régions, des humeurs, des traditions, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre, mais une et indivisible comme la République, comme notre peuple, comme son socle de valeurs ».

Pas d’écriture inclusive

Si la langue française est vivante, un Français peut parfaitement se réclamer de plusieurs appartenances linguistiques. « Chacun a le droit de connaître, parler, transmettre sa ou ses langues, et c’est un droit non négociable. Toutes les langues sont égales du point de vue de la dignité. C’est pourquoi je veux que nos langues régionales soient encore mieux enseignées et préservées, qu’elles trouvent leur place dans l’espace public en un juste équilibre entre leur rôle d’ancrage de langue régionale et le rôle essentiel de cohésion de la langue nationale », détaille le Président de la République. « Nous avons besoin de toutes ces langues et d’une langue qui soit la même de Lille à Nouméa, de Marseille à Pointe-à-Pitre, pour nous sentir appartenir à la même entité nationale en nos différences. Nous avons besoin du français pour former la France ». « Il faut permettre à cette langue de vivre, de s’inspirer des autres, de voler des mots, y compris à l’autre bout du monde, de continuer à inventer, mais d’en garder aussi les fondements, les socles de sa grammaire, la force de sa syntaxe, et de ne pas céder aux airs du temps ». Et de prendre position sur l’écriture inclusive : « dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n’a pas besoin d’y rajouter des points au milieu des mots ou des tirées ou des choses pour la rendre visible ». Se félicitant de l’ouverture de la Cité internationale de la langue française, Emmanuel Macron a conclu son discours d’une heure par ces mots : « cet ultime lieu de l’utopie réalisée, faites-le vôtre, emparez-vous en, faites-le vivre, continuez de le transformer, de le réinventer, faites-le plus grand, plus beau, formez des enfants, apprenez à des adultes, créez ici des écrivains, des comédiens, des traducteurs, des interprètes, faites-les voyager, accueillez ! Soyez une langue hospitalière et voyageuse, la langue française, la nôtre ».

Un lieu chargé d’histoire

Le Président Macron est revenu sur la construction de l’édifice, par François 1ᵉʳ, qui sortant de sa captivité, revint en France et décida avec plusieurs grands architectes de l’époque, de créer ou de réinventer plusieurs lieux, donnant d’ailleurs à l’architecture renaissante française ses heures de gloire. « Et donc ici même dans ce qu’il appelait lui-même Montplaisir, les travaux sont lancés au début des années 1530 et ce lieu deviendra un lieu de chasse régulière, de séjours réguliers et de gouvernement. Et donc en effet, dans ce lieu où, imaginez une seule seconde, Rabelais, Clément Marot sont venus passer des séjours. François Ier vient chasser et gouverne. Henri II l’adore. Molière, dit-on – certains y ont fait référence – y donne Tartuffe pour Louis XIV. Puis, au moment de l’an II, cela devient une caserne pour soldats, et le consul Bonaparte décide d’en faire un asile pour les mendiants. Puis, à travers les âges, ce lieu devient hospice, Kommandantur durant la Deuxième Guerre mondiale, puis redevient un lieu de solidarité pour les sans-abri âgés durant plusieurs décennies, avant de tomber progressivement à l’abandon. Et l’abandon fut complet en 2014, même si une partie du bâtiment fut abandonnée bien des années plus tôt ».

Le sud de l’Aisne, terre d’écrivains

Alexandre Dumas à Villers-Cotterêts, Racine à La Ferté-Milon, Jean de la Fontaine à Château-Thierry… Le sud de l’Aisne, dans le pays du Valois niché entre l’Oise et l’Aisne, est une terre de culture. « La langue française est là, partout déjà ». « Nerval y fut tant inspiré, Claudel là aussi partagea une partie de son imaginaire et de sa vie. Et donc, oui, le Valois n’est pas un lieu comme les autres, épicentre politique et littéraire », a assuré Emmanuel Macron.