Gastronomie
Naïs Pirollet, l’étoile montante de la cuisine

Léa Rochon
-

Elle était la plus jeune candidate du Bocuse d’Or et a impressionné le jury avec sa déclinaison de courge pour les enfants. Rencontre avec Naïs Pirollet, figure de la nouvelle génération de cheffe cuisinière française.

Naïs Pirollet, l’étoile montante de la cuisine
Avant de participer au Bocuse d’Or pour représenter la France, Naïs Pirollet était arrivée major de promotion à l’Institut Paul Bocuse en 2017. (©Alexandra Battut / Agence Camille Carlier)

Près d’un mois après sa prestation au Bocuse d’Or, le chef Savoyard Édouard Loubet ne tarit pas d’éloges à son égard. « Représenter la France à l’âge de Naïs, personne ne pouvait le faire, c’est assez unique ». Il faut dire qu’à 25 ans, Naïs Pirollet était la plus jeune candidate de cette prestigieuse compétition mondiale qui se déroule tous les deux ans, durant le Sirha Lyon.

De Briançon à l’Institut Paul Bocuse

Née en Lorraine, rien ne prédestinait vraiment la jeune Naïs à devenir un nom de la cuisine française. « Nous étions six dans la famille, ma mère nous a toujours fait à manger », raconte celle qui apprécie revenir au cœur du berceau familial pour retrouver « les bons plats de maman ». « Lorsque nous avons déménagé à Briançon (Hautes-Alpes), on se fournissait principalement chez les Italiens, on a découvert le parmesan, les blettes italiennes, de très belles courges… ». De quoi forger les papilles de la talentueuse Naïs.

Son bac scientifique en poche, la jeune femme décide de candidater au célèbre Institut Paul Bocuse, situé à Écully (Rhône). Problème : elle n’avait pas encore 18 ans. « Piquée, je me suis inscrite en école d’ingénieur avec l’idée de travailler ensuite dans l’agroalimentaire ». C’est une semaine avant la rentrée que l’étudiante apprend la bonne nouvelle : l’Institut a finalement retenu sa candidature. Un choix visiblement très juste, puisque la brillante élève a terminé major de promotion en 2017. Son parcours l’a conduite jusqu’au chef Davy Tissot, le vainqueur français de l’édition du Bocuse d’Or 2021. Et Naïs n’était autre que sa commis. Simple hasard ou véritable passage de flambeaux ?

Récompensée pour son plat destiné aux enfants

En 2023 et après avoir remporté avec brio les sélections, à son tour de briller sous les flashs des photographes et les caméras des journalistes. Certes, sa lotte n’a pas suffisamment convaincu le jury pour rafler le Bocuse d’Or, mais lui a tout de même permis de décrocher la 5e place. Le moment de gloire a eu lieu lors de la seconde épreuve. Chaque candidat devait réaliser un « menu pour les enfants » à base de courge, de l’entrée au dessert. « Nous avions eu ce thème en novembre, ce qui nous laissait peu de temps pour le préparer, le but était de réciter sa leçon le jour J pour que tout soit parfait, détaille Naïs Pirollet, telle une professionnelle extrêmement bien rodée. Le côté enfantin, c’était du jamais-vu et c’est difficile à interpréter, surtout lorsqu’il est jugé par des adultes… Il fallait amener un côté ludique dans la présentation, tout en restant artistique ».

Au menu de la jeune femme : un croissant de courge craquante, pomme acidulée, nid d’abeille condimenté, pralin de courge en entrée. En guise de plat principal, un “splash” de gourmandise, œuf mollet et béchamel, velouté de courge muscade. Et pour conclure, une toupie meringuée, mousse lactée et cœur de potimarron. De quoi faire saliver de nombreux enfants… Et les membres du jury également, puisqu’ils ont décidé d’attribuer au travail de Naïs et à son équipe la première place. « Ce sujet de la nutrition, c’est l’avenir ! C’est tout à son honneur et à l’honneur de la France », déclare Édouard Loubet, fier d’avoir épaulé la première Française à avoir remporté une épreuve de la compétition.

Un avenir encore à écrire

À la question : est-ce difficile d’être une femme dans un milieu d’hommes ? Naïs Pirollet fait preuve d’un sang-froid sans faille. « Personne ne m’a freinée et la sélection ne s’est pas faite pour remplir un quota, ce n’est donc même pas une question ». À ses yeux, sa candidature portait un autre message, bien plus significatif : « la jeunesse a du potentiel ». Le Bocuse d’Or derrière elle, la gagnante ne s’attarde pas sur la suite de sa carrière. « J’ai besoin de retrouver l’essence du métier et de faire à manger pour les clients, sourit-elle, avec aisance et assurance. Cela reste à écrire ! ». Quelques confidences donnent tout de même le ton. L’envie de toujours travailler dans l’excellence et en petite équipe. « Je suis un peu sauvage », blague-t-elle, son café à la main. Mais son coach ne doute pas que peu importe le lieu, elle saura conserver ce qui fait son identité : une cuisine de terroir et de tradition.

Lyon, berceau du prestigieux concours gastronomique
Naïs Pirollet a remporté l’épreuve « Feed the kids », qui consistait à élaborer une entrée, un plat et un dessert pour enfant en utilisant de la courge. (©Nicolas Villion / Agence Camille Carlier)
Bocuse d'Or

Lyon, berceau du prestigieux concours gastronomique

La célèbre compétition mondiale a été créé par Paul Bocuse.

Les photographes et journalistes du monde entier viennent admirer ce spectacle depuis 1987. C’est d’ailleurs à cette date que le célèbre chef Paul Bocuse a imaginé le Bocuse d’Or. Tous les deux ans, lors du Sirha, 24 chefs du monde entier se réunissent devant un public digne des plus grands rassemblements sportifs pour réaliser deux plats en cinq heures et trente-cinq minutes précisément. Les thématiques sont dévoilées quelques semaines avant la compétition, afin que les équipes puissent ardemment s’entraîner. À l’issue de deux journées intenses, un jury composé de quelques-uns des chefs les plus reconnus de la planète décerne trois distinctions : le Bocuse de Bronze, d’Argent et d’Or. Au sein de la profession, un tel titre est synonyme de « meilleur cuisinier du monde ». Depuis la création de ce concours, la France a remporté 8 fois le concours. Le dernier en date n’est autre que Davy Tissot, chef cuisinier au restaurant Saisons, situé à Écully (Rhône) et également table pédagogique de l’Institut Bocuse. Et puisqu’un talent en attire toujours un autre, il avait alors choisi la jeune Naïs Pirollet comme commis.