Un vaste travail a été lancé le 28 novembre, au Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté. La Chambre régionale d’agriculture veut poser les bases du développement agricole de BFC pour les vingt ans qui viennent. Une ambition énorme mais ancrée dans le concret.

Stratégie 2040 Chambre d'agriculture
La stratégie 2040 a été lancée le 28 novembre au Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, à Dijon.

Ne pas tomber dans l’écueil de la « grand-messe » qui fait toujours forte impression, mais qui n’est pas suivie d’effets : dès l’ouverture, lundi 28 novembre au Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté (BFC) à Dijon, de l’évènement marquant le lancement de la stratégie 2040 pour l’agriculture régionale, Marie-Guite Dufay, présidente du Conseil régional, et Christian Decerle, son homologue pour la Chambre d’agriculture régionale ont posé le cadre. « Ce qui se passe aujourd’hui, remarquait Marie-Guite Dufay devant une salle des séances remplie, est une mobilisation inédite. La Région BFC a fait de l’agriculture un de ses sujets phares selon trois axes :

- faciliter la création de valeurs

- le renouvellement des générations

- le dérèglement climatique.

La Stratégie 2040 qui est lancée aujourd’hui doit permettre de poser les bases des évolutions par lesquelles notre agriculture doit passer pour demeurer un point fort de notre économie ». À ces axes, la présidente de Région a ajouté une évocation de la question du loup et celle de la rémunération des services environnementaux livrés par l’agriculture (voir encadré). Une manière d’aborder l’important travail qui s’annonce en cochant toutes les cases permettant à la profession agricole d’y adhérer.

« Nous voulons aller vite »

Car le fait marquant entourant « Imaginer demain – Agir maintenant. Ensemble vers 2040 : des territoires dynamiques, des agriculteurs épanouis » comme est intitulée la démarche, c’est bien la volonté d’être concret. Cela se traduit par son caractère « ramassé ». Elle va s’étaler sur seulement six mois, jalonnés de sondage des acteurs du monde agricole au sens large par le biais de questionnaires, d’analyses des réponses qui seront apportées et de définitions d’axes prioritaires de travail pour le développement futur de l’agriculture de BFC. « Notre agriculture, reconnaissait Christian Decerle, confrontée à beaucoup de vents contraires, se montre logiquement méfiante face aux nombreux rapports qui ont généré trop peu de suites. C’est pourquoi nous voulons aller vite, sans pour autant verser dans la précipitation, mais avec le souci de construire une démarche solide, qui s’appuiera sur les agriculteurs, avec le soutien de l’Inrae et de l’Institut Agro Dijon, garants de la méthode choisie pour mener les travaux ». Franck Robine, nouveau préfet de Côte-d’Or et de Région BFC, en convenait : « Vous avez un sacré défi devant vous ! », qui repose toutefois sur un découpage précis détaillé par Anne Bronner, directrice de la Chambre régionale d’agriculture et Cécile Detang-Dessendre, directrice scientifique adjointe agriculture au sein de l’Inrae : Un état des lieux de l’existant va d’abord être constitué, reposant sur les travaux d’analyses récents de l’agriculture régionale, complétés des projections de l’évolution du climat local à horizon 2040. Ensuite, à partir de début 2023, un questionnaire sera envoyé aux structures agricoles et aux opérateurs économiques, aux agriculteurs et aux conseillers agricoles.

Une réflexion la plus large possible

L’accent est mis sur le caractère collectif que doit revêtir la réflexion qui donnera lieu à une journée de coconstruction, organisée en mars 2023 sur la base de la synthèse réalisée à partir des questionnaires. « Il ne s’agit pas d’un travail de prospective au sens propre du terme, soulignait Cécile Detang-Dessendre, mais c’est le moyen de réfléchir ensemble à un futur souhaitable et à des chemins possibles. Cela servira aussi à nous rappeler que nous sommes dans un environnement complexe et que tout n’est pas possible. Il faudra faire des choix, réfléchir aux coûts et aux leviers sur lesquels la Région pourra intervenir ». Soutenue et parrainée par Dacian Ciolos, ancien commissaire européen à l’Agriculture et Julien Denormandie, ancien ministre de l’Agriculture, la démarche se revendique comme largement ouverte. Marie-Guite Dufay envisage même de s’en inspirer pour une éventuelle convention citoyenne à venir, plus tard. La présidente souhaite en tout cas que la réflexion soit la plus large possible : « Il va falloir être efficace, déterminé, pour ne pas faire un travail en vase clos. Si on n’affronte pas les attentes sociétales, on aura échoué ». Élargir la réflexion, c’est notamment y inclure la notion de développement territorial, liée à celle de l’agriculture. La matinée de lancement prenait ainsi fin sur deux tables rondes dont l’une s’interrogeait sur la dynamique des territoires illustrant ou accompagnant cette stratégie 2040, à travers les outils de transformation, les productions énergétiques, l’enjeu de l’accès au foncier. La seconde permettait à celles et ceux qui seront aux manettes en 2040 de livrer leurs espoirs et leurs craintes. Ainsi, Lucien Maillet, étudiant de l’Institut Agro Dijon, hésite à reprendre une exploitation face au réchauffement climatique. Pour Justine Grangeot, présidente des Jeunes agriculteurs de la Haute-Saône, la priorité devra passer par l’accompagnement humain : « Un vrai suivi de carrière fera que les jeunes ne se sentiront pas seuls et viendront plus facilement dans la profession. Mais il faudra aussi des filières structurées capables de proposer une offre de produits agricoles à faible prix dont a besoin le consommateur ». Car il faut aussi le rappeler : cette stratégie 2040 se fixe un but fondamental : stopper la baisse continue du nombre d’agriculteurs, constatée depuis des années.

Loup et rémunération des services environnementaux

En introduction à la matinée de lancement de la stratégie 2040, Marie-Guite Dufay, présidente du Conseil régional de BFC s’est aussi exprimée sur le loup : « Il y a un optimum à ne pas franchir sur la présence du loup et une régulation à opérer, mais ne nous trompons pas de combat. Je suis aux côtés de l’État pour trouver les ajustements nécessaires et faire bouger le plan loup au plan national. Je veux aussi faire reconnaître certaines zones de BFC comme absolument non protégeables ». En complément, l’élue s’est aussi exprimée sur la nécessité, dans une logique globale de développement future de l’agriculture régionale, de réfléchir à la rémunération des services environnementaux rendus par l’agriculture : « L’agriculture apporte des services majeurs aux populations. Ils doivent être regardés, intégrés à une logique d’ensemble et rémunérés. C’est ainsi que nous irons vers des territoires robustes, des métiers valorisés et rémunérés ».

Les réactions

La présentation de la stratégie 2040 a suscité plusieurs réactions au sein du public nombreux :

- Christophe Chambon, président de la FRSEA BFC : « Il faudra prendre en compte l’arrivée dans la profession, de personnes qui s’installeront jeunes mais sans forcément faire toute leur carrière dans l’agricole et, à l’inverse, des personnes qui arriveront plus tard, plus âgée dans la profession, dans le cadre d’une reconversion. Il faudra accompagner ces profils différents ».

- Thiébault Hubert, président de la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB) : « Il y a un énorme défi de communication à relever sur nos métiers et la nécessité de faire venir des jeunes chez nous et de les garder ».

- Lionel Borey, président de la fédération des coopératives de BFC : « Il y a un défi colossal : celui de la hausse de l’énergie pour les outils coopératifs. Il faudra se réapproprier un certain nombre de dossiers comme l’agrivoltaïsme ».

- Jérémy Decerle, agriculteur et député européen : « N’attendons pas que certains nous dictent le chemin. Montrons que nous sommes capables de construire, que nous sommes dans la réflexion permanente ».