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Récolte

Vendanges manuelles ou mécaniques ?

A l'€™heure où le débat est relancé pour interdire les machines à vendanger dans tous les grands crus et premiers crus bourguignons, rencontre avec deux viticulteurs de l'€™Yonne. L'€™un est inconditionnel des vendanges mécaniques, le second des vendanges manuelles.
Par Dominique Bernerd
Vendanges manuelles ou mécaniques ?
A Irancy, ils sont encore cinq viticulteurs à ne récolter que manuellement.
A l'€™aube des années 80, Chablis aura été l'€™une des premières appellations à passer zone pilote pour tester la technicité des machines à vendanger et aujourd'€™hui, près de 90 % du vignoble est vendangé mécaniquement. Issu d'€™une lignée de vignerons remontant sur treize générations, Daniel-Etienne Defaix se souvient : [I]«les premières machines étaient des bêtes de 6 à 7 tonnes, assistées par servo frein, des monstres de technologie, il fallait les grimper les coteaux !»[i]. S'€™il est devenu un adepte inconditionnel des vendanges mécaniques, il reconnaît qu'€™au début, la prudence était de mise :[I] «je craignais que les vins vendangés à la machine ne soient pas aptes à rester ce qui demeure ma philosophie, des vins de garde. N'€™est grand vin que celui qui sait vieillir !»[i]. Pendant 10 ans, de 1978 à 1988, une parcelle historique, «Le Clos des Moines», installée en Côte de Léchet, a servi de test. Récoltée pour moitié à la main et moitié à la machine, vinifiée séparément et en 1989, l'€™heure du verdict, après une dégustation en aveugle réunissant sommeliers et œnologues : les 10 échantillons vendangés mécaniquement arrivés premiers. «J'€™ai appris alors que j'€™avais perdu 10 ans !»
Si pour Daniel Defaix, la main de l'€™homme ne remplacera jamais la qualité qu'€™offre la machine, la raison en est simple : [I]«après que la machine ait secoué les feuilles, ne tombent que les grains lourds, grains mûrs gorgés de sucre ou pourris noble, selon un phénomène densitométrique. Un vendangeur remarquera un raisin pourri sec, il ne pourra jamais vérifier si le raisin est mûr ou non»[i]. Doubles extirpeurs de pétioles et de feuilles projetées et broyées à l'€™extérieur, électroaimants captant les particules ferrugineuses indésirables..., la technologie s'€™est améliorée au fil des années et conforte le vigneron chablisien dans son choix. Quant au débat sur l'€™utilisation de la machine dans des vieilles vignes, la réponse est sans appel : [I]«avec 23 ans de recul, je n'€™ai jamais vu de signe d'€™affaiblissement, y compris dans ma parcelle la plus vieille qui a plus de 100 ans !»[i]
Pour l'€™épicurien Daniel Defaix, [I]«vendre du vin, c'€™est vendre un peu de rêve. Le rêve doit-il pour autant être détaché de notions de qualité et de réalisme ? »[i]. L'€™homme n'€™en est pas moins respectueux du travail des autres, ponctuant dans un sourire : [I]«c'€™est dans la différence que chacun peut trouver sa personnalité, quand bien même ils utiliseraient les méthodes de leur grand père... Je suis content qu'€™il reste des Mohicans !» [i]

[INTER]Les [I]«Mohicans»[i] d'€™Irancy[inter]
Et des [I]«Mohicans»[i], on en trouve encore, à quelques collines de là, dans la cuvette d'€™Irancy. Thierry Richoux fait partie de cette poignée d'€™irréductibles. Plusieurs raisons à continuer envers et contre tout, à vendanger manuellement, entre autres, la taille plus familiale des exploitations, en moyenne de 15 ha et la vinification en rouge : [I]«en blanc, le raisin récolté part tout de suite dans le pressoir et le vigneron ne se consacre qu'€™au jus, que ce soit en mécanique ou manuel. En rouge, la crevaison dure une quinzaine de jours et l'€™amplitude de résultats plus grande. Pas question d'€™amener dans la cuve des éléments indésirables»[i] Une table de tri, une benne spéciale à fond vibrant sans vis et la certitude de voir arrivé intact le raisin au bout de la chaîne : [I]«en rouge, quand le vin arrive dans la cuve, il est trop tard pour intervenir. C'€™est en amont qu'€™il faut faire en sorte que tout soit impeccable»[i]. L'€™homme n'€™est pas obtus, reconnaissant qu'€™en année normale, la différence entre les deux techniques est minime : [I]«mais des années plus délicates, comme on a connu en 2007, j'€™ai du mal à croire qu'€™une machine, même bien réglée, amène un bon résultat»[i].
Chez les Richoux, «l'€™humain» n'€™est jamais bien loin'€‰: «au fil des années, on s'€™est constitué une solide équipe. Après, tout est question de gestion, un peu comme au rugby. Tu as des grands, des petits, des gros, des maigres... C'€™est aussi au vigneron d'€™avoir l'€™intelligence de composer avec tous». Et les vendangeurs sont fidèles. En témoignent les cartes postales reçues de certains, passés un jour par Irancy. Et quand on évoque l'€™aspect économique des vendanges à la main, Thierry est catégorique : [I]«oui, c'€™est plus cher, mais que représentent ces quelques milliers d'€™euros supplémentaires, au regard du potentiel financier que tu vas rentrer ? Sur la récolte totale d'€™un millésime, s'€™il y a des économies à faire, ce n'€™est pas là-dessus !»[i].