Une co-construction qui crédibilise
Le développement de l'agrivoltaïsme a son corollaire d'intervenant plus ou moins sérieux. Pour éviter les « sorties de route » des coopératives comme Feder ou Dijon Céréales ont noué des partenariats avec TotalEnergies. Sur le terrain, cela se traduit par des projets co-construits entre agriculteurs, coopératives et énergéticien, représenté par des intermédiaires précieux et surtout, compétents.
Début juillet, la ferme de Jean-Michel Mansotte, à Montlay-en-Auxois, en Côte-d'Or, a ouvert ses portes au public. Le but n'était pas seulement de faire découvrir cet élevage ovin mais d'informer sur le projet agrivoltaïque qui s'y rattache. Cet évènement traduisait l'approche développée par TotalEnergies sur ce type de projet, basée sur la co-construction avec le monde agricole et la volonté d'informer les habitants des zones rurales concernées. Pour que cela fonctionne, plusieurs éléments sont nécessaires : il y a d'abord la mise en place d'une politique partenariale. En l'occurrence, le projet de Jean-Michel Mansotte s'inscrit dans le cadre d'un partenariat conclut en février 2023 entre TotalEnergies et la coopérative Feder, dont l'agriculteur est adhérent. Un partenariat de ce type existe aussi avec Dijon Céréales. Il faut par ailleurs des interlocuteurs capables de faire le lien entre l'univers de l'énergéticien et celui des agriculteurs. C'est le rôle dévolu à Julie Monasson et Frédéric Léchenault. La première est chargée de prospection foncière pour TotalEnergies et référente pour le partenariat avec Feder. Quant au second, ancien agriculteur lui-même, il est référent du partenariat TotalEnergies et Dijon Céréales, et chargé d'affaires pour Ombréa, filiale de Total et centre d'expertise agricole.
Un projet pour 400 moutons
Leur rôle est essentiel pour, en collaboration avec l'agriculteur et sa coopérative, que la viabilité économique du projet agrivoltaïque soit démontrée, qu'il s'inscrive aussi dans le cadre juridique prévu pour ce type de projet, et en adéquation avec des chartes agrivoltaïques, en l'occurrence, celle définie par la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or. « Dans le milieu agricole, souligne Frédéric Léchenault, ces questions liées à l'agrivoltaïsme ont mûri et il est normal que le monde agricole fasse preuve de vigilance pour éviter les projets alibi avec 4 moutons mis sous des panneaux solaires… » En l'espèce, le projet de Jean-Michel Mansotte concerne un élevage de 400 têtes en races charollaises et grivettes croisées Île-de-France, qui permettra de consolider l'économie de l'exploitation et de préparer l'avenir : « Ma fille, Manon, se destine à reprendre l'exploitation dans quelques années, précise l'éleveur. Produire de l'énergie, c'est, à mes yeux, un moyen de sécuriser un revenu. C'est une réflexion qu'on a menée ensemble, au niveau familial. » Dans ce contexte, les premiers contacts ont eu lieu en 2023 : « Nous avons rencontré Jean-Michel Mansotte par l'intermédiaire d'Anne-Marie Bolot, technicienne ovins au sein de Feder, précise Julie Monasson. Elle avait déjà échangé avec l'agriculteur sur son projet agrivoltaïque. Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises, tous les trois, nous nous sommes rendus sur les parcelles envisagées pour être équipées de panneaux photovoltaïques, et nous avons discuté du projet de manière globale, parce qu'un projet de ce type ne se résume pas à la simple pose de panneaux. Il faut réfléchir et mettre en place le projet agricole qui va avec. »
Analyse des contraintes
Une fois le projet défini, la chargée de prospection foncière analyse toutes les contraintes qui peuvent se poser (environnement, patrimoine, acceptabilité par le voisinage, raccordement…) Une étude pédologique a été réalisée montrant que les terres concernées étaient caillouteuses avec très peu de potentiel agricole. « Grâce au transfert des parcelles concernées opéré par la technicienne de Feder, ajoute Julie Monasson, j'ai pu voir s'il y avait des contraintes spécifiques, de type Natura 2000, des Zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (Znieff), des réservoirs de biodiversité. On a aussi réfléchi à limiter la visibilité des panneaux photovoltaïques. Enfin, il faut prendre en considération les contraintes du raccordement de l'installation au réseau électrique. Une fois que j'ai une vision claire sur toutes les contraintes possibles, je peux créer un business plan et dégager une offre que l'on propose à l'éleveur. À partir de là, on peut co-construire le projet. On n'arrive jamais en décrétant qu'on va mettre des panneaux à tel ou tel endroit : la co-construction avec l'agriculteur est très importante. » À ce jour, les études environnementales sur le projet de la ferme de Jean-Michel Mansotte sont finalisées. Débute maintenant la phase de constitution du dossier de dépôt de permis de construire. Le projet pourrait devenir opérationnel à l'horizon 2028, il lui faudra encore passer par une enquête publique et la Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPNAF). À terme, il permettra de produire 10 MW d'électricité, de quoi alimenter 10 000 habitants (hors chauffage).
Au-delà de l'énergie
L'éleveur trouve aussi d'autres avantages à ce projet : « je pense à la prédation, explique-t-il, le projet comprend la pose d'une clôture de 2 mètres de hauteur autour des parcelles avec panneaux, ce qui constitue un élément de sécurité indéniable pour les moutons qui pâtureront là. Il y a aussi l'intérêt des ombrages apportés aux animaux. » Frédéric Léchenault abonde dans ce sens en s'appuyant sur des études récentes qui montrent que, sous les panneaux, la pousse de l'herbe n'est pas perturbée, mais qu'elle est différente : « même si l'herbe peut arrêter sa pousse en cas de forte chaleur, elle ne brûle pas, grâce à l'ombre des panneaux. Dès qu'il repleut, la repousse est plus rapide. Finalement, on constate, sous les panneaux, une pousse d'herbe plus linéaire sur l'année que dans une parcelle pleinement exposée au soleil. L'animal qui pâture à l'ombre des panneaux use aussi moins d'énergie à réguler sa température. Cela lui permet d'améliorer son Gain moyen quotidien (GMQ). » Dans le cadre du partenariat conclu entre Feder et TotalEnergies, une cinquantaine de projets ont été analysés en Bourgogne-Franche-Comté et dans le Grand Est. Aujourd'hui, une dizaine de ces projets sont effectivement en développement. D'autres ont été retoqués car non viables économiquement.
« Un modèle innovant qui contribue à soutenir les exploitations »
Alexis Mahias est responsable adjoint de l'agence TotalEnergies renouvelables BFC : « De longue date, nous entretenons une forte proximité et des relations de confiance avec le monde agricole. C’est naturellement que des partenariats avec les coopératives Dijon Céréales et Feder se sont noués autour de l’agrivoltaïsme. Nous portons ensemble des projets présentant de véritables synergies entre production d’électricité bas carbone et production agricole, chacun apportant son expertise dans son domaine de compétences. Là où elles sont implantées, les coopératives facilitent l’identification des sites et l’accompagnement des agriculteurs. TotalEnergies a également démontré, avec son centre d’expertises Ombréa, sa capacité à co-construire des projets avec les agriculteurs en dehors des zones d’influence de ces coopératives. Nous sommes convaincus que l’agrivoltaïsme est un modèle innovant qui peut contribuer à soutenir la résilience des exploitations face aux enjeux climatiques et pour le bien-être animal, à apporter une source de diversification des revenus et à sécuriser la transmission des exploitations ou encore l’installation de jeunes agriculteurs. »