Arboriculture
Une année maudite pour les fruits
Les orages de grêle du mois de mai n’auront été qu’une facette de la situation dramatique vécue par les producteurs de fruits dans l’Yonne
Une accumulation de conditions défavorables
«C’est tout qui va mal !» Ainsi résumée par trois producteurs de cerises rencontrés à Vallan, on ne sait par où commencer pour décrire la situation. Prenons les conditions climatiques et leurs conséquences sur l’état des arbres et de la récolte.
Dès avril, la pluviométrie exceptionnelle : (400 mm en 3 mois, 192 mm sur le seul mois de mai), a rendu la pollinisation difficile car les abeilles et autres insectes pollinisateurs ont besoin de certaines conditions pour sortir. On ne les a guère vus dans les vergers également à cause du froid qui sévissait pendant et après la floraison, provoquant des arrêts de sève et la chute des fruits à peine formés. La floraison, qui dure habituellement une dizaine de jours, s’est étalée sur trois semaines, de mi-avril à début mai. Le gel du 26 avril n’a donc été qu’un choc supplémentaire dans un contexte déjà peu favorable.
Sur les variétés précoces et intermédiaires, les excès d’eau ont eu pour effet de faire éclater les fruits et de déclencher la pourriture, les variétés tardives étaient donc les seules sur lesquelles on pouvait fonder quelques espoirs de récoltes. Dans ces conditions la grêle des 13 et 27 mai a été vécue comme un coup d’assommoir, qui a porté atteinte à la récolte 2016 mais qui impactera aussi l’année 2017 car les bois en formation et les bourgeons ont été blessés et cassés.
Ce n’était toutefois pas la dernière nuisance, puisque une fois les rares fruits parvenus à maturité, le département de l’Yonne a été touché par la mouche suzukii contre laquelle les traitements autorisés cette année sont bien peu efficaces. Pour finir ce sont des nuées d’oiseaux qui se sont abattus sur les vergers, principalement des moineaux et des étourneaux, refoulés de la ville voisine et particulièrement nombreux cette année mais pas du tout effrayés par les tirs de canons destinés aux corbeaux.
Un nouveau ravageur
Dans un tel contexte on comprend que le moral de la profession soit atteint : pour ceux qui sont bi-actifs, ou qui ont d’autres productions, c’est une année noire, mais pour ceux qui n’ont que cette production, c’est réellement dramatique. Comme le remarque Philippe Lelièvre : «On s’attendait à gagner peu, et on va finalement perdre beaucoup, car des frais importants ont été engagés avant la récolte qui s’avère inexistante». Les choix opérés par le gouvernement concernant les traitements sont notamment mal ressentis par les producteurs.
Si l’on met de côté les conditions climatiques, qui par nature varient d’une année à l’autre, un point reste préoccupant pour les années à venir : la présence de la drosophila suzuki, nouveau ravageur, contre laquelle les producteurs se sentent à présent fort démunis. Les hivers doux sont favorables à son développement, et sur un finage très morcelé, il existe de nombreuses friches où ces insectes peuvent proliférer. Sur ce point, Bernard Duruz est formel : «L’interdiction de l’emploi du diméothoate, est survenue en avril 2016 sans aucune concertation avec les producteurs. Cette molécule est la seule à être réellement efficace, elle permet de traiter une seule fois et elle agit de manière systémique. Les produits de substitution sont nettement plus chers et nécessitent d’effectuer de nombreux passages car ils agissent par contact, il faut donc que l’insecte soit présent au moment où on traite.» Après les aléas climatiques, il était possible de récupérer de 15 à 20 % de la récolte, mais la présence de la mouche a bien souvent réduit ces espérances à zéro.
Des mesures nécessaires qui tardent à venir
La question des traitements débouche selon les producteurs sur celle d’une concurrence déloyale : «Nous pouvons comprendre qu’il y ait un problème de santé publique mais nous sommes inquiets de savoir que des fruits traités pourraient être commercialisés en France, malgré l’interdiction : les contrôles ne seront jamais suffisants pour éviter qu’ils parviennent sur les étals»
Quant au versement hypotétique des aides, il n’interviendra au mieux que dans un an : «Les dossiers à compléter ne sont pas disponibles dans les mairies, ils n’arriveront qu’en septembre. Il faudrait des mesures immédiates et l’on ne voit rien de concret pour l’instant. Si l’on voulait tuer la production, on ne s’y prendrait pas autrement» L’arboriculture est en effet un domaine particulier du fait des investissements sur le long terme : «Après avoir planté on ne récolte pas avant cinq ans», et aussi de la main d’œuvre nécessaire pour les récoltes. La conclusion pour Patrick Fourneau risque bien d’être l’abandon pur et simple de cette activité, si ce n’est la destruction des vergers à coups de bulldozers car «Le travail à perte ne peut durer»
«C’est tout qui va mal !» Ainsi résumée par trois producteurs de cerises rencontrés à Vallan, on ne sait par où commencer pour décrire la situation. Prenons les conditions climatiques et leurs conséquences sur l’état des arbres et de la récolte.
Dès avril, la pluviométrie exceptionnelle : (400 mm en 3 mois, 192 mm sur le seul mois de mai), a rendu la pollinisation difficile car les abeilles et autres insectes pollinisateurs ont besoin de certaines conditions pour sortir. On ne les a guère vus dans les vergers également à cause du froid qui sévissait pendant et après la floraison, provoquant des arrêts de sève et la chute des fruits à peine formés. La floraison, qui dure habituellement une dizaine de jours, s’est étalée sur trois semaines, de mi-avril à début mai. Le gel du 26 avril n’a donc été qu’un choc supplémentaire dans un contexte déjà peu favorable.
Sur les variétés précoces et intermédiaires, les excès d’eau ont eu pour effet de faire éclater les fruits et de déclencher la pourriture, les variétés tardives étaient donc les seules sur lesquelles on pouvait fonder quelques espoirs de récoltes. Dans ces conditions la grêle des 13 et 27 mai a été vécue comme un coup d’assommoir, qui a porté atteinte à la récolte 2016 mais qui impactera aussi l’année 2017 car les bois en formation et les bourgeons ont été blessés et cassés.
Ce n’était toutefois pas la dernière nuisance, puisque une fois les rares fruits parvenus à maturité, le département de l’Yonne a été touché par la mouche suzukii contre laquelle les traitements autorisés cette année sont bien peu efficaces. Pour finir ce sont des nuées d’oiseaux qui se sont abattus sur les vergers, principalement des moineaux et des étourneaux, refoulés de la ville voisine et particulièrement nombreux cette année mais pas du tout effrayés par les tirs de canons destinés aux corbeaux.
Un nouveau ravageur
Dans un tel contexte on comprend que le moral de la profession soit atteint : pour ceux qui sont bi-actifs, ou qui ont d’autres productions, c’est une année noire, mais pour ceux qui n’ont que cette production, c’est réellement dramatique. Comme le remarque Philippe Lelièvre : «On s’attendait à gagner peu, et on va finalement perdre beaucoup, car des frais importants ont été engagés avant la récolte qui s’avère inexistante». Les choix opérés par le gouvernement concernant les traitements sont notamment mal ressentis par les producteurs.
Si l’on met de côté les conditions climatiques, qui par nature varient d’une année à l’autre, un point reste préoccupant pour les années à venir : la présence de la drosophila suzuki, nouveau ravageur, contre laquelle les producteurs se sentent à présent fort démunis. Les hivers doux sont favorables à son développement, et sur un finage très morcelé, il existe de nombreuses friches où ces insectes peuvent proliférer. Sur ce point, Bernard Duruz est formel : «L’interdiction de l’emploi du diméothoate, est survenue en avril 2016 sans aucune concertation avec les producteurs. Cette molécule est la seule à être réellement efficace, elle permet de traiter une seule fois et elle agit de manière systémique. Les produits de substitution sont nettement plus chers et nécessitent d’effectuer de nombreux passages car ils agissent par contact, il faut donc que l’insecte soit présent au moment où on traite.» Après les aléas climatiques, il était possible de récupérer de 15 à 20 % de la récolte, mais la présence de la mouche a bien souvent réduit ces espérances à zéro.
Des mesures nécessaires qui tardent à venir
La question des traitements débouche selon les producteurs sur celle d’une concurrence déloyale : «Nous pouvons comprendre qu’il y ait un problème de santé publique mais nous sommes inquiets de savoir que des fruits traités pourraient être commercialisés en France, malgré l’interdiction : les contrôles ne seront jamais suffisants pour éviter qu’ils parviennent sur les étals»
Quant au versement hypotétique des aides, il n’interviendra au mieux que dans un an : «Les dossiers à compléter ne sont pas disponibles dans les mairies, ils n’arriveront qu’en septembre. Il faudrait des mesures immédiates et l’on ne voit rien de concret pour l’instant. Si l’on voulait tuer la production, on ne s’y prendrait pas autrement» L’arboriculture est en effet un domaine particulier du fait des investissements sur le long terme : «Après avoir planté on ne récolte pas avant cinq ans», et aussi de la main d’œuvre nécessaire pour les récoltes. La conclusion pour Patrick Fourneau risque bien d’être l’abandon pur et simple de cette activité, si ce n’est la destruction des vergers à coups de bulldozers car «Le travail à perte ne peut durer»
L’arboriculture dans l’Yonne
Elle s’est développée il y a environ 80 ans, et comptait une dizaine de communes dans les années 80 sur plus de 500 ha, dans un contexte de polyculture. Actuellement la production est limitée à quatre communes (Vallan, Coulanges, Gy l’Evêque et Jussy) sur moins de 300 ha, plusieurs villages s’étant désormais spécialisés dans la viticulture. Sans irrigation, la production atteint en moyenne un peu plus de 3,5 t à l’hectare.