Terres agricoles : un marché en léger repli
Préserver les terres agricoles pour leur première destination : produire pour nourrir. Tel est le fil rouge qui guide le président de la FNSafer, Emmanuel Hyest, pas mécontent de voir que la trajectoire des achats de vente de terrains d’origine agricole, destinés à l’urbanisation, a fortement baissé.

Le nombre de transactions au plan national (13 290 en 2024) s’est replié de 24,3 % entre 2023 et 2024. Seuls 10 400 ha ont été artificialisés (-19,4 %) pour une valeur totale de 2,39 milliards d’euros (Md€) en retrait de 10,9 %. « Il faut conserver les terres agricoles pour différents enjeux : nourriture, eau, décarbonation », a précisé Emmanuel Hyest, président de la FNSafer. En quarante ans, l’agriculture française a perdu 8 % de ses surfaces quand les sols artificialisés ont littéralement explosé passant de 5,7 % de la surface du territoire à 9,5 % (+66,6 %). Loïc Jégouzo, adjoint au directeur du service études, veille et prospective de la FNSafer, y voit un effet de la loi Zéro artificialisation net (ZAN) même si celle-ci est en passe d’être rectifiée par la proposition de loi sénatoriale visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace).
Terres et prés en repli
D’une manière globale, le marché foncier en France en 2024 a été en repli par rapport à 2023 sur le nombre de transactions (318 000 : -3,7 %), sur le nombre d’hectares échangés (678 000 ; -2,7 %) et sur le volume financier réalisé (34,8 Md€ ; -4,7 %). Dans le détail, le marché des terres et prés confirme son repli avec 98 350 transactions (-5,9 %), et seulement 431 200 ha échangés (-5,2 %) pour 6,17 Md€ de chiffre d’affaires (-17,7 %). « Ce marché retrouve peu ou prou ses niveaux d’avant Covid, sauf en valeur qui reste supérieure », a indiqué Loïc Jégouzo. Pour la troisième année consécutive, les prix moyens nationaux sont en progression mesurée à 6 400 €/ha (+ 3,2 %) à la vente pour les prés et terres libres non bâtis. Ils sont en hausse pour la deuxième année de suite pour la location : 5 220 €/ha (+ 2 %). Conséquence directe du marasme économique qui touche le secteur viticole, le marché des vignes s’est rétréci en 2024 avec seulement 8 650 transactions (-1,4 %). Seulement 16 000 ha ont changé de main (+ 0,1 %) avec un marché en berne : 1,1 Md€ (-4,8 %). Le prix moyen des vignes AOP (176 400 €/ha) recule de -1,1 %.
Les maisons de campagne retrouvent des couleurs
Hors champagne, la baisse est plus prononcée (-3,9 %). Les vignes hors AOP voient leur prix (13 800 €/ha) fléchir encore plus : -7 %. Mais ce sont les vignes à eaux-de-vie qui dégringolent le plus : -9,8 %. « Dans le Cognac, la baisse de demande en foncier est due aux difficultés de financements bancaires et de contractualisation avec les maisons de négoce », a expliqué Loïc Jégouzo. A contrario, le marché des maisons de campagne retrouve quelques légères couleurs après deux années plutôt stables. L’année 2024 a vu 93 860 transactions (+ 3,4 %) se réaliser pour une surface de 49 000 ha (+ 3,9 %) et un chiffre d’affaires de 22 Md€ (+ 0,2 %). « Ce redémarrage a été soutenu par la baisse des taux d’intérêt. La Banque centrale européenne les a diminués quatre fois, les faisant passer de 4 % en début d’année à 3 % fin décembre », a précisé Loïc Jégouzo.
Le marché des forêts repart à la hausse
Avec 21 860 transactions (+ 0,9 % par rapport à 2023), 147 800 ha échangés (+ 4,8 %) et un volume financier de 2,02 milliards d’euros, le marché des forêts reprend des couleurs, stimulé par les ventes de massifs supérieurs à 100 ha et de forêts avec bâti (150 ventes pour 36 700 ha). Ces surfaces de 100 ha et plus représentent le quart des surfaces vendues. Le prix moyen des surfaces (toutes catégories) a gagné 2,2 % l’an passé pour atteindre 4 850 €/ha. Ce sont, de manière prépondérante, les personnes morales privées (agricoles, forestières et autres) qui acquièrent des forêts (+ 8,9 % en surface par rapport à 2023). Elles représentent 45 % du marché devant les personnes physiques privées non agricoles (22 % du marché ; + 3,9 % en surface). Les agriculteurs ferment la marche : 9 % du marché (-0,5 % en surface).
Propriétaires ruraux : les bailleurs ne désarment pas
Réunis le 16 mai à Paris, les représentants de la Section nationale des propriétaires ruraux (SNPR) de la FNSEA ont tiré le bilan de l’année écoulée et dressé quelques perspectives pour les prochains mois. Raymond Muller, secrétaire général de la SNPR, a rappelé que « l’année 2024-2025 a été particulièrement impactée par la campagne pour les élections des Chambres d’agriculture. […] Cette année a aussi été marquée par une instabilité politique inconnue sous la Ve République ». Cela n’a pas empêché les propriétaires ruraux de glaner quelques victoires au premier rang desquelles le relèvement des plafonds d’exonération de droits de donation ou de succession pour les biens ruraux mis à bail à long terme. La SNPR s’est penchée sur l’installation de la fibre optique en aérien en bordure de haies. Elle est souvent installée sur des poteaux mal positionnés et mal entretenus. Conséquence : les propriétaires ruraux ne peuvent pas prendre de mesures suffisantes pour les protéger. Même les élagueurs professionnels ne veulent plus prendre ce genre de chantiers, car la moindre coupure coûte des milliers d’euros de réparation ; un risque insupportable pour les propriétaires ruraux. C’est pourquoi les membres de la SNPR ont appelé à une réforme de la responsabilité de l’entretien des réseaux télécoms, à charge pour l’opérateur de réseau de réaliser l’entretien. Il a aussi été question de renouvellement des générations et de transition agricole : premiers porteurs de foncier, les propriétaires ruraux permettent aux agriculteurs d’accéder au foncier à des conditions économiquement avantageuses. Cependant « de nombreux territoires ne trouvent plus de bailleurs », a regretté le secrétaire général pour qui il n’existe aucune fatalité : « Encore faut-il leur redonner leur place, leur redonner l’envie d’investir, de s’impliquer et de mettre à bail […] ensemble, travaillons et agissons ! », a-t-il exhorté. En clôture du congrès le président de la SNPR, Patrice Joseph a rappelé que si les propriétaires-bailleurs « cessent de jouer leur rôle, les conséquences seront lourdes pour les exploitants et l’agriculture française ». Pour lui, il est urgent de prendre en main le problème : 12 millions d’hectares vont changer d’exploitants d’ici huit ans. Pour cela, il suggère cinq pistes : adapter le statut du fermage en transcrivant dans la loi l’accord conclu entre la SNPR et la Section nationale des fermiers et métayers (SNFM) ; redonner un équilibre économique aux baux, notamment en diminuant la fiscalité foncière ; simplifier les contraintes administratives pesant sur les propriétaires ruraux ; les sécuriser face aux risques du développement de la fibre optique ou de l’agrivoltaïsme ; préserver le patrimoine foncier en cas de contraintes environnementales.