Accès au contenu
Intelligence artificielle

Une révolution scientifique pour l’authentification des vins : la signature minérale entre en scène

Dans un contexte de mondialisation accrue, de fraudes croissantes et de demandes renforcées en traçabilité, une innovation issue de la recherche publique française pourrait bien bouleverser les pratiques de la filière vitivinicole. Des chercheurs lyonnais, en collaboration avec la start-up M&Wine, ont mis au point une technologie inédite : l’identification des vins par leur « signature minérale » grâce à l’intelligence artificielle.

Par Cédric Michelin

Tout vin emporte en lui les traces chimiques de son terroir. C’est cette réalité que les scientifiques de l’Institut Lumière Matière (Université Claude Bernard Lyon 1 / CNRS), de l’Institut des Sciences Analytiques et du laboratoire Ingénierie des Matériaux Polymères ont su exploiter. Leur méthode repose sur la mesure de 41 éléments inorganiques stables, présents naturellement dans les vins, via une technique de spectrométrie de masse couplée à un plasma inductif (ICP-MS). Résultat : une empreinte chimique unique, propre à chaque cuvée.

Cette empreinte devient une « signature minérale » que des algorithmes d’apprentissage automatique analysent avec une étonnante efficacité : 92 % de précision pour l’identification du pays d’origine, 91 % pour les régions viticoles françaises et 85 % pour le cépage principal. Ces résultats ont été validés sur une base initiale de 12.000 échantillons internationaux, et une publication dans la revue scientifique Oeno One consacre cette avancée.

Une IA sur-mesure

Avec plus de 35.000 vins déjà analysés, la base de données enrichie quotidiennement par M&Wine est une véritable mine d’or. Pour Théodore Tillement, CEO de la start-up, c’est cette qualité des données qui fait la force de leur outil : « On parle souvent d’intelligence artificielle, mais elle reste un outil – son efficacité dépend avant tout de la qualité des données qui l’entraînent ».

Les applications sont nombreuses : traçabilité, lutte contre la contrefaçon, certification d’origine, mais aussi valorisation des terroirs. La signature minérale pourrait devenir un argument de poids dans les démarches d’authentification et de différenciation qualitative.

Vers un jumeau numérique du vin

Au-delà de la traçabilité, les chercheurs entrevoient une nouvelle ère pour l’assemblage et l’œnologie prédictive. En corrélant les profils minéraux aux paramètres sensoriels, l’intelligence artificielle pourrait bientôt prédire les caractéristiques de dégustation d’un vin. Ce « jumeau numérique » ouvrirait alors la voie à des assemblages optimisés selon des profils gustatifs ciblés, un véritable outil d’aide à la décision pour les caves et coopératives.

Michel Dumoulin, consultant chez AgroŒno Conseil, y voit une avancée majeure : « La signature minérale du vin représente une avancée analytique dans l’illustration de son lien au terroir et son apport incontournable au profil organoleptique ».

Une carte d’identité géologique du vin

Malgré la diversité des cépages, des pratiques de vinification ou des origines géographiques, les modèles développés se montrent particulièrement performants. « Cela fonctionne ! », affirme Olivier Tillement, professeur à l’ILM et directeur scientifique de M&Wine, soulignant la stabilité des minéraux dans les mélanges, un atout décisif pour fiabiliser les analyses et simuler de futurs vins.

Alors que le secteur viticole français doit faire face à une crise multiforme — concurrence internationale, mutations climatiques, attentes sociétales —, cette innovation s’inscrit comme une réponse stratégique. Elle allie la rigueur scientifique à la puissance du numérique pour redonner de la valeur à l’authenticité.

François Lux, chercheur à l’Université Claude Bernard Lyon 1, conclut : « Ce n’est que le début : le potentiel de ces données est immense et ne demande qu’à être exploré ».