« Les équilibres sont fragiles »
Jeudi 16 octobre, la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, est venue à la rencontre de Jean-Baptiste Thibaut, viticulteur et agriculteur icaunais.
C'est en compagnie de Pascal Jan, préfet de l'Yonne, Arnaud Delestre, président de la Chambre d'agriculture, Damien Brayotel, président de la FDSEA, Charles Baracco, président des JA, Michèle Leblanc-Albarel, directrice de l'EPL des Terres de l'Yonne, que Jean-Baptiste Thibaut a reçu la ministre de l'Agriculture, au sein de son exploitation agricole et viticole, ce jeudi 16 octobre. La raison de sa visite signe « le premier jour de versement des avances Pac », confie-t-elle. « Je suis venue pour honorer la promesse que je leur ai faite, il y a un an. J'ai souhaité qu'on puisse délivrer les aides Pac dans une proportion importante », exprime-t-elle. Ce sont donc 4,68 milliards d'euros d'acompte Pac qui sont arrivés sur les comptes en banque des exploitations agricoles. Cette avance est appliquée grâce « au souhait de la ministre de pouvoir verser les avances Pac, même lorsque l'exploitant est en contrôle ». Face aux élus agricoles, Annie Genevard a réaffirmé l'importance de la Pac. « Défendre la Pac, c'est défendre l'avenir de nos territoires, l'avenir de notre agriculture, et tout simplement la capacité que l'Union européenne et que la France ont de s'acquitter du devoir de souveraineté alimentaire », affirme-t-elle, avant de débuter la visite de l'exploitation de Jean-Baptiste Thibaut. C'est en s'avançant dans la cuverie en compagnie de Jean-Baptiste Lemoine, sénateur, qu'Annie Genevard a échangé avec Damien Brayotel. « On est à la troisième récolte avec un résultat négatif. Ça va être compliqué d'installer les jeunes dans ces conditions-là. Nous, on arrive à mettre de côté depuis quelques années, parce qu'on s'est diversifiés en produisant de la framboise », déclare-t-il, avant d'ajouter que « l'avenir de nos exploitations en zone intermédiaire se tourne vers des agrandissements à outrance. Et la question, c'est : comment on installe des jeunes sur des exploitations de 250 ha ? », explique-t-il, à la ministre. Quant à Jean-Baptiste Thibaut, agriculteur et viticulteur, les aléas climatiques rendent les productions instables. « J'ai fait un déficit énorme l'an passé, parce qu'il y avait des problèmes de mildiou », se souvient-il.
« La concurrence déloyale »
C'est en se rendant sur les champs de Jean-Baptiste Thibault que Charles Baracco, président des JA de l'Yonne interpelle Annie Genevard sur le sujet du Mercosur. « Les éleveurs sont inquiets du Mercosur. Du point de vue économique, la filière d'élevage, et notamment bovine, se porte plutôt bien en ce moment, et ce depuis très peu de temps. Mais quelle incidence va avoir le Mercosur sur nos exploitations ? », questionne-t-il. « Depuis des mois, je sillonne les capitales européennes, je rencontre à Bruxelles, au Luxembourg ou encore à Strasbourg, mes homologues, pour les convaincre de rejoindre la France dans un combat pour un Mercosur qui protège davantage nos producteurs. Depuis, nous avons rallié à notre cause, la Pologne, la Hongrie, la Roumanie, l'Autriche, l'Irlande, la Belgique et même l'Italie », liste-t-elle. Face au regard inquiet du président des JA de l'Yonne, elle continue son discours. « Un grand nombre de pays sont préoccupés par les conditions d'application de ce projet d'accord et c'est la raison pour laquelle, grâce à la détermination de la France et de ses alliés, nous avons obtenu une clause de sauvegarde. Cette clause permet de mettre des freins d'urgence, si des déséquilibres de marché se produisent », explique-t-elle. C'est face à des élus agricoles qu'elle clôt ce chapitre. « Ce n'est pas acceptable, donc il faut se battre ! Le rôle du ministre de l'Agriculture, c'est un rôle évidemment au niveau national, de soutien aux filières, ainsi qu'aux territoires ».
Les problématiques liées à l'élevage
En revenant au cœur de l'exploitation agricole, les questions fusent. Et cette fois-ci, c'est de la prédation qu’il est question. « J'ai eu l'occasion de discuter avec des éleveurs qui ont été frappés par des attaques de loup. C'est un sujet que je connais bien, pour avoir travaillé dessus pendant des années lorsque je présidais l'Anem », se remémore-t-elle. Aguerrie à ce sujet, elle exprime le fait qu'il « faut veiller à ce qu'il y ait un bon état de conservation du loup. Mais il faut protéger nos éleveurs, protéger le pastoralisme, et il faut protéger nos cheptels. Rien n'est plus douloureux pour un éleveur que d'arriver le matin dans une pâture ou dans son étable et de découvrir des bêtes égorgées ou agonisantes. Je le sais parce que sur mon territoire, qui est un territoire d'élevage, j'ai vu la détresse des éleveurs. Et c'est d'abord à eux que je pense », confie-t-elle. En soutenant le regard des éleveurs, elle exprime le fait qu'il « y aura des avancées dans la gestion de la prédation. J'y travaille de très près avec la préfète dédiée à la gestion ». Pour elle, pour préserver les cheptels et les éleveurs « le quota est la clé ». « Imaginez si l'on augmente le quota de prélèvement », interpelle-t-elle, « c'est ma volonté, parce que je considère que le quota de 19 %, qui va être augmenté de 2 % si besoin, doit tenir compte de la modification du statut de protection de l'espèce ». Aujourd'hui, « le loup est partout, et il est très mobile, il peut, en une nuit, parcourir plusieurs dizaines de kilomètres », conclut-elle. En rappelant à quoi correspond la DNC, Annie Genevard, se félicite du traitement « rapide et radical » qui a été effectué dans la Savoie et la Haute-Savoie. « Grâce à cette stratégie, nous avons protégé 99,4 % du cheptel bovin savoyard et haut-savoyard. Donc cette stratégie fonctionne », ajoute-t-elle. Pour poursuivre dans cette voie, « il faut respecter très scrupuleusement les consignes qui sont données par l'État, faute de quoi la maladie se propagera ». Avant de conclure son discours, elle explique qu’« aujourd'hui ce sont des cas très isolés, mais qu'en un seul cas, vous devez mettre en place un cercle de protection autour de 50 kilomètres, au sein duquel vous devez vacciner et interdire les déplacements. Donc, je le dis aux éleveurs : la partie se jouera sur une discipline collective et individuelle ».