Accès au contenu
110 Bourgogne

Le chanvre : un atout pour préserver la qualité de l’eau

110 Bourgogne développe une filière chanvre avec ses adhérents depuis cinq ans. La culture s’avère être un allié de taille pour préserver la qualité de l’eau des bassins d’alimentation de captage.
Par Orianne Mouton
Le chanvre : un atout pour préserver la qualité de l’eau
Après la moisson, les pailles doivent rester un peu au champ pour que les micro-organismes commencent à dégrader les fibres. Les pailles noircissent et sont plus faciles à séparer.
C’est la cinquième année de développement de la culture du chanvre dans l’Yonne. À l’origine, la Chambre d’agriculture avait orienté les agriculteurs vers cette culture, en partenariat avec l’usine de transformation «les chanvriers de l’Est» en Moselle. Suite au dépôt de bilan de la chanvrière, les agriculteurs se sont retrouvés avec des stocks de paille de chanvre… sans trop savoir quoi en faire. 110 Bourgogne a donc repris les activités avec la chanvrière Eurochanvre en Haute-Saône.

Un atout agronomique, une culture simple
Parfait en tête d’assolement, le chanvre se sème en avril sur un sol très réchauffé, une fois le risque de gel passé. Seul un apport de 80 à 90 unités d’azote est nécessaire à l’implantation, seule étape délicate. Ensuite, aucune opération n’est nécessaire pour réussir sa parcelle de chanvre. La pousse est extrêmement rapide, la plante très étouffante, elle permet une rupture de cycle des maladies et adventices, et décompacte le sol grâce à son système racinaire développé. «C’est vraiment une plante super ! En 2018, alors qu’il n’y a pas eu une seule goutte d’eau de l’été, on a quand même eu des rendements moyens de 4 t/ha en paille et de 650 kg/ha en grains, contre 6 t/ha et 800 kg/ha en année «normale». Vu les conditions, c’est pas mal !» félicite Éric Ducornet, responsable nouvelles filières à 110 Bourgogne. À l’aide de leur moissonneuse-batteuse spécifique, de type Bafa, la coopérative vient récolter les graines de chanvre chez les adhérents, tout en taillant les tiges en tronçons de 50 cm. Les bottes pressées en bottes carrées partiront ensuite à l’usine d’Eurochanvre. Géochanvre, nouvelle usine de géotextile en fibres de chanvre destiné au paillage végétal, se fournit en pailles de chanvre directement chez un agriculteur de la coopérative, et en fibres chez Eurochanvre.

L’allié des bassins d’alimentation de captage de l’eau potable
Le chanvre ne nécessite aucun traitement pour réussir, ce qui en fait un allié de taille pour les bassins d’alimentation de captage. C’est pourquoi 110 Bourgogne travaille en partenariat avec l’association plaine du Saulce, association pour la qualité de l’eau potable, et l’agglomération auxerroise pour favoriser l’implantation de chanvre sur les zones prioritaires pour préserver la qualité de l’eau. «Sur l’Auxerrois, un des trois captages existants a fermé pour cause de pollution aux produits phytosanitaires. On essaie d’agir pour améliorer la qualité de l’eau avant que les autres captages ne ferment ou que les cultures soient carrément interdites sur la zone. Le chanvre répond parfaitement à cette problématique» explique Éric Ducornet. Il y a aujourd’hui environ 330 ha de Chanvre répartis de l’Auxerrois au Châtillonais : «avec une seule moissonneuse, on organise la production, entre zones, variétés et précocité, pour échelonner les chantiers de récolte».

Le chanvre, ça sert à quoi ?
«C’est comme le cochon, tout est bon dans le chanvre !» s’émerveille le spécialiste de la coopérative. «La graine, appelée le «chènevis» est un excellent appât à poissons pour la pêche. Aujourd’hui, il est très demandé en alimentation humaine, il est sans gluten et riche en fibre, minéraux et oméga 3. Son succès a d’ailleurs attiré les autres pays qui se sont mis à importer du chènevis bien loin de notre prix de marché de départ de 1 000 €/t… on est quasiment à moitié prix aujourd’hui». La tige quant à elle, se compose de fibres à l’extérieur, et de «chènevotte», cette partie blanche molle et absorbante, au centre. En cardant les tiges, les fibres et la chènevotte sont séparées. Ce dernier est utilisé dans les litières pour animaux domestiques ou encore les paillages pour le jardin. Les fibres sont destinées à de nombreux dessins, des matériaux de construction, au cordage, en passant par la plasturgie automobile, ou encore les matériaux isolants. Même la poussière produite lors du procédé de séparation est valorisée dans la papeterie ou les bouchons.

Tout le monde peut faire du chanvre ?
«Le chanvre est une culture très réglementée : chaque îlot doit être déclaré, géopositionné et il y a des contrôles chaque année. Ils vérifient que la culture est bien produite dans le cadre industriel» explique Éric Ducornet. Les coûts de productions sont élevés à cause du prix de la semence, uniquement certifiée, et des coûts de récoltes. Le spécialiste de 110 Bourgogne rappelle aussi l’importance d’une filière : «Une filière ne fonctionne que si on a des débouchés. Avant les semis, on est sûr de vendre le chanvre produit, on sait déjà ce qu’on va en faire, ce qui sécurise tout ! Cela rejoint la philosophie de 110 Bourgogne, proposer aux agriculteurs des alternatives pour allonger leur rotation, augmenter leur rendement tout en garantissant leur revenu».