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Chambre d'agriculture

« Il y a de la vie dans nos cultures »

Au lendemain de la formation sur les auxiliaires de culture organisée par la Chambre d'agriculture de l'Yonne, Benoît Leprun, agriculteur, témoigne.

Par Charlotte Sauvignac
Chambre d'agriculture
Sur les cultures de la SEP de Bord, des parasites et des parasitoïdes ont pris place sur les cultures de colza.

En ce mardi 27 mai, au lendemain de la deuxième session de la formation de la Chambre d'agriculture de l'Yonne, sur les auxiliaires de culture, Benoît Leprun, coassocié de la SEP de Bord, témoigne de son expérience après quelques années à avoir aménagé ses cultures pour faire revenir la biodiversité. Accompagné par Johanna Villeneuve-Chassier, docteure en entomologie et écologie du paysage, l'agriculteur a conscient du bienfait des « auxiliaires de culture ». « La première formation date d'il y a 1 an, Johanna nous avait sensibilisés sur les aménagements paysagers qui pouvaient être opportuns, la manière dont il fallait les gérer, les implanter, ainsi que les choses à faire et à ne pas faire et les idées reçues. Pour que l'on comprenne réellement ce qui se passe dans nos cultures, elle nous a parlé de la biologie des auxiliaires, de leur reproduction, de leur présence sur les parcelles et de ce que ça signifie. Ces insectes ne sont pas tout le temps là, ils suivent des vols par le vent, ils viennent à certaines heures et à certaines températures, donc il faut s'approprier tout ça », détaille-t-il au lendemain de la deuxième session. Depuis près de 10 ans, Benoît Leprun et ses associés, à travers la SEP de Bord, sont en agriculture de conservation des sols et ont donc pour ambition de réduire le volet chimique pour se concentrer sur la biodiversité. « Ce sont des insectes, dont je n'avais jamais entendu parler, comme les syrphes, des mouches bénéfiques. Johanna, la docteure, a souhaité nous parler de la chaîne alimentaire : s'il y a des parasites, il y a des parasitoïdes, un nom dont je n'avais jamais entendu parler. Les parasitoïdes, les prédateurs des insectes néfastes seront donc présents. Sauf que nous, avec les insecticides, avec nos pratiques agricoles, on détruit le parasite et le parasitoïde. Il faut trouver l'équilibre entre les deux », exprime-t-il.

« L'objectif c'est d'utiliser cette vie pour nous aider »

Avec près de 60 hectares de colza, de blé, d'orge, de tournesol, de chanvre et de maïs, Benoît Leprun a tout de même conscience que l'utilisation de produits chimiques peut avoir un intérêt économique évident. « Johanna préfère qu'on utilise un peu de pesticides, et que derrière on mette tout en œuvre pour que ça fonctionne. C'est un discours, pour nous, agriculteurs, qui est entendable, vu que nous sommes un petit peu dans l'intensification, on a aussi un modèle économique à faire tourner. Nous sommes pragmatiques, nous n'allons pas utiliser des méthodes qui ne sont pas rentables, on est plutôt sur cette dynamique-là », ajoute-t-il. L'important pour lui est de valoriser le volet environnemental de son exploitation. « La durabilité de notre système, c'est vraiment la direction dans laquelle on veut tendre en ne valorisant pas un des trois piliers. Le volet environnemental a donc sa pleine importance dans cette formation », témoigne-t-il avec volonté. C'est donc avec ferveur qu'il a suivi tous les conseils de Johanna Villeneuve-Chassier. « L'objectif est de revégétaliser des endroits sanctuarisés, donc des haies, de basse tige (3 m) et de haute tige (10 m), pour au moins préserver l'habitat, sur des distances assez courtes. Elle nous a expliqué qu'un parasite, il va s'éloigner, ou une abeille par exemple, ne va s'éloigner que d'une centaine de mètres de son habitat, parce qu'au-delà, il prend un risque d'être prédaté, ou dépenser de l'énergie à aller plus loin », déclare-t-il. Il comprend l'objectif et essaie de tout mettre en œuvre pour que ça fonctionne. « Il ne faut pas faire d'aménagement paysager isolé. Il faut partir d'un élément qui existe déjà pour continuer le corridor écologique, le développement sera meilleur, la biodiversité sera améliorée avec des essences locales qui existent déjà, ce sera plus rapide », affirme-t-il avec conviction. Même si certains conseils paraissent plus compliqués que d'autres. « Nous avons des parcelles qui sont 6 ha, donc ça voudrait dire les recouper, et ça psychologiquement on n’est pas prêts », rigole-t-il. Pourtant, conscient des effets que cela pourrait avoir sur l'avenir, Benoît Leprun préfère agir. « C'est ma propre conviction, mais si on continue, on va droit dans le mur, ce n'est pas ma génération, ni celle de mes enfants, un jour ça va péter, si on ne prend pas soin de notre capital sol ! », conclut-il.