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Intelligence artificielle

« Il va falloir apprendre à maîtriser l'IA »

Alors que le pôle d'innovation en agroécologie Agronov prépare la seconde édition de son évènement « La Croisée des Champs » dont le thème sera l'intelligence artificielle en agriculture, nous avons interviewé un expert sur la question en la personne d'Hervé Pillaud, ancien agriculteur et l'un des fondateurs de la Ferme digitale.

Par Propos recueillis par Berty Robert
« Il va falloir apprendre  à maîtriser l'IA »
YG
Hervé Pillaud, agriculteur retraité et spécialiste de l'IA en agriculture.

Le Vendéen Hervé Pillaud est un ancien éleveur, engagé de longue date à la FNSEA et dans les Chambres d'agriculture. Impliqué dans la création de la Ferme digitale, association dont l'objectif est de promouvoir l’innovation et le numérique pour une agriculture performante, durable et citoyenne, il milite pour la modernisation de l'agriculture.

Qu'est-ce qui vous a conduit à vous intéresser au numérique et à l'IA ?

Hervé Pillaud : « Mon intérêt est venu par les responsabilités que j'ai assumées à la FNSEA et dans les Chambres d'agriculture, d'abord par la communication. J'ai toujours été sensible à l'innovation. Par ailleurs, j'ai un de mes fils qui a monté plusieurs start-up et qui organisait des week-ends dédiés à ce secteur. J'ai ainsi découvert des entreprises très innovantes. J'en suis venu à créer les concours Agreen start-up en 2014, portés avec les Chambres d'agriculture. Je suis aussi l'auteur de quatre livres sur le numérique en agriculture, dont le dernier, Vers un monde sans faim (1), vient de paraître. L'IA générative qui se développe, représente, pour moi, une révolution inédite. Pour la première fois dans l'Histoire de l'humanité, c'est la machine qui essaye de nous comprendre et cela va tout changer, notamment dans notre mode d'appréhension de la donnée ».

L'IA semble se développer rapidement. Sera-t-elle en mesure d'apporter des réponses ou des solutions à des problématiques agricoles ?

HP : « On est au début de quelque chose de si vaste, on croit que tout va très vite, mais il faudra du temps. On n'échappera pas à la nécessité de réguler l'IA générative. C'est l'objet de débats et ce besoin de régulation ressortait clairement lors du Sommet pour l'action sur l'IA organisé en février à Paris, auquel j'ai participé. Il va falloir assimiler l'IA et mettre en place les régulations, donc la notion de rapidité est à relativiser. Il y a aussi le facteur limitant de nos mentalités qui vont devoir évoluer, mais on fera inévitablement des erreurs. Personnellement, je pense que l'Homme sera toujours au-dessus de l'IA, parce qu'il manquera toujours à cette dernière, la sensibilité. En revanche, nos façons d'appréhender nos vies, au-delà même du travail, vont évoluer. En agriculture, l'IA peut être une source de diversité et de richesse si on la prend dans le bon sens, mais cela peut aussi pousser à une forme de standardisation. On aura sans doute un peu des deux. Depuis que l'Homme pratique l'agriculture, il a domestiqué 6 500 espèces de plantes, il y en a environ 200 de sélectionnées, 80 % de l'humanité en consomme 20 et 4 font 60 % de l'apport mondial d'énergie pour l'Homme (blé, maïs, riz et pommes de terre). Le champ des possibles est énorme et là, l'IA peut nous aider à faire avancer les techniques de sélection. Elle ouvre des perspectives incroyables mais ce n'est pas magique. Il va falloir apprendre à la maîtriser. L'agriculteur qui est bon aujourd'hui sans IA sera meilleur avec, mais celui qui est mauvais ne le sera pas moins avec l'IA… ».

Quelle serait la meilleure approche de l'IA générative aujourd'hui ?

HP : « L'agriculture travaille des contextes complexes, avec une quantité innombrable de paramètres. L'IA, par ses capacités à produire à partir d'un nombre énorme de données, nous aidera beaucoup, parce que l'humain n'a pas cette capacité. Nous avons, en France, un modèle agricole qui, par sa diversité, favorise le fait de travailler avec l'IA. Ce qui se produit c'est une révolution de l'usage, il est donc très important de ne pas seulement avoir une approche théorique de l'IA générative mais de créer des évènements qui vont permettre aux gens de s'en servir. Si on théorise trop, on développe les peurs… ».

Inscrivez vous à la Croisée des Champs

La seconde édition de la Croisée des Champs va se tenir à Bretenière, au sud de Dijon, le jeudi 15 mai. Elle s'adresse aux entreprises innovantes, aux décideurs et conseillers agricoles, aux experts de l'IA, aux étudiants en agriculture et à tous ceux qui souhaitent faire avancer le secteur. Elle est organisée en partenariat avec OCI Informatique & Digital et Magapomme avec le soutien de la Région BFC, Dijon métropole et du Département de la Côte-d'Or. Inscription : https://agronov.make-an-event.com/fr/billetterie

(1) Vers un monde sans faim, d'Hervé Pillaud, préfacé par Erik Orsenna, paru aux éditions Diateino. 21 euros.