Viticulture
C’est quoi, un Bourgogne ?
Le projet de délimitation de l’appellation régionale Bourgogne proposé par l’Inao soulève un vent de fronde dans l’Yonne, la Côte-d’Or et la Saône-et-Loire

C’est une poire, mais sur laquelle est mal collée une étiquette indiquant «pomme». Sous cette poire, figure l’affirmation suivante : «Ceci est une pomme selon l’Inao». Vous avez sous les yeux un des exemples de la campagne de communication lancée par la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB) en réaction à la décision de l’Institut national des appellations d’origine (Inao), prévoyant une délimitation de l’appellation Bourgogne qui génère une vrai tempête. Cette orientation, qui doit faire l’objet d’un examen et d’une prise de décision le 6 février, lors d’un Comité national, suscite colère et consternation dans l’Yonne, la Côte-d’Or et la Saône-et-Loire. Qu’en est-il concrètement ? L’Inao propose une délimitation de l’appellation Bourgogne qui implique la sortie de 64 communes situées sur les trois départements bourguignons et qui, à l’inverse, prévoit d’intégrer une quarantaine de communes du Beaujolais, dans le département du Rhône. Un véritable chiffon rouge pour nombre de viticulteurs «géographiquement» bourguignons qui voient là un risque énorme de dévalorisation de leur production, doublé d’un sentiment d’usurpation de l’identité Bourgogne, de la part de producteur du Beaujolais, perçus comme des opportunistes.
Flou juridique
«Nous sommes parvenus à un point de rupture», constatait Thiébault Huber, président de la CAVB, lors d’une réunion consacrée au sujet, le 21 janvier à Nuits-Saint-Georges. «C’est une proposition inacceptable, surtout lorsqu’on garde en tête que la moitié des 4 500 vignerons de la CAVB sont en appellation régionale. Allez dire à un vigneron du Châtillonnais «Tu ne fais plus partie de la Bourgogne» alors qu’en parallèle on nous demande d’accepter l’entrée dans l’appellation de producteurs du Beaujolais, ça me paraît difficile...» Les racines de cette situation plongent en fait dans un flou né en 1937, à une époque où la délimitation précise de l’appellation Bourgogne semble s’être arrêtée au milieu du guet. Dans les années 90, certains vignerons du Beaujolais, confrontés à une crise structurelle, ont profité de ce flou juridique pour se mettre à produire des Bourgognes. «Pour l’Inao», dit-on à la CAVB, «un Bourgogne c’est du pinot noir ou du chardonnay planté sur un sol calcaire avec un climat tempéré.» Une définition, qui, de fait, laisse une grande latitude dans la conception qu’on peut se faire de ces vins. Mais, aux yeux de la confédération, l’histoire et les usages doivent aussi entrer en ligne de compte. La colère trouve également son origine dans le sentiment qu’ont les vignerons bourguignons qu’on prépare quelque chose dans leur dos. La CAVB fait en effet le constat que l’Organisme de défense et de gestion (ODG) n’a eu connaissance des résultats du travail de l’Inao sur ce thème que le 19 décembre, quand l’Association des producteurs de Bourgogne en Beaujolais (APBB) en aurait disposé dès le 6 décembre...
Pas d’opprobre sur tout le Beaujolais
L’activisme, sur la question, de cette association (créée en réaction à une première demande des Bourguignons, auprès de l’Inao, afin de délimiter clairement les appellations régionales de Bourgogne) interpellait aussi beaucoup, lors de la réunion nuitonne. Elle ne représente pas la totalité des producteurs du Beaujolais, loin s’en faut, ce qui incite la CAVB a préciser que le mouvement d’humeur actuel n’est pas dirigé contre l’ensemble du Beaujolais, mais qu’à l’inverse, la volonté d’un petit groupe de producteurs doit inciter les Bourguignons à se mobiliser en masse. Cela devrait être le cas, le 6 février : des bus doivent être affrétés afin de conduire à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, où se trouve le siège de l’Inao, un maximum de manifestants exprimant leur opposition à ce projet de délimitation. Par ailleurs une pétition est en ligne, signée par plus de 2 600 personnes, dont le slogan est le suivant : «Vive le Bourgogne, vive le Beaujolais, non au Bourgogne dans le Beaujolais !» et les vignerons bourguignons ont aussi recu le soutien, le 28 janvier, de douze parlementaires des trois départements concernés (Josiane Corneloup, députée LR de Saône-et-Loire, Rémi Delatte, député LR de Côte-d’Or, Jérôme Durain, sénateur PS de Saône-et-Loire, Jean-Paul Emorine, sénateur LR de Saône-et-Loire, Alain Houpert, sénateur LR de Côte-d’Or, Guillaume Larrivé, député LR de l’Yonne, Anne-Catherine Loisier, sénatrice UC de Côte-d’Or, Marie Mercier, sénatrice LR de Saône-et-Loire, Noëlle Rauscent, sénatrice LREM de l’Yonne, Cécile Untermaier, députée PS de Saône-et-Loire, Dominique Vérien, sénatrice UDI de l’Yonne, et André Villiers, député UDI de l’Yonne). À Nuits-Saint-Georges, dans les rangs des participants à la réunion, on sentait poindre également une certaine amertume face au fait que, depuis vingt ans, on aurait laissé pourrir une situation floue permettant à des producteurs de Beaujolais de produire des Bourgognes et d’en revendiquer l’appellation. Un pourrissement qui déboucherait aujourd’hui sur un contexte presque ingérable. «Dans le Beaujolais, ils sont Bourguignons quand ça les arrange», s’est exclamé un participant. «Et pourquoi les gens du Châtillonnais ne demanderaient-ils pas l’appellation Champagne ? À ce compte là, tout est possible !...» «Si les Bourgognes étaient vendus à 400 euros la pièce», remarquait un autre, «le Beaujolais ne frapperait pas à la porte... »
Flou juridique
«Nous sommes parvenus à un point de rupture», constatait Thiébault Huber, président de la CAVB, lors d’une réunion consacrée au sujet, le 21 janvier à Nuits-Saint-Georges. «C’est une proposition inacceptable, surtout lorsqu’on garde en tête que la moitié des 4 500 vignerons de la CAVB sont en appellation régionale. Allez dire à un vigneron du Châtillonnais «Tu ne fais plus partie de la Bourgogne» alors qu’en parallèle on nous demande d’accepter l’entrée dans l’appellation de producteurs du Beaujolais, ça me paraît difficile...» Les racines de cette situation plongent en fait dans un flou né en 1937, à une époque où la délimitation précise de l’appellation Bourgogne semble s’être arrêtée au milieu du guet. Dans les années 90, certains vignerons du Beaujolais, confrontés à une crise structurelle, ont profité de ce flou juridique pour se mettre à produire des Bourgognes. «Pour l’Inao», dit-on à la CAVB, «un Bourgogne c’est du pinot noir ou du chardonnay planté sur un sol calcaire avec un climat tempéré.» Une définition, qui, de fait, laisse une grande latitude dans la conception qu’on peut se faire de ces vins. Mais, aux yeux de la confédération, l’histoire et les usages doivent aussi entrer en ligne de compte. La colère trouve également son origine dans le sentiment qu’ont les vignerons bourguignons qu’on prépare quelque chose dans leur dos. La CAVB fait en effet le constat que l’Organisme de défense et de gestion (ODG) n’a eu connaissance des résultats du travail de l’Inao sur ce thème que le 19 décembre, quand l’Association des producteurs de Bourgogne en Beaujolais (APBB) en aurait disposé dès le 6 décembre...
Pas d’opprobre sur tout le Beaujolais
L’activisme, sur la question, de cette association (créée en réaction à une première demande des Bourguignons, auprès de l’Inao, afin de délimiter clairement les appellations régionales de Bourgogne) interpellait aussi beaucoup, lors de la réunion nuitonne. Elle ne représente pas la totalité des producteurs du Beaujolais, loin s’en faut, ce qui incite la CAVB a préciser que le mouvement d’humeur actuel n’est pas dirigé contre l’ensemble du Beaujolais, mais qu’à l’inverse, la volonté d’un petit groupe de producteurs doit inciter les Bourguignons à se mobiliser en masse. Cela devrait être le cas, le 6 février : des bus doivent être affrétés afin de conduire à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, où se trouve le siège de l’Inao, un maximum de manifestants exprimant leur opposition à ce projet de délimitation. Par ailleurs une pétition est en ligne, signée par plus de 2 600 personnes, dont le slogan est le suivant : «Vive le Bourgogne, vive le Beaujolais, non au Bourgogne dans le Beaujolais !» et les vignerons bourguignons ont aussi recu le soutien, le 28 janvier, de douze parlementaires des trois départements concernés (Josiane Corneloup, députée LR de Saône-et-Loire, Rémi Delatte, député LR de Côte-d’Or, Jérôme Durain, sénateur PS de Saône-et-Loire, Jean-Paul Emorine, sénateur LR de Saône-et-Loire, Alain Houpert, sénateur LR de Côte-d’Or, Guillaume Larrivé, député LR de l’Yonne, Anne-Catherine Loisier, sénatrice UC de Côte-d’Or, Marie Mercier, sénatrice LR de Saône-et-Loire, Noëlle Rauscent, sénatrice LREM de l’Yonne, Cécile Untermaier, députée PS de Saône-et-Loire, Dominique Vérien, sénatrice UDI de l’Yonne, et André Villiers, député UDI de l’Yonne). À Nuits-Saint-Georges, dans les rangs des participants à la réunion, on sentait poindre également une certaine amertume face au fait que, depuis vingt ans, on aurait laissé pourrir une situation floue permettant à des producteurs de Beaujolais de produire des Bourgognes et d’en revendiquer l’appellation. Un pourrissement qui déboucherait aujourd’hui sur un contexte presque ingérable. «Dans le Beaujolais, ils sont Bourguignons quand ça les arrange», s’est exclamé un participant. «Et pourquoi les gens du Châtillonnais ne demanderaient-ils pas l’appellation Champagne ? À ce compte là, tout est possible !...» «Si les Bourgognes étaient vendus à 400 euros la pièce», remarquait un autre, «le Beaujolais ne frapperait pas à la porte... »
La gestion de la production, critère fondamental
Les 64 communes des départements bourguignons qui pourraient se voir contraintes de sortir de l’appellation Bourgogne totalisent 5 500 hectares plantés. Pour les producteurs, les risques liés à la perspective de sortir de l’aire de délimitation Bourgogne toucheraient à des baisses de valeur de leurs vins et à une altération de l’image. Le risque de perte de potentiel de production est aussi réel. Paradoxalement, il s’ajoute à un risque de surproduction, avec des plantations en chardonnay et pinot noirs jugées « anarchiques » dans le Beaujolais, alors que la CAVB met en avant sa capacité à gérer cette donnée avec sagesse .
« 20 000 hectares pourraient être plantés en Bourgogne,» explique-t-on à la confédération, «mais si on ne le fait pas, c’est qu’il y a une raison : nous gérons le potentiel de production. » La CAVB avance aussi le fait que, par rapport au Beaujolais, le prix du foncier en Bourgogne est trois fois supérieur, et celui du fermage en rouge, quatre fois supérieur. On imagine ce que ces critères pourraient avoir comme conséquences économiques pour les producteurs qui se trouveraient exclus de l’appellation régionale.
« 20 000 hectares pourraient être plantés en Bourgogne,» explique-t-on à la confédération, «mais si on ne le fait pas, c’est qu’il y a une raison : nous gérons le potentiel de production. » La CAVB avance aussi le fait que, par rapport au Beaujolais, le prix du foncier en Bourgogne est trois fois supérieur, et celui du fermage en rouge, quatre fois supérieur. On imagine ce que ces critères pourraient avoir comme conséquences économiques pour les producteurs qui se trouveraient exclus de l’appellation régionale.