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Viticulture

Bâcher pour ne pas geler

Interdit depuis 2003 par l’INAO, le bâchage des vignes pour lutter contre les gelées de printemps est-il en passe d’être de nouveau autorisé ? Certains viticulteurs du chablisien se disent prêts à y avoir de nouveau recours
Par Dominique Bernerd
Bâcher pour ne pas geler
Un exemple des toiles expérimentées dans le chablisien en 1996 et autorisées jusqu’en 2003 par l’INAO
Les gelées tardives ont une nouvelle fois frappé le département au printemps dernier. Une vague de froid qui a touché quasiment l’ensemble du vignoble icaunais, notamment en chablisien et dans le sud auxerrois. Une situation d’autant plus dommageable, qu’en certains endroits, les bourgeons et jeunes feuilles avaient pris de l’avance, les rendant particulièrement fragiles face aux gelées nocturnes ou matinales. Obligeant les viticulteurs à installer en urgence entre les rangs, chaufferettes et bougies pour en amoindrir les effets, ou activer les systèmes d’aspersion, pour ceux qui se trouvent près d’un point d’eau. Avec l’inconvénient pour la première technique, d’être peu respectueuse de l’environnement du fait d’émission de CO2 dans l’atmosphère et pour la seconde, d’être particulièrement onéreuse, compte tenu des équipements à mettre en place en amont.
De nouveaux systèmes devraient être testés l’an prochain, sous l’égide du Syndicat de Défense de l’Appellation Chablis, comme ces câbles électriques chauffants, destinés à faire remonter les températures dans les vignes. Autre technique, déjà utilisée dans le passé, susceptible de refaire son apparition : le bâchage des vignes durant les périodes les plus gélives. Apparu en 1996, le système fut interdit sept ans plus tard par l’INAO, qui y voyait une «pollution» visuelle des coteaux et le risque de modifications physiologiques de la vigne.  
 
Pas dans l’urgence
À la tête du Domaine des Malandes à Chablis, Lynn Marchive fit partie à l’époque de la quinzaine de vignerons à se lancer dans l’aventure et aujourd’hui encore, plébiscite le système : «avec les bâches, nous ne sommes pas dans l’urgence et travaillons dans le préventif et dans de bonnes conditions, contrairement aux bougies et chaufferettes. Cette année, on les a allumées douze nuits d’affilée, avec tout le travail de nuit que cela représente pour les installer ou les remplacer, tous les risques d’accidents, de brûlures… Sans compter l’effet extrêmement polluant des fumées toxiques dégagées !» Se refusant à imaginer un réel impact sur le paysage : «même si l’effet peut paraître dérangeant, parler de «pollution» visuelle pour une installation qui dure un mois, il ne faut pas exagérer…» D’autant, souligne Lynn Marchive, «que si les bâches peuvent créer un décalage dans la végétation, de l’ordre de deux feuilles supplémentaires, cette avance disparait progressivement après débâchage et en un mois, on ne voit plus rien…» Seule ombre au tableau, son coût, de l’ordre de 0,90 € du m2, mais là encore, la vigneronne de Chablis argumente positivement : «utilisées dans de bonnes conditions, après avoir notamment, protégé les piquets de sorte que la toile ne s’arrache pas, les bâches ont une durée de vie pouvant atteindre quinze ans et leur financement peut s’étaler dans le temps…»

Une enveloppe d’un million d’euros
Nouvellement arrivé à la Chambre d’agriculture de l’Yonne, Guillaume Morvan avait en 1997, rédigé un rapport sur les toiles «Orgel», dont l’efficacité venait de faire ses preuves, après plusieurs épisodes de gelées tardives au mois d’avril : «nous avons pu observer, sous les différentes toiles, moins de 5% de bourgeons gelés et constaté que dans les parcelles ayant des bourgeons sous toile, le contre-bourgeon était reparti très vite et portait une belle grappe…» Tout en reconnaissant que leur mise en place nécessitait un soin extrême et que le débâchage réclamait également de l’attention pour ne pas fragiliser les talles, le tout jeune technicien d’alors était en mesure, après deux ans d’expérimentation, de dresser ses premières conclusions : «jusqu’à - 6°C, les toiles fonctionnent correctement»
Les démarches engagées récemment par le SDAC*, conjointement avec la CAVB*, auprès de l’INAO* afin de relancer l’utilisation de bâches antigel seront-elles couronnées de succès ?

Réponse dans quelques mois, voire quelques semaines. La région pour sa part, s’est dite prête à s’engager rapidement, pour contribuer financièrement à leur mise en œuvre, dans le cadre d’un plan global d’aide à la viticulture d’un million d’€, pour tester différents modèles de protection.

*SDAC : Syndicat de Défense
de l’Appellation Chablis
*CAVB : Confédération des Appellations
et des Vignerons de Bourgogne
*INAO : Institut National de l’Origine
et de la Qualité