Gastronomie
Les produits tripiers à l'honneur

Chloé Monget
-

Portée par Interbev, la 22e édition de « Novembre, le mois des produits tripiers » a réuni plus de 10 000 artisans partout en France pour mettre ces mets à l'honneur ; dans la Nièvre deux restaurateurs ont participé.

Les produits tripiers à l'honneur
Ici une préparation d'Eric Conan. Retrouvez les idées de recettes sur https://www.produitstripiers.com/recettes/

Pour la 22e édition de l’opération « Novembre, le mois des produits tripiers », la thématique retenue était Blind Tripes, ou comment explorer de nouvelles pistes pour remettre les produits tripiers au goût du jour tout en limitant le gaspillage alimentaire via la valorisation de ces morceaux. Au total, près de 10 000 artisans se sont mobilisés dans tout l’Hexagone, dont deux restaurateurs dans la Nièvre : Dominique Fonseca (Le Coq Hardi à Pouilly-sur-Loire) et Éric Conan (Le Cépage à Corbigny).

Ces deux restaurateurs nivernais participent au mois des produits tripiers depuis le début. « Il est nécessaire de montrer que l’on peut tout valoriser, en travaillant ces morceaux qui ont tant à offrir » souligne Dominique Fonseca. Et Éric Conan d’ajouter : « j’aime prendre part à tous les événements qui font un peu bouger les choses, tout en mettant en avant le savoir-faire des métiers de bouche et des éleveurs via des produits de qualité ». Même si depuis une quinzaine d’années, leur engagement est intact pour la mise en avant de ces produits tripiers lors du mois dédié ainsi qu’au quotidien (comme ces mets sont à leurs cartes), ils pointent des freins à leur démocratisation. « Par méconnaissance et perte d’habitude, le grand public a un certain dégoût pour ces morceaux. Pour ma part ce sont de souvenirs d’enfance… le tripier sur le marché, j’y pense encore ! » explique Dominique Fonseca. « Les gens ont perdu le sens de la cuisine à l’ancienne, où les plats mijotaient pendant des heures… Les bouchers également ont leur part de responsabilité, je pense qu’ils ne mettent pas assez ces produits en avant dans leurs étals ou dans leurs échanges avec les clients ».

Pour Éric Conan, « si dans une famille nous sommes le seul à aimer ces produits tripiers, souvent on se prive car on ne va pas en faire que pour soi. De plus, tout doit aller vite aujourd’hui, et on ne prend plus le temps de préparer les repas comme dans le temps. Cela pourrait être intéressant de voir ces produits en Grande ou Moyenne Surface en plats prêts à consommer afin de les faire découvrir au plus grand nombre. Mais il semble que la volonté de ces enseignes ne soit pas encore là ».

Prendre le temps

Outre ces points, ces produits sont des morceaux un peu particuliers à préparer. « Un produit tripier s’accompagne toujours de quelque chose. Donc, il faut soit une sauce ou des légumes. Ce qui rajoute du temps à la préparation. Par exemple, on peut les servir avec un fond de veau. Mais, pour ce dernier (un vrai préparer avec des os) il faut environ 24 heures de préparation. Oui, les produits tripiers demandent du temps ! ». De plus, ces produits ont une conservation assez courte, il faut donc les consommer rapidement. « Tout cela mis bout à bout fait certains peuvent être découragés avant d’avoir commencé » souligne Dominique Fonseca. Éric Conan rappelle quant à lui que « pour un pied de cochon, il faut 48 heures de travail… entre le désossage, le rinçage, le moulage ou encore la cuisson. Difficile de se lancer dans ce type de préparation en rentrant du boulot ! ».

Comment attirer

Il est indéniable que ces produits offrent une multitude de saveurs, à condition d’être prêt à prendre du temps à les préparer. Et pour séduire les papilles, l’esthétisme des plats a également son importance. « On doit un peu brouiller les pistes » admet Éric Conan. « Pour ma part, je propose les pieds de porc panés et complètement désossés. Déjà, pour la nouvelle génération, la panure est un rappel à l’enfance ; avec les poissons panés notamment. De plus, le fait qu’il n’y ait plus aucun os permet de faciliter la dégustation. Le tout rassure le client ». Dominique Fonseca propose, lui, d’associer la terre et la mer. « Outre les pâtés de tête de porc, je propose le pied de porc ou de veau en crépinette, accompagné d’une persillade. Pour la tête de veau, elle est servie soit comme une entrée avec des Saint-Jacques, du poulpe ou du saumon ou en plat avec des morilles. Je trouve que ces alliances permettent de donner un petit côté exotique aux produits tripiers. Cela éveille la curiosité gustative des clients et montre à quel point ces produits sont modernes ».

Pour faire rentrer ces morceaux dans les cuisines des particuliers, Dominique Fonseca conseille de commencer par « une joue de bœuf qui peut se préparer comme une daube (à l’image d’un bourguignon), ou par une tranche de cœur qui se fait cuire comme un steak. Il faudra juste préparer une petite sauce pour aller avec ou les servir en bolognaise, cela peut en surprendre plus d’un ! ». Pour Éric Conan « on peut également tenter la préparation des produits tripiers avec la langue de veau ou de porc en vinaigrette ou en gelée. Mais dans tous les cas il faut aimer cuisiner ; car sans passion pas de cuisine ».

 Des temps difficiles
La tête de veau aux Saint-Jacques de Dominique Fonseca. Crédit photo : Dominique Fonseca.

Des temps difficiles

Le mois des produits tripiers était aussi l'occasion pour Dominique Fonseca et Éric Conan d'évoquer la hausse des prix de ces dernières années sur des produits « qui ne sont pas ou peu valorisés pour la consommation humaine », selon eux. Dominique Fonseca insiste : « même si ces morceaux sont plus fins que les autres, ces augmentations sont hallucinantes. Il faut bien comprendre que nous, restaurateurs, avons des soucis face à la flambée des charges. La gastronomie française est un fleuron du pays, mais si rien n'est fait il n'en restera plus grand-chose ». Éric Conan détaille : « pour ne donner qu'un exemple, le prix du pied de porc a doublé en dix ans. Sachant qu'une fois le produit préparé, nous avons perdu 60 à 70 % de sa masse... Nous sommes ravis si les éleveurs peuvent mieux vivre, mais il faut également penser aux autres acteurs de la filière qui, eux, ont encore du mal à voir le bout du tunnel ».