Les jardins du Kindsgass à Wangen (Bas-Rhin)
Agrumes rustiques, asiminiers, kakis : une pépinière particulière

Anne Frintz
-

Agrumes rustiques, asiminiers, kakis, pommes à chair rouge, amandes… les arbres de tous ces fruits sont adaptés au climat alsacien. Sébastien Hullar et Jules Schnur s’emploient à développer 18 espèces de fruitiers, dont la moitié sont plutôt rares sous nos latitudes, et des variétés originales, dans leurs jardins du Kindsgass à Wangen (67).

Agrumes rustiques, asiminiers, kakis : une pépinière particulière
Sébastien Hullar (à gauche) et Jules Schnur greffent des variétés d’agrumes rustiques résistant aux froids alsaciens. Les tiges croissent à l’abri du gel, tout de même dans une serre bioclimatique en torchis faite « maison ». (Photo Anne Frintz).

« De mi-février à mai, on greffe. Puis on plante les arbrisseaux dans un champ de 200 m2, en pleine terre : 800 arbres, espacés de 25 cm, sur quatorze rangs. On arrose, on désherbe, on gère les maladies, les ravageurs. Fin novembre ou début décembre, lorsque les arbres ont perdu leurs feuilles, on arrache les arbres. Cette précision est importante, car tant que l’arbre est en feuilles, la photosynthèse, qui lui permet de faire des réserves de sucre pour l’hiver, a lieu. Déracinés, les arbres vont alors en jauge dans le sable, jusqu’à ce qu’ils trouvent preneurs. Ils sont vendus en racines nues avant Noël. Puis on redémarre un cycle en février, avec le greffage, et ainsi de suite », explique d’emblée Jules Schnur, 35 ans. Ce formateur en permaculture facture ses heures de travail à son ami Sébastien Hullar, le microentrepreneur des jardins du Kindsgass, à Wangen. Sébastien Hullar est cheminot à la SNCF à 80 %. Il a 42 ans.

70 % racines nues, 30 % pots

Les deux compères sont officiellement pépiniéristes depuis 2024 et la création de l’entreprise qui leur permet de commercialiser leurs tiges. Ils sont spécialisés dans la multiplication de variétés rares et les agrumes exotiques adaptés aux climats alsaciens. Ces derniers se développent en pot l’hiver, sous une serre bioclimatique en torchis construite par Sébastien Hullar, le plus bricoleur des deux copains. Il a aussi créé une ombrière pépinière à pots en extérieur, pour les figuiers, les asiminiers (une espèce de mangue) et les agrumes l’été. 70 % de la production des jardins du Kindsgass sont des plants en racines nues, 30 % sont des plants en pot. Au total, 18 espèces de fruitiers et une centaine de variétés sont multipliées à Wangen, dans les 23 ares de terres argilo-limoneuses, à tendance hydromorphes des jardins du Kindsgass, du nom du lieu-dit. La moitié des sols est en production. Ils sont nourris grâce au couvert végétal qui est broyé et laissé à la terre. Aussi, une année est dédiée à la culture de ces engrais verts, l’autre à celle des arbres. Sébastien Hullar et Jules Schnur proposent vingt variétés de pommes, dix à quinze de poiriers et autant de pruniers, pour les plus classiques. « Les pommiers sont les derniers à être sortis de terre, généralement. On a arrêté de se fier à la Sainte-Catherine pour procéder à cette opération car, avec le changement climatique, les saisons sont décalées, ajoute Jules Schnur, passionné. Les anciens suivent, même s’ils sont bousculés. On essaie d’ailleurs aussi de réhabiliter les vergers non entretenus ici. Certains amateurs reviennent sur leurs parcelles. On a redynamisé un peu le coin ». Outre ces visites, Sébastien Hullar et Jules Schnur reçoivent leurs clients qui ont en général plus de 45 ans.

En quête d’originalité

« Nous travaillons pour les particuliers, les collectivités et les associations, pour tous ceux qui recherchent l’originalité et la diversité… Et à être autonomes en fruits ! Les communes de Marlenheim et Wangen sont clientes. Elles ont pris une dizaine d’arbres cette première année de production. On ne cherche donc pas à cultiver de hautes tiges, qui seront plantées en plein vent. Nous ne multiplions pas pour des vergers professionnels », précise Sébastien Hullar. Kakis, asiminiers, kumquat, baies de Goji (car il y a aussi des petits fruits), etc. : Jules Schnur et Sébastien Hullar s’essaient à leur multiplication, depuis déjà trois années. Ils étaient voisins de jardins familiaux et ont rapidement été victimes de leur succès. « On voulait créer un jardin-forêt, pour nous, pour éviter de désherber. Mais avec nos fruitiers sortant de l’ordinaire, on a eu plein de demandes. Trop ! La famille, les amis, les amis d’amis, nous ont pressés d’avoir des plants, parce que nous nous intéressons à des variétés et des espèces qu’on ne trouve pas encore chez les grands pépiniéristes », explique Sébastien Hullar… qui a beaucoup cherché ! Henri Trog, le président de l’association des arboriculteurs de Preuschdorf et environs, et Jean-Michel Obrecht, célèbre maraîcher à Handschuheim, entre autres, leur ont donné des plants, à multiplier. Du premier viennent les agrumes rustiques qui supportent des températures négatives, jusqu’à - 20 °C pour le poncirus (un citronnier), par exemple.

Avec le jardin botanique de Strasbourg

Sébastien Hullar et Jules Schnur démarrent une collaboration avec le jardin botanique de Strasbourg qui leur permet de multiplier des espèces lui appartenant : grenadier, figuier, jujubier, poire de Bollwiller, entre autres. Le verger conservatoire de Westhoffen et l’association arboricole des sous-coteaux du Schneeberg, à Romanswiller, coopèrent avec les jardins du Kindsgass depuis leurs débuts. Forts de tous ces partenariats et du soutien de leur clientèle, les pépiniéristes de Wangen osent voir plus grand. « En trois mois, cette année, nous avons vendu 60 % de notre production alors que nous nous lancions à l’aveugle, quant aux attentes des clients. Aux portes ouvertes de fin septembre, certains agrumes et tous les asiminiers sont partis. Avant Noël, il nous restait les espèces et variétés les plus familières. Nous ne connaîtrons le chiffre d’affaires qu’à la fin de l’hiver, mais l’objectif est d’arriver à dégager 30 000 euros par an, d’ici deux ou trois ans. Et nous aimerions vivre de notre activité de pépiniériste d’ici quatre ans », confie Sébastien Hullar.

Choix cruciaux

« Le porte-greffe est aussi important que la variété pour la réussite du plant. Nous cherchons des porte-greffes nanifiants pour réduire sa vigueur », souligne Jules Schnur. Sébastien Hullar les achète à Lodder, un producteur du nord de l’Allemagne. Les deux amis en sélectionnent soigneusement deux à trois différents par espèces fruitières.