Lutte contre le gel
Y voir clair dans les solutions possibles

David Bessenay
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De l’eau, du vent, des voiles, de la mousse, de la chaleur… des solutions existent pour protéger la vigne du gel, pas toujours parfaites, parfois onéreuses, parfois complémentaires. Concepteurs et distributeurs étaient réunis à Chaintré par le Vinipôle Sud Bourgogne, la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire et la FRCuma pour présenter leur dispositif lors d’une journée technique.

Y voir clair dans les solutions possibles
Les convecteurs Filpack peuvent être utilisés en complément de l'éolien.

Filpack / Des convecteurs à air chaud

Ce système d’origine autrichienne commence à s’implanter en France. Contrairement aux bougies, à usage unique, il s’agit d’un contenant en inox réutilisable, d’une durée de vie d’au moins 10 ans. Le principe : on insère des briquettes de bois compressé (issu de résidus d’un fabricant de bâtonnets de glace) à combustion lente, dans le convecteur. Les vignerons ont la possibilité d’utiliser un autre combustible (pellets par exemple) mais l’efficacité n’est pas la même selon David Chenu, responsable commercial de la société basée à Vitrolles (13). Le feu démarre à l’aide d’allume-feu et de petits bois, comme un barbecue. Un sac de 10 kg (2,90 €) de bois compressé se consume en 3 heures. Pour une couverture d’une nuit, il faut donc en insérer deux. Il existe deux réglages qui permettent de choisir entre une combustion plus ou moins longue. Ce système dégage peu de fumée. Le gain en température est d’environ deux degrés selon les conditions extérieures (vent, humidité) et selon l’essence de bois utilisée. Il faut positionner un convecteur tous les 8 mètres. À raison de 50 € l’unité, la couverture d’un hectare revient à environ 1 100 €. Certains domaines utilisent ce système en complément de l’éolien. Le petit bémol, c’est l’obligation de stocker les convecteurs durant l’année.

Wine Protect / Une coque de protection simple à poser

Le système sans doute le plus simple : une coque de protection rigide qui épouse la forme du rang et du cep. La couleur a été choisie pour emmagasiner de la chaleur durant la journée. L’avantage numéro un de ce système, c’est qu’il n’a recours à aucune énergie et qu’il ne dégage aucune nuisance olfactive ou sonore. Fabriquées à Pau (64), ces coques d’une durée de vie de 25 ans sont en plastique recyclé et recyclable. Les dimensions et la forme sont calculées pour ne pas endommager les bourgeons, et elles n’empêchent pas non plus le passage des machines pour le travail du sol. Il existe (pour l’instant) une seule taille disponible (80 cm de long x 30 cm de haut). On peut le laisser en place 15 jours sans incidence pour le développement de la vigne (et notamment le débourrement) assure le concepteur. Pas besoin non plus de veilles nocturnes stressantes. Il faut compter une journée à 4 personnes (non expérimentées) pour couvrir un hectare. La dépose est beaucoup plus rapide. Ce système protège les vignes jusqu’à – 5 °C, résiste aux rafales de vent jusqu’à 70 km/h et reste conforme aux cahiers des charges de l’Inao. Le coût ? Selon le volume commandé, entre 6,80 et 8,50 € l’unité. Généralement, il est commercialisable par palette de 150 unités. Il sera bientôt en vente en ligne.

Tow et Blow – Faupin / Éoliennes mobiles

Proposées par le constructeur bourguignon, ces éoliennes mobiles sont une solution de protection contre le gel, y compris dans les vallées et coteaux. Le point fort de cet outil, c’est l’inclinaison du groupe ventilation et l’oscillation horizontale de la tête du ventilateur qui peut assurer une rotation à 360 degrés. Les techniciens peuvent vous aider à établir un plan de rayonnement selon la pente et définir les meilleurs réglages (angle, hauteur, etc.) pour s’adapter à la configuration du terrain. Elle s’installe à l’orée d’une parcelle, dans les rangs de vignes, attention donc à l’amplitude au sol. Il faut compter facilement 3 ou 4 mètres de large une fois les pieds dépliés. Le constructeur propose deux puissances différentes : 250 H et 650 H (des investissements respectifs de 45 000 ou 60 000 € qui peuvent se réfléchir en copropriété, notamment en Cuma). La première couvre 4 ha, la seconde, 6. Ces éoliennes sont annoncées silencieuses (55 décibels à 300 mètres), mais si vous vous tenez juste à côté, on ne vous garantit pas de pouvoir bavarder en toute quiétude. Le moteur diesel de 200 litres possède une autonomie de 10 heures. Il existe une possibilité de démarrage et d’arrêt automatique (déclenché selon les températures). Vous pouvez aussi surveiller votre éolienne à distance sur votre téléphone ou votre ordinateur et changer de mode si besoin. À pleine puissance la vitesse atteint 128 km/h. Notez que cet outil est parfois utilisé pour sécher les fruits avant récolte.

Aquagreen Protect : Nouveauté : une mousse isolante Biogel.

Stéphane Franc est originaire du Doubs. Il travaille sur ce projet depuis un an et demi. « Je suis en mode start-up, j’attends des investisseurs pour développer la solution à grande échelle », explique-t-il. Cette solution est une mousse isolante projetée sur les ceps grâce à un pulvérisateur à air comprimé : « ça peut se brancher sur un tracteur, sur une prise de force ». « Ça ressemble à de la meringue mal cuite » s’amusent les vignerons en tâtant le produit. Les ingrédients de cette mousse ? C’est le secret du fabricant. « Bien entendu, ce n’est pas polluant pour le sol ni dangereux pour la vigne, rassure l’inventeur. Il y a même un ingrédient qui renforce la plante face au stress abiotique ». Les recettes continuent d’ailleurs d’évoluer. « Pour l’instant, on assure une protection de 19 heures, j’ai bon espoir que cela soit beaucoup plus avec la prochaine recette ». C’est une solution adaptée pour des températures allant de – 2° à - 4°. Il faut compter 25 kg/ha de produit (qui se mélange à l’eau). Le coût de fonctionnement est très variable, 500 à 2 000 € /hl selon la recette choisie, la densité de plantations et selon le volume de produit épandu. « On peut faire un seul passage, ou deux pour renforcer la protection et se rapprocher du – 4 °C ». Selon l’équipement, il faut entre une et cinq heures à l’hectare pour couvrir ses vignes. En effet, les modèles de pulvérisateurs, développés également par Stéphane Franc, peuvent travailler sur 1 à 6 rangs. Cette solution peut intéresser les exploitations qui n’ont pas les moyens d’investir dans des infrastructures lourdes. « Je cherche des vignerons pour poursuivre mes essais ce printemps » lance-t-il en guise d’appel. Stéphane Franc assure qu’un vent raisonnable ne nuit pas à la pulvérisation. Autre interrogation : quelle sera la réaction du public en voyant les ceps de vigne badigeonnés de cette substance blanchâtre ?