Flora et Timothé, travailleurs saisonniers
Au fil des saisons à bord de leur camion-maison

Chloé Monget
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Si les CDI attirent certains travailleurs, pour d’autres ce contrat est un carcan. Pour s’en débarrasser et assurer des emplois saisonniers partout en France, Flora et Timothé se lancent dans un projet spécifique : Heimlich.

Au fil des saisons à bord de leur camion-maison
Flora Rocher, Timothé Angelot et Heimlich en arrière-plan.

Flora Rocher, 27 ans, et Timothé Angelot, 26 ans, sont d’accord : « nous voulons pouvoir travailler quand et où on le souhaite ». Ils ne souhaitent pas « passer leur vie à travailler mais bien travailler pour vivre un peu mieux. Nous n’avons pas besoin de grand-chose pour être heureux ». Ainsi, et avec une envie de voyage ancrée en toile de fond de leur parcours, ils ont décidé de se diriger vers les travaux saisonniers – toutes productions agricoles confondues et plus encore. Afin d’être les plus mobiles possible, sans dépenses importantes dédiées au logement, ils ont décidé de créer un camion/maison nommé par leurs soins Heimlich (en hommage à un personnage du dessin animé « 1001 pattes »). Prisé des saisonniers ce mode de vie nomade a d’ailleurs fait l’objet d’une étude (1).

Au départ

Afin de comprendre les raisons de ce choix, il faut revenir en 2020. À l’époque Flora suit des études à Nîmes et habite à proximité de son école. « J’utilisais ma voiture principalement le week-end et la stationnais pour la semaine au même endroit – sans aller la voir. Manifestement mal garée, elle a reçu des amendes durant 7 jours. Comme tous les étudiants je ne roulais pas sur l’or et j’ai dû contracter un prêt pour payer une partie du montant – le reste ayant été annulé grâce à une remise gracieuse ». Avec malgré tout, un sentiment d’injustice, elle avait en tête de disparaître complètement du système. « On se rend vite compte que se couper totalement du monde est impossible. Du coup, on trouve des moyens pour être le plus libre possible ».

Déjà en couple depuis 6 ans avec Timothé, elle discute avec lui de ces péripéties. Et connaissant d’autres personnes vivant en van ou camion, ils se laissent convaincre par ce mode de vie. S’en sont suivies 4 années de réflexion. « Nous devions réunir les fonds, et chercher la perle rare que nous avons trouvée dans les alentours de La Rochelle en août 2022 ». Ainsi, ils font l’acquisition d’un ancien camion de la médecine du travail pour environ 20 000 euros. Ironie du sort, Flora a refait un prêt pour cet achat : « cela m’ennuie de repartir dans ce principe, mais je ne voulais pas attendre pour réaliser notre rêve ». Impatients, ils n’en restent pas moins lucides : « avant de nous lancer nous voulions avoir quelques connaissances » stipule Timothé.

Miser sur la différence

En effet, n’ayant jamais été saisonniers, ils ont suivi une formation tractoriste au Legta de Cosne et souhaiteraient participer à celle dédiée à la taille de la vigne en fin d’année. « Il faut que le camion soit terminé d’ici-là pour pouvoir nous installer à proximité du centre de formation ». Pour eux, ces formations sont indispensables pour parfaire leurs compétences et « être les plus polyvalents possible pour trouver du travail n’importe où ». Avec déjà un pied dans l’agriculture, Flora va être, durant un mois, conductrice de poids lourds à Arzembouy pour les moissons. De son côté Timothé, qui lui est mécanicien automobile, souhaite se rediriger sur la mécanique camio et tracteurs et aussi passer son permis C (poids lourds) afin de pouvoir conduire Heimlich. « Nous ne nous interdisons rien car nous sommes curieux de tout ».

Pour la suite, Flora ne sait pas si elle abandonnera un jour la vie nomade. Pour Timothé c’est un peu différent : « je ne me vois pas dans un camion à 55 ans… je pense qu’à un moment on souhaite se poser quelque part. Mais je ne connais pas l’avenir donc on verra bien ! ». En attendant, ils espèrent beaucoup de ce nouveau projet avec Heimlich : « peut-être que le partage de notre expérience donnera des idées à d’autres et fera s’effacer certaines barrières. Si nous pouvons aider, nous répondrons présents ! ». Mais, avant de se lancer sur les routes, il reste encore du travail pour transformer Heimlich en maison. Affaire à suivre prochainement…

Note : (1) https://journals.openedition.org/ethiquepublique/7496