« 2025 sera une année charnière »
Le 28 mai, à Paris, l'Association générale des producteurs de blé (AGPB), a fait un point sur les perspectives à envisager pour le blé français dans les années qui viennent. Elle a aussi célébré son centenaire à cette occasion.

Après une séquence que l’on peut qualifier d’historique et mémorielle, au cours de laquelle les chercheurs Sébastien Abis et François Purseigle ont rappelé les efforts de l’agriculture et des céréaliers au sortir de la guerre pour nourrir les populations, Yves Madre, agronome et économiste pour le compte du réseau Farm Europe, a souligné la nécessité de retrouver le chemin de la production. Selon les projections de la FAO, il faudra 13 % de céréales en plus d’ici 2030 et 25 % d’ici 2050 pour nourrir la population mondiale en pleine croissance démographique. L’Europe et la France ne peuvent pas et ne doivent pas passer à côté de cette opportunité, ont martelé les différents intervenants (anciens ministres, chercheurs, présidents d’OPA, experts). Encore faudrait-il réduire la pression des normes sur les moyens de production, a estimé Carole Hernandez-Zakine, docteure en droit de l’environnement. « C’est un mur de normes auxquels les agriculteurs et les céréaliers font face », a-t-elle affirmé, très remontée contre les députés de la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale.
S'asseoir sur le « principe d'intérêt général majeur »
En effet, lors de l’examen de la proposition de loi Duplomb, ils ont supprimé plusieurs dispositions sur l’eau, occultant ainsi le « principe d’intérêt général majeur » reconnu quelque temps plus tôt dans la loi d’orientation agricole. « C’est un scandale », a-t-elle lancé. Le président de l’AGPB, Éric Thirouin, ressent cette « lame de fond depuis dix ans » et s’inquiète à l’aune de ce tombereau de réglementations que l’on « planifie la liquidation de l’agriculture française ». Sur le même registre, Pierre Pagès, président de l’interprofession semences (Semae), a demandé que l’Europe libère l’accès aux NGT/NBT pour les agriculteurs français et européens, car « nos concurrents (Chine, États-Unis, Inde, Amérique du Sud, ndlr…) les utilisent déjà », leur procurant un véritable avantage concurrentiel. Dans une intervention vidéo, le commissaire européen à l’agriculture, Christophe Hansen, s’est voulu rassurant et a indiqué qu’à la fin de l’année 2025, les agriculteurs européens devraient pouvoir accéder aux biopesticides. Même si cette perspective semble recueillir l’assentiment d’Éric Thirouin, celui-ci s’inquiète des intentions de la présidente de la Commission européenne qui, par la fusion du budget de la PAC dans le budget général (une proposition examinée le 16 juillet), « détricote la PAC et dévoie son essence même (…) Ce dogmatisme détruit nos productions », a-t-il lâché, n’excluant pas de se mobiliser dans les semaines qui viennent. « Je m’engage à vous débarrasser de cet enchevêtrement kafkaïen des normes », lui a répondu la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard.
Organisation mondiale des céréales ?
Pour le président des céréaliers, « l’année 2025 sera une année charnière car elle doit permettre de développer une vision basée sur l’agronomie et l’économie au service des hommes, pour produire plus, produire mieux, créer de la valeur, de la richesse, des emplois et faire vivre nos familles ». À l’image de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, il lance l’idée d’une organisation mondiale des céréales. Celle-ci réunirait les principaux pays producteurs et exportateurs et pourrait ainsi contrôler la production de céréales pour influencer les prix mondiaux, assurer des revenus stables aux pays producteurs et garantir un approvisionnement régulier pour les pays importateurs/consommateurs. « La Russie, l’Ukraine et le Kazakhstan y ont déjà réfléchi il y a dix ans », a noté Sébastien Abis. Dans tous les cas, « il faudra rendre l’impossible possible » a conclu Éric Thirouin.
100 ans pour l'AGPB
L'AGPB a été créée par trois hommes clés : l’ancien ministre de l’Agriculture et ancien président du Conseil, Jules Méline (1838-1925), Fernand David (1863-1927) qui était ingénieur agronome et ancien ministre de l’Agriculture. Tous deux ont été accompagnés dans leur démarche par Joseph Faure (1875 – 1944). Ce dernier a été sénateur de la Corrèze (1921-1939) et a joué un rôle déterminant dans la création des Chambres d’agriculture en 1924. Il a présidé l’Assemblée permanente des Chambres d’agriculture de 1927 à 1940.