Eau
Une délégation parlementaire dans la Nièvre sur la question de la gestion de l'eau

Berty Robert
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Réfléchir aux usages de l’eau et à l’impact économique des évolutions nécessaires à venir face aux menaces qui pèsent sur cette ressource : c’était tout l’objet du voyage en terre nivernaise que le député de la seconde circonscription du département, Patrice Perrot, a organisé, les 15 et 16 mai.

Une délégation parlementaire dans la Nièvre sur la question de la gestion de l'eau
Patrice Perrot (à droite) et les cinq députés qui l'accompagnaient sur ce voyage : René Pilato (Charente), Nicole Le Peih (Morbihan), Stéphane Vojetta (Français de l'étranger), Eric Martineau (Sarthe) et Frédéric Descrozaille (Val-de-Marne).

Au-delà de son mandat de député de la seconde circonscription de la Nièvre, Patrice Perrot est aussi rapporteur de la mission d’information sur la gestion de l’eau pour les activités économiques, lancée en novembre par la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale. Les 15 et 16 mai, accompagné de cinq autres parlementaires (voir encadré) il a organisé un tour d’horizon des problématiques de gestion de l’eau dans plusieurs secteurs économiques : l’industrie, le tourisme, le nucléaire et, bien sûr, l’agriculture. « Jusqu’à présent, explique Patrice Perrot, nous n’avions jamais eu d’approche de la gestion de l’eau sous l’aspect économique. Cela intervient dans un contexte d’engagements forts en termes de réindustrialisation, de souveraineté alimentaire, de relocalisation de certaines productions. J’ai voulu qu’on vienne dans le Sud nivernais parce que je sais qu’ici, il y a des modèles qui me paraissent vertueux. Concernant l’agriculture, le but est de nourrir la réflexion sur la manière dont on peut faire évoluer les modèles, et sur les investissements nécessaires ».

Une exploitation en constante évolution

Pour illustrer le volet agricole, rendez-vous était donné, le 15 mai, au Gaec Renier, à Charrin. On est ici à quelques encablures du cours de la Loire, sur des sols plutôt sablonneux et l’exploitation agricole dans laquelle sont impliqués Alain Renier et ses deux fils, Alexis et Léo, dispose de forages et a recours à l’irrigation. En constante évolution depuis une trentaine d’années, ce Gaec se sécurise notamment sur les fourrages de qualité, grâce à l’irrigation. On y cultive du maïs sur 150 ha et une partie de ses terres est située en zone inondable. Alain Renier l’affirme sans ambages : il n’aurait pas pu développer sa structure de la même manière (voir encadré) sans le recours à l’irrigation depuis 1996. Impliqué dans l’élevage et l’engraissement de bovins charolais, l’agriculteur et ses deux fils commercialisent chaque année entre 450 et 500 bovins par le biais de Sicarev Coop, en filières Label Rouge, C’est qui le patron et Charolais de Bourgogne. À cela s’ajoute la vente en direct de 18 vaches par an. L’ensemble de la structure agricole familiale a connu d’importantes évolutions ces deux dernières années avec la mise en service de bâtiments photovoltaïques pour le stockage de fourrages et d’animaux en stabulation, l’installation d’un point de vente directe pour la viande mais aussi les légumes : la compagne d’un des fils d’Alain Renier s’est installée en maraîchage bio.

L’irrigation, élément central

Dans cet ensemble, l’irrigation tient une place centrale : « c’est un moyen pour nous, explique Alain Renier, de sécuriser le système fourrager, afin d’assurer une alimentation régulière, de qualité et avec des coûts maîtrisés. Tout cela avec, en ligne de mire, un projet de développement de notre activité d’engraissement avec Sicarev Coop qui nous propose des contrats d’engraissement sécurisés sur 9 ans (3 ans renouvelables trois fois). Nous voulons développer l’irrigation avec pivot qui garantit une consommation d’énergie et d’eau plus faible que les enrouleurs, notamment parce que la pression de l’eau n’y est que de 1 bar, contre 7 à 8 bars avec enrouleurs ». Alain, Alexis et Léo Renier tentent ainsi de conjuguer performance économique, environnementale (assolement diversifié, cultures fixatrices d’azote, captage de carbone avec des haies et des prairies et autonomie maximale pour l’alimentation du troupeau) et aussi sociale avec six personnes qui travaillent sur l’exploitation et la production de maïs fourrage pour 10 à 15 exploitations des alentours lors des années de sécheresse. La rencontre au Gaec Renier aura été le théâtre d’échanges entre les parlementaires et plusieurs représentants du monde agricole (Florent Point, président JA BFC, Didier Ramet, président de la Chambre d’agriculture, la FDSEA 58, Thibault Renaud, JA 71…). De ces échanges il ressortait en particulier des attentes pour une prise en compte plus précise et plus localisée des besoins en eau pour l’agriculture et donc des éventuelles restrictions. Le monde agricole estime que les spécificités territoriales, à l’échelon d’un département, ne sont pas suffisamment intégrées dans les réflexions sur ces sujets. Préserver les besoins en irrigation doit aussi se faire en concertation avec les collectivités afin de conserver les équilibres entre eau potable et activité agricole. Florent Point insistait sur la nécessité, pour les agriculteurs, d’être représentés et de faire entendre leur voix au sein des instances de décision de ces collectivités et des Commissions locales de l’eau (CLE). Enfin, les agriculteurs présents ont expliqué la nécessité de laisser se développer des projets de stockage de l’eau qui n’aurait pas qu’une finalité agricole mais qui seraient pensés pour des usages multiples. De quoi fournir de précieux éléments de réflexion à la mission d’information emmenée par Patrice Perrot qui remettra son rapport le 20 juin.

Six députés sur le terrain

En plus de Patrice Perrot, député nivernais, la délégation était composée des députés suivants :

- Frédéric Descrozaille, député du Val-de-Marne

- Nicole Le Peih, députée du Morbihan

- Éric Martineau, député de la Sarthe

- René Pilato, député de la Charente

- Stéphane Vojetta, député des Français d’Espagne

Une exploitation multiforme

Alain Renier s’est installé en 1988 avec 80 ha et 28 vaches. Sa structure actuelle, où l’irrigation est utilisée depuis 1996, exploite 206 ha et réalise de l’engraissement de mâles et de femelles en bovins charolais. Il est associé avec l’un de ses fils, Alexis, au sein d’une EARL créée en 2014, qui irrigue depuis 2015 et qui exploite 294 ha avec 140 vêlages. À cela s’ajoute la SCEA de la Baulme où se trouvent associés Alain Renier et ses deux fils, Alexis et Léo. Cette structure travaille sur 255 ha, réalise 120 vêlages par an, exploite un atelier d’engraissement, pratique la vente directe et irrigue, elle aussi, depuis 2017. Léo Renier s’est, lui, installé en 2017 et irrigue depuis 2019. Le père et ses deux fils ont créé en 2017 une Entreprise de travaux agricole (ETA), ils sont aussi associés au sein d’un Groupement foncier agricole (GFA) et enfin, dans la SAS Renier Solaire, pour de la production photovoltaïque.