Loup
Un constat de profond désaccord sur la manière de comptabiliser les individus
Plusieurs organisations professionnelles agricoles ont manifesté leur mécontentement en quittant la réunion du groupe national Loup qui se tenait début juillet à Lyon.
Le nombre de loups présents en France cette année est « clairement sous-évalué » par les pouvoirs publics estiment les organisations agricoles : la FNSEA, JA, Chambres d’agriculture France, la FNO, la FNB, la FNC (cheval). Elles ont claqué la porte de la réunion qui s’est tenue le 3 juillet à Lyon. La préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Fabienne Buccio, et le préfet référent national sur la politique du loup, Jean-Paul Celet, ont annoncé une baisse de la population de canidés de 921 têtes en 2022 à 906 à la sortie de l’hiver 2023, soit un repli de 1,6 %. Ce chiffre, les OPA le réfutent avec véhémence et le considèrent comme « une provocation de plus et un mépris du travail des éleveurs ». D’abord parce que cette estimation repose sur un nombre d’indices (empreintes, déjections, poils…) fournis par l’Office français de la biodiversité (OFB) très en retrait par rapport à l’année précédente. « Près de 1 000 en moins », estime Bernard Mogenet, président de la FDSEA des deux Savoie et référent loup pour la FNSEA. « Si on collecte moins d’indices, on a un chiffre qui baisse », renchérit Édouard Pierre, éleveur et président des JA des Hautes-Alpes.
Des constats en hausse
Ensuite, parce que les éleveurs observent de plus en plus de canidés sur le terrain et ils voient les attaques et les dommages du loup nettement progresser. « Le nombre de constats après les attaques du prédateur sur les troupeaux a augmenté de 16 % à la fin mai par rapport à l’année précédente, et les dégâts sur les troupeaux de 20 % bien au-delà des régions historiques où le loup avait fait son retour à la fin des années 1990 dans le Sud-Est », observe Bernard Mogenet. Les éleveurs prouvent leur argumentation. En Haute-Savoie, un comptage réalisé par des éleveurs et des chasseurs bénévoles sur la base d’indices objectifs validés par l’OFB, aboutit à une estimation de 80 à 100 têtes. « Soit le double de la population officielle du département », fait remarquer le responsable. Une démarche identique conduite dans la Drôme confirme ce constat. « Cela montre le désengagement de l’État à se doter des moyens d’effectuer un comptage réel de la population des loups. Cette carence bénéficie au loup au détriment des éleveurs », déplorent les six organisations. Le loup serait désormais présent dans une soixantaine de départements, et des dégâts répertoriés dans 53. Le prédateur ne se contente plus des brebis et de leurs agneaux, il s’attaque désormais aux bovins et aux chevaux. Conséquence, « les zones prédatées sont délaissées par les éleveurs, ils sont obligés de rapatrier leurs troupeaux et de modifier leurs pratiques d’élevage ; d’un côté les espaces sont surpâturés, ceux qui sont abandonnés sont la proie des incendies », constate Claude Font, éleveur en Haute-Loire en charge du dossier prédateurs à la FNO.
Problèmes d’estimation
Si les éleveurs se focalisent autant sur le comptage des loups, c’est que cette estimation détermine le nombre maximum d’individus qui peuvent être abattus pendant la saison. Ainsi selon la formule du Plan national loup, 172 canidés pourront être prélevés cette année par les agents de l’OFB et par les éleveurs disposant d’une autorisation préfectorale de tirs, contre 175 l’an dernier. Le 3 juillet, les organisations professionnelles attendaient des annonces, ou du moins des orientations des pouvoirs publics sur le prochain plan loup pour la période 2024-2029. Celles-ci sont reportées au mois de septembre, en attendant l’arbitrage de la Première ministre entre la position du ministère de l’Agriculture, plus proche des éleveurs, et celle de la Transition écologique, plus à l’écoute des ONG. De leur côté les organisations professionnelles appellent les pouvoirs publics à se ressaisir et à préparer non pas un plan de protection du loup car sa population n’est plus menacée d’extinction, mais un plan de sauvegarde de l’élevage.
Questions sur le statut de surprotection
Elles plaident pour la mise en place d’un seul tir de défense, sans plafond de destruction, ainsi que pour l’autorisation pour les éleveurs et les chasseurs d’utiliser des lunettes à visée nocturne. Elles estiment également que les éleveurs ne doivent pas supporter l’entière responsabilité des accidents que pourraient provoquer les chiens de protection vis-à-vis des randonneurs et promeneurs. À plus long terme, comme l’espèce n’est plus en danger, c’est son statut de surprotection qu’il faudrait revoir dans le cadre de la directive européenne Habitats, et de la Convention de Berne qui protège les espèces en voie de disparition. En Autriche ou en Suisse, les éleveurs sont confrontés aux mêmes difficultés que les Français. En attendant, la FNSEA, JA, Chambres d’agriculture, la FNO, la FNB, la FNC demandent que les parlementaires (Assemblée nationale et Sénat) se saisissent de ce dossier délicat et qu’ils se prononcent sur le futur plan loup. Ce dossier est devenu éminemment politique et il ne doit plus être du ressort de la seule administration, estiment les organisations.