Restructuration des exploitations
Quel impact sur les bâtiments ?
Dans un contexte global de baisse de la démographie agricole, des exploitations sont rachetées par d’autres. Pour les agriculteurs concernés, se pose inévitablement la question de l’intérêt de conserver ou non les bâtiments de l’exploitation acquise.
C’est un fait sociologique et démographique indéniable : la France compte de moins en moins d’exploitants agricoles. Dans le secteur de l’élevage bovin, on constate aussi une baisse du cheptel, mais la courbe du nombre de têtes de bétails baisse moins vite que celle du nombre d’exploitants. Cela signifie que beaucoup de troupeaux sont repris par des voisins de l’agriculteur qui arrête son activité. Cette reprise d’exploitation se fait parfois en proximité, mais il peut aussi arriver que le repreneur soit éloigné : cela peut se traduire, d’une part, par des bâtiments délaissés dans l’exploitation reprise, parce qu’on n’en a tout simplement plus l’utilité, et la construction de bâtiment supplémentaires dans l’exploitation qui grossit et qui doit, elle, trouver de la place pour un plus grand nombre d’animaux. La restructuration à l’œuvre des exploitations agricole, notamment en élevage, est donc aussi synonyme de besoins en constructions neuves ou en rénovations de bâti ancien. Concrètement, ce mouvement de fond impacte la configuration du marché des bâtiments agricoles et le paysage économique qui en dépend.
Changement climatique, coût des reprises…
À la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or, Vincent Doal est un bon observateur de ces évolutions. Responsable du pôle Élevage, il détecte et décrypte ces « signaux faibles » qui disent pourtant beaucoup de l’évolution du paysage agricole français. « C’est intéressant à observer, explique-t-il, dans un mouvement global de restructuration des exploitations mais c’est aussi important de mettre cela en lien avec le contexte de changement climatique qui est le nôtre et qui implique aussi des adaptations de bâtiments d’élevage. Par exemple, la question de la nécessaire ventilation d’un bâtiment d’élevage quand celui-ci est ancien et très cloisonné se pose clairement aujourd’hui. De tels bâtiments peuvent ne pas être faciles à reprendre, dans le cadre d’une cession ». Il faut aussi prendre en compte le coût des reprises d’exploitations, qui ne baisse pas, avec des valeurs de reprise plus calculées sur le capital que sur la trésorerie. « Certains, poursuit Vincent Doal, se retrouvent à acheter des bâtiments anciens, inadaptés, et qui coûtent plus cher qu’une construction neuve qu’on pourrait construire en touchant des aides… Cela aussi encourage plutôt un repreneur à se tourner vers de la construction neuve plutôt qu’à conserver l’ancienne structure ».
Autres finalités
Ajoutez à cela les possibilités qu’offrent des toitures recouvertes de panneaux photovoltaïques qui permettent de financer en grande partie un bâtiment neuf et vous comprenez pourquoi, dans certaines restructurations d’exploitations, le bâti ancien n’intéresse pas trop, surtout lorsque l’acquéreur de l’exploitation ne dispose pas déjà d’une exploitation géographiquement proche de celle qui est reprise. C’est une question de rationalité professionnelle, il ne souhaite pas, en général, conserver plusieurs sites relativement éloignés et va plutôt faire le choix de tout centraliser sur sa propre exploitation. « Malgré cela, note toutefois Vincent Doal, on trouve peu d’anciens bâtiments agricoles totalement vides ou délaissés. Souvent ils sont revendus pour d’autres activités, notamment l’élevage équin. Et puis parfois, ces bâtiments trouvent une autre finalité : ils deviennent des abris pour les propriétaires de camping-car qui y louent un emplacement protecteur pour leur véhicule. C’est une source de revenu complémentaire pour l’agriculteur propriétaire ». Le technicien de la Chambre d’agriculture souligne, par ailleurs, que ces dernières années, beaucoup de bâtiments de stockage de fourrage se sont construits. « Cela correspond à la prise de conscience croissante d’agriculteurs de la nécessité de faire des stocks, en lien avec une logique croissante d’autonomie des exploitations d’élevage et de vigilance dans la gestion de ses stocks fourragers. C’est plutôt bon signe : un agriculteur m’a dit un jour qu’il préférait investir dans un bâtiment de stockage plutôt que de prendre une assurance fourrage ».
Amélioration des conditions de travail
Dernier aspect à prendre en compte : nous sommes dans une région où les élevages sont importants en nombre, et il faut donc des bâtiments de bonne taille où sur lesquels on fait des extensions. « Pour autant, nous ne sommes pas sur de l’élevage intensif. Certaines personnes, extérieures à l’agriculture ont tendance à un peu vite associer de grands bâtiments à de l’élevage intensif ou industriel mais, dans notre région, cela ne se vérifie pas. Les bâtiments sont au contraire la traduction du caractère extensif de l’élevage chez nous. Simplement, il faut bien que l’on abrite les animaux en hiver. Nous sommes sur des modèles vertueux qui demandent pas mal de main-d’œuvre, d’où la nécessité d’avoir des bâtiments pratiques et dans lesquels on améliore la productivité du travail. Le bâtiment vient combler le manque de main-d’œuvre qui reste difficile à trouver. Il faut donc combler ce déficit par des conditions de travail améliorées et un bâtiment moderne y participe, avec des couloirs, de la contention. Ce sont des équipements qui intéressent beaucoup les éleveurs aujourd’hui ». Et Vincent Doal, de conclure : « Pour l’avenir de l’élevage, si on veut que des jeunes aillent encore dans ce métier, il leur faut trois choses : la rentabilité, la génétique (pour des vêlages plus faciles) et l’amélioration des conditions de travail, qui passe par de bons bâtiments ».