Bilan de récolte
Les céréaliers dans la tourmente économique

Christophe Soulard
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Le président de l'Association générale des producteurs de blé (AGPB) Éric Thirouin, estime que les mauvais chiffres de la récolte 2024 ne sont pas seulement dus aux mauvaises conditions météo. Il y voit la conséquence de choix politiques qui fragilisent l'agriculture française.

Les céréaliers dans la tourmente économique
(De gauche à droite) : Philippe Heusèle, secrétaire général de l'AGPB, Eric Thirouin, président et Théo Bouchardeau, directeur général adjoint. (Crédit Actuagri)

« Une vraie déflagration », « liquidation planifiée de l’agriculture française », « trésoreries dans le rouge ». Les mots du président de l’Association générale des producteurs de blé (AGPB), Éric Thirouin, ont été très durs et teintés d’une certaine émotion le 5 septembre lors de sa conférence de presse de rentrée. Il faut remonter à 1983 pour voir une récolte de blé (et autres céréales) aussi mauvaise, sachant qu’à cette époque, les rendements étaient moindres. Les prévisions font état d’une moisson autour de 25,98 millions de tonnes avec un rendement de 62 quintaux par ha (q/ha). L’an dernier, elle avait atteint 35,1 millions de tonnes avec des rendements à 74 q/ha. De plus, cette moisson catastrophique vient se cumuler à un bilan particulièrement négatif « depuis presque une dizaine d’années », a regretté Éric Thirouin. À mots à peine couverts, il a dénoncé les « impasses techniques et économiques nées de décisions politiques et idéologiques. Nos moyens de production ont été fragilisés. C’est le résultat d’une véritable liquidation planifiée de l’agriculture française ». Il a accusé les réglementations, restrictions, et interdictions « qui pleuvent sans arrêt sur nous tous depuis plus de vingt ans » : gestion de l’eau, interdiction et freins sur les nouvelles technologies (OGM, NBT/NGT), restriction des produits phytosanitaires sans alternatives.

Surfaces céréalières en recul

Plus inquiétante est la baisse des surfaces céréalières qui ont chuté d’un million d’ha en dix ans. Les céréaliers français ont-ils atteint un point de non-retour ? Le président de l’AGPB veut encore garder l’espoir mais les trésoreries sont à sec. « Il manque entre 50 000 et 100 000 euros par exploitation pour une ferme d’environ 130-150 ha », a expliqué Éric Thirouin. Il s’inquiète que depuis deux ans, l’écart se creuse entre le coût de production et le prix payé à l’agriculteur au départ de la ferme. Autour de 200 euros/tonne en 2022, le coût de production a grimpé cette année à 309 euros/t. Le prix payé au céréalier est passé dans le même temps de 195 euros/t à 175 euros. « L’effet ciseaux dévastateur s’amplifie ». Pour l’ensemble du secteur céréalier français, la facture est salée : « il manque 3 milliards d’euros », a estimé Éric Thirouin tablant sur un résultat économique des fermes céréalières pire qu’en 2016. Pour franchir ce cap, l’association spécialisée de la FNSEA demande la mise en place de Prêts garantis de l’État (PGE) « pour l’ensemble des exploitations qui en ont besoin », a demandé Éric Thirouin. Conscient que cette décision d’ordre conjoncturel peut être à double tranchant, il veut croire qu’une telle mesure permettra à de nombreux agriculteurs « de passer le cap. C’est leur donner une chance d’être encore là l’an prochain, car beaucoup ont envie de jeter l’éponge. Il faut arrêter la casse maintenant où il sera trop tard », a-t-il conclu, appelant les « politiques à retourner la table, à changer de stratégie et à définir une vision cohérente » pour l’agriculture française. Un message qu’il fera passer au prochain ministre de l’Agriculture.