Filière fromagère
L'IGP Gruyère de Haute-Saône célèbre son anniversaire

Alexandre Coronel
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À l’occasion du 10e anniversaire de l’obtention de l’Indication géographique protégée (IGP) les acteurs de la filière Gruyère ont ouvert leurs portes à des journalistes : en fermes, fromagerie, caves d’affinage… et cuisine !

L'IGP Gruyère de Haute-Saône célèbre son anniversaire
Dans les caves de Poligny, à la découverte du savoir-faire des maîtres fromagers, qui passe par l’« écoute » du fromage… (Crédit photo : Daniel Gillet)

Les 26 et 27 avril derniers, une dizaine de journalistes et photographes de la presse généraliste et spécialisée ont participé à un « voyage au pays du gruyère », en Franche-Comté. Les 10 ans de la reconnaissance du gruyère de France comme Indication géographique protégée (IGP) sont en effet l’occasion pour les acteurs de la filière de jeter un regard dans le rétroviseur, et de se projeter vers l’avenir. Un avenir qui passe par la promotion du produit, la communication… « La filière se porte bien, se réjouit Julien Couval, président du Syndicat interprofessionnel du gruyère (SIG) de France : pour preuve, la production a augmenté de 52 %, passant de 2 033 tonnes en 2013 à 3 081 tonnes en 2022, tandis que les ventes progressaient de 60 %. En arrière-plan, un gros travail a été conduit pour moderniser et créer des ateliers de fabrication, faire progresser la qualité, gérer les volumes et s’adapter aux aléas… » C’est donc pour mettre en avant tous ces points, en invitant les médias dans les lieux où s’élabore le gruyère français, que le SIG a déployé un programme complet de visites de terrain.

Pédagogie et séduction

Quelle meilleure entrée en matière qu’un bon repas pour faire connaissance ? Avec le chef Cyril Peres, du restaurant La Guillaume, à Colombe-lès-Vesoul, en Haute-Saône, adepte du gruyère en cuisine, et des acteurs de la filière, les représentants des médias ont pu échanger à bâtons rompus sur l’histoire du gruyère français, ses intérêts culinaires et gastronomiques. Tout en dégustant des spécialités du chef, tel un délicieux risotto, au gruyère ! « Le SIG table d’ailleurs depuis plusieurs années sur l’engouement des Français pour la cuisine, en proposant nombre de recettes originales sur son site internet, en collaborant avec des blogueurs… qui mettent en avant les qualités gustatives de notre fromage », détaille Aurélien Drouhart, producteur de lait au Gaec Saint-Léger entre Vesoul et Luxeuil-les-Bains, et responsable de la commission communication du syndicat. Mais le consommateur, s’il est friand de saveurs et d’idées de recettes, veut aussi en connaître davantage sur l’origine du produit, ses conditions de production… bien-être animal, alimentation des vaches, protection de l’environnement. Bref, de vastes attentes sociétales ! Le voyage de presse a aussi permis d’aller sur le terrain, à la rencontre des éleveurs et de leurs vaches.

Chez le premier producteur fermier

Cas particulier, parmi les 173 producteurs de lait à Gruyère, le Gaec des Prés destinés, à Liévans, près de Lure, chez Ghislain et Nicolas Henry. Il s’agit en effet du tout premier producteur fermier de gruyère français. « Notre troupeau compte 55 vaches montbéliardes, qui pâturent normalement à partir du 15 mars jusqu’à l’automne… mais le mois d’avril a été tellement pluvieux que nous avons dû les rentrer pour éviter de transformer nos prés en pataugeoires ! » explique Ghislain, en charge de la conduite de l’élevage. « Traditionnellement les grandes meules de ce fromage de garde sont élaborées à partir du lait de mélange, issu de plusieurs troupeaux, poursuit Nicolas, en faisant visiter sa fromagerie toute neuve. J’ai commencé à fabriquer notre propre gruyère en novembre dernier, après être revenu m’installer sur la ferme familiale, après une dizaine d’années d’expérience de fromager dans plusieurs entreprises. » Un beau défi professionnel, qui fait la part belle à la durabilité, avec une chaudière à bois déchiqueté et un puits canadien… Après une dégustation commentée de quatre gruyères – tous bien différents, mais révélant tour à tour des saveurs douces, fruitées et fleuries – les journalistes ont pu se rendre au Gaec du Lozain, à Montjustin-et-Velotte, pour assister à la traite.

Secrets de fabrication

À Port-sur-Saône, la visite de la fromagerie de Bôzieux a initié les invités aux secrets de la technologie de fabrication du gruyère, qui conjugue tradition, avec ses grandes cuves de cuivre et ses étapes immuables d’emprésurage, caillage, soutirage… et modernité : une mécanisation au service de l’ergonomie, pour réduire la pénibilité du travail au maximum. Dans les caves de Monts & Terroirs à Poligny, dans le Jura, Eric Chevalier, directeur des relations interprofessionnelles et extérieures et trésorier du SIG a pu détailler l’importance de la conduite de l’affinage dans la révélation du potentiel organoleptique des fromages… ainsi que les bonnes perspectives de développement commercial du produit. « De la collecte du lait à la meule commercialisable, toutes les étapes sont minutieusement réalisées au sein de notre aire de production. La filière a souhaité conserver et renforcer ces atouts afin de valoriser socialement et économiquement la zone concernée. C’est en cela que le cahier des charges est ambitieux. »

Au Gaec du Lozain

« Nous sommes un Gaec familial à trois associés, avec une salariée, introduit Florian Theulin, du Gaec du Lozain : la ferme totalise 120 hectares de SAU, dont 105 en prairies permanentes. Sur les 15 hectares restant, nous produisons du maïs grain, de l’orge et du blé, et de la betterave fourragère destinée au troupeau. C’est un super fourrage qui nous permet de sécuriser la ration et d’exprimer le bon potentiel laitier de nos 75 montbéliardes, qui produisent un peu plus de 9 000 litres de lait par an. » La betterave fourragère, très appétente, riche en sucres, augmente la densité énergétique de la ration, tout en étant parfaitement compatible avec le cahier des charges de l’IGP. Elle complète harmonieusement les foins de haute qualité que les associés s’efforcent de récolter, misant sur la fauche précoce, un léger salage, une densité de pressage maîtrisée… Le Gaec élève 100 % des femelles nées sur l’exploitation, la moitié étant destinée à la filière exportation. « Le génotypage me permet de choisir les plus laitières, car je suis très attaché à ce critère », poursuit Florian. Aux journalistes venus voir la traite l’éleveur, administrateur de sa laiterie, expose sa vision de la filière. « Avant l’IGP, nous étions producteurs d’emmental grand cru, dont le cahier des charges impose aussi une alimentation à base d’herbe et de foin. L’IGP gruyère a ouvert des perspectives de progression du prix, et a tenu ses promesses depuis 10 ans, avec chaque année une meilleure valorisation de notre travail. En 2022, c’est un cas particulier, la forte augmentation du prix du lait payé aux producteurs a été quasiment absorbée par l’augmentation des charges. L’augmentation des volumes suit le développement des marchés, c’est ce qui permet de consolider notre prix, lié à la valorisation. Avec la fromagerie de Bôzieux, nous avons un super outil, et parallèlement, nous voyons de bonnes évolutions dans le produit : plus homogène, plus régulier. »