Manifestation
Les raisons de la colère

Chloé Monget
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Dans la lignée des manifestations précédentes (voir TDB n° 1768), d'autres étaient prévues au fil de la semaine à Clamecy, Luzy ou encore à Château-Chinon, le 31 janvier. 

Les raisons de la colère
50 tracteurs environ étaient rassemblés à Château-Chinon le 31 janvier.

« Arrêtez de nous emmerder » lance Éric Boucher, exploitant et président du canton de Montsauche pour la Fdsea 58, lors du rassemblement de Château-Chinon, le 31 janvier. À cette occasion, près d'une cinquantaine de tracteurs s'étaient réunis pour l'occasion, et pendant près de deux heures, les exploitants ont donc évoqué les raisons de leur colère auprès du Préfet de la Nièvre (Michaël Galy), de la sous-préfète de Château-Chinon (Yosr Kbairi), des maires locaux, du directeur de la Direction départementale des territoires (Pierre Papadopoulos) ou des conseillers régionaux (Sandra Germain, Sylvain Mathieu ou encore Denis Thuriot). 

Solutions ? 

Le message est donc clair : « laissez-nous faire notre travail, accélérez et allégez les démarches administratives ou encore faites appliquer les lois (Egalim notamment) afin que nous puissions enfin vivre de notre labeur » indique Emmanuel Bernard, président de la Fdsea 58. Simon Gauche, co-président des JA 58, ajoute : « la coupe est pleine, nous n'en pouvons plus. Quand je vois le nombre de suicide dans notre profession, cela me fait mal au cœur de voir que l'humain est à la fin de la liste des priorités de ceux qui nous gouvernent ». Véritable cri du cœur, Emmanuel Bernard rebondit : « Je répète la même chose depuis des semaines, et je continuerai jusqu'à ce que nous soyons entendus ! »

Outre ces revendications, certaines étaient spécifiques au Morvan. Parmi elles, les relations parfois conflictuelles avec les services de l'Office Français de la Biodiversité (OFB) ou certains agents de la DDT. Emmanuel Bernard souligne : « Nous n'avons rien contre les contrôles, mais manifestement les agents de ces services ne savent pas comment nous travaillons. Nous pensons qu'ils devraient faire un stage de trois mois dans une exploitation afin qu'ils comprennent enfin ce qu'est le bon sens agricole. Pour le moment, ils agissent dans l'ombre, et nous traitent comme des voyous, cela n'est pas acceptable ». Stéphane Aurousseau, membre de la Fnsea, ajoute : « Nous ne sommes pas responsables de la disparition de la biodiversité, bien au contraire. Il faut donc que ces traitements malveillants cessent ! ». À cela, Monsieur le Préfet a assuré : « Pour les contrôles, parfois, même dans les rangs de l'État et de ses services, il y a des gens qui en rajoutent. À nous de remettre tout cela dans l'ordre. Et plus spécifiquement sur la réglementation des cours d'eau et des fossés, nous devons pouvoir vous protéger via des arrêtés préfectoraux. D'ailleurs, un travail de cartographie est en cours, et je prévois un arrêté préfectoral afin qu'il soit un élément opposable en cas de contrôle ». Dans la même veine, les zones humides ont été abordés, avec l'évocation d'une nouvelle carte : « Selon les fuites d'informations que nous avons eu plus de 25 % du Morvan passerait en zone humide, avec toutes les contraintes que cela engendre... Il était prévu une concertation avec la profession pour son élaboration, mais pour l'instant il n'en est rien » stipule Stéphane Aurousseau. Monsieur le préfet répond : « Face aux enjeux climatiques, nous devons trouver ensemble des leviers d'actions, comme les retenues collinaires en dérivation, par exemple. Tout cela doit être fait dans l'échange ». Il poursuit sur la loi Egalim : « Nous allons faire un recensement des structures collectives qui ne la respectent pas, et ensuite réunir les responsables de ces dernières et la profession afin de débloquer la situation. Notre soutien à l'élevage est là, et afin de le prouver à la filière nous allons soutenir financièrement la réouverture de l'abattoir de Corbigny ». Ensuite, la prédation fut au cœur des débats. Le Préfet de la Nièvre assure : « Nous poursuivrons la logique mise en place par mon prédécesseur, notamment avec les arrêtés de tir de défense. Pour ce point, nous nous engageons à prendre les arrêtés dans la demi-journée qui suit la demande ». Le directeur de la DDT rebondit : « peut-être que pour plus de transparence nous pouvons mettre en place une carte recensant les attaques dans la Nièvre. Ainsi, les exploitants pourront la consulter afin d'avoir une certaine visibilité au jour le jour sur le sujet ». Stéphane Aurousseau réagit : « sur le loup, le sujet ne se concentre pas que sur l'indemnisation ou la protection, mais aussi et surtout sur une régulation ! »

Se faire entendre

Une fois les échanges terminés, le convoi s'est dirigé vers la sous-préfecture de Château-Chinon en centre-ville, en reprenant le parcours du comice : « Aujourd'hui, on défile pour une bonne raison » lance un exploitant durant le déplacement. Sur le chemin, passants et habitants stoppent leurs activités pour regarder passer les tracteurs klaxonnant tous azimuts afin de ne pas passer inaperçus. Une action qui semble réussie puisque depuis la rue ou les fenêtres des cris de joie se font entendre et des mains s'agitent en guise de soutien. Après avoir sillonné les rues, le convoi s'insère tant bien que mal dans les rues exiguës aux alentours de la sous-préfecture. Les spectateurs, toutes générations confondues, s'agglutinent alors autour de la porte d'entrée... Après quelques discussions, le mot d'ordre est donné : « on vide les bennes ». À grand renfort de paille plus ou moins en décomposition, les exploitants arrosent le bâtiment ainsi que ses jardins. Pendant le déchargement, quelques phrases sortent du lot : « ils vont finir par comprendre », « ça ne leur fait pas de mal d'être un peu ramenés sur terre ». Toujours dans le calme, les manifestants échangent quelques mots avec la maire de Château-Chinon (ville), Chantal Marie Malus, et lui proposent de terminer le regroupement par un pot convivial, avec tous ceux ayant participé à la journée. La foule se disperse, avec l'espoir d'avoir été, si ce n'est compris, au moins entendue. Simon Gauche conclut : «  Depuis le début, nous faisons preuve de calme. Mais, les réponses du gouvernement et les actes qui en découlent doivent arriver rapidement avant que notre calme s'épuise ». Emmanuel Bernard rajoute : « Nous allons suivre de très près la mise en place des annonces gouvernementales. Nous lâchons rien ». Le scénario fut peu ou prou le même à Clamecy, avec un barrage filtrant mis en place sur la N 151. Pour rappel, d'autres actions étaient prévues dans la Nièvre toute la semaine, comme à Luzy. 

Après les annonces
Emmanuel Bernard, président de la Fdsea 58 lors du rassemblement à Château-Chinon.

Après les annonces

Suite aux annonces faites par le gouvernement le 1er février, Emmanuel Bernard, président de la Fdsea 58 se positionne : « Cela n'est pas facile à digérer. Ces annonces ne sont pas à la mesure de nos attentes et restent dans la continuité d'une inaction flagrante, sans volonté de modifier un système mortifère pour notre agriculture et nos agriculteurs. Il est utopique de penser que l'on pourra changer en un jour ce qui est en place depuis 20 ans... Ce qui est mis en avant par le gouvernement n'exprime, encore une fois, aucune volonté de changement. Nous souhaitons des actions que nous n'avons pas eues. Nos politiques manquent de courage via des imprécisions qui s'empilent. Je pense qu'au vu de l'ampleur que prend le mouvement, nous devons rester mobilisés afin de montrer à tous que nous, exploitants agricoles, nous ne manquons pas de courage, de dignité ou de force pour faire entendre notre détresse. Nous souhaitons que toutes les problématiques qui nous accablent disparaissent afin de pouvoir, enfin, continuer à vivre de nos professions. J'invite donc tous ceux qui expriment des doutes face aux paroles du gouvernement à venir nous rejoindre, afin qu'ensemble nous allions jusqu'au bout »

À la sous-préfecture

Vérification

Luzy

Luzy
Un rassemblement était aussi prévu à Luzy. Crédit photo : JA 58, avec deux visites de GMS pour vérifier la provenance des produits.

Clamecy

Sur le terrain à Château-Chinon