Patrimoine
Paul Lhuillier et son encyclopédie mécanique
Cet agriculteur retraité de la région de Beaune, en Côte-d’Or, possède une quantité impressionnante d’engins qui, tous, sont porteurs d’un pan de l’histoire agricole de notre pays. Découvrir sa collection, c’est avoir l’impression d’un temps qui s’est arrêté...

C’est une réflexion qui a souvent été entendue ces derniers mois : le confinement lié au Covid-19 a laissé à beaucoup l’impression que le temps s’était figé, avant que l’on retrouve un semblant de normalité depuis la mi-mai. Il y a un peu de cette impression qui revient, lorsqu’on découvre la collection d’engins agricoles de Paul Lhuillier. Au fil des années, cet agriculteur retraité de Ruffey-lès-Beaune a amassé un grand nombre de tracteurs, moissonneuses, batteuses et autres semoirs, par envie de conserver ce patrimoine mécanique, mais aussi pour assouvir sa passion du bricolage. «J’ai des kilomètres au compteur !» prévient-il quand on le rencontre, du haut de ses 85 ans. Il a présidé pendant plusieurs années la coopérative de Beaune, dont on aperçoit les silos, à quelques kilomètres de sa maison. Il fut aussi impliqué dans le système des Cuma. Lui qui, au démarrage de son activité, ne disposait que d’une vingtaine d’hectares, aura fini sa carrière en en cultivant 80. Il élevait aussi de la charolaise et a eu jusqu’à 70 bêtes.
Pas un musée
Aujourd’hui, l’exploitation agricole a été reprise par son fils, et elle s’étale sur 150 hectares. Parmi le matériel ancien qu’il possède, une partie a servi pour sa propre exploitation mais la majorité des engins qu’on découvre sous le hangar proche de sa maison de bois traduit son appétit de collectionneur. Ici, nous ne sommes pourtant pas dans un musée : les engins présents sont, pour certains, encore en état de marche, mais d’autres se sont tus, figés par la rouille pour l’éternité. On pourrait pourtant croire que, la veille encore, ils travaillaient dans les champs. C’est ce qui fait tout le caractère de cette «encyclopédie». Elle est restée «dans son jus» comme on dit, ancrée dans le monde du travail agricole, où il y a de la poussière, de la sueur, de l’effort. Certes, la collection de Paul Lhuillier pourrait être rutilante, brillante, briquée comme un sou neuf, mais elle n’aurait pas la même force. Notre homme est allé chercher tout ce matériel, en Champagne, en Haute-Marne, en Haute-Saône, dans toute la Bourgogne, avec son camion à plateau Bedford six cylindres. Au fil des années et des opportunités, il a acheté, à droite et à gauche, ces témoins d’un riche passé agricole. Il possède des tracteurs de nombreuses marques mais confesse avoir un gros faible pour les John Deere. C’était sa marque de travail.
Patience et persévérance
Dans l’atelier voisin du hangar qui abrite ses vieilles machines, le bloc-moteur d’un John Deere-Lanz attend que l’on veuille bien finir de le nettoyer et de le remonter. Paul Lhuillier est un bricoleur qui n’est pas pressé : il sait qu’il n’en n’aura jamais fini avec la tâche de préservation de ce patrimoine mécanique qu’il s’est fixé mais il en cultive une certaine philosophie. Il fait ce qu’il peut, petit à petit, certain de ne jamais connaître l’ennui, et toujours avec un brin de malice dans l’œil, comme quand il vous confie, en vous montrant sa Citroën Acadiane de quarante ans d’âge : «Je me fais parfois prendre en excès de vitesse... dans les descentes !» La patience et la persévérance sont les amies de tout bon bricoleur. Ce n’est pas pour rien s’il a baptisé l’itinéraire qui va de sa maison à son atelier, le Chemin des étourdis : «quand vous bricolez, il vous manque toujours un outil ou une pièce, alors vous passez votre temps à faire des allers-retours pour récupérer ce qui vous manque... ça ne sert à rien de s’énerver, et puis ça promène... Tenez, regardez ce bulldozer Fiat. Il n’y a qu’une chenille qui marche. J’ai un mécano qui doit venir pour me réparer l’autre, ça fait au moins 4 ans !» C’est avec la même patience et persévérance qu’il regonfle le pneu d’un de ses tracteurs, à peu près tous les deux mois. Celui-ci doit avoir une fuite quelque part, mais, là encore, ce n’est pas grave. Pas de quoi bouleverser Paul Lhuillier. Devant un «petit-gris» Massey-Ferguson, sans doute silencieux pour toujours, il regrette de n’avoir que deux bras et de manquer de temps pour lui redonner vie. Il est vrai que là, la tâche serait d’ampleur. Un peu plus loin, on tombe sur un tracteur Renault des années 60 : «ça marchait à l’essence et ça vous bouffait une quantité d’huile !» À côté, trône une antique moissonneuse tractée que notre homme surnomme «l’engin de misère», surnom évocateur pour ces moissons d’antan qui tenaient autant du sacerdoce que de la bonne grosse fête. Paul évoque ces battages qui mobilisaient du monde, avec la maison Parigot de Bessey-en-Chaume. «On commençait à 6 heures du matin, mais, parfois, les soirées se prolongeaient jusqu’à tard» confesse-t-il là aussi avec un sourire qui en dit long, et alors qu’il s’accoude au solide capot d’un Zetor, tracteur tchécoslovaque qui tourne encore comme une horloge. Avec ses engins, Paul donne parfois des coups de main à ses voisins retraités, pour de menus travaux. Un esprit solidaire qui lui fait dire «qu’on travaille comme en Cuma ...» Ainsi va la vie, chez Paul Lhuillier, entouré de ses vieux compagnons sur lesquels il y a toujours à faire, comme s’il fallait repartir, dès demain matin, aux champs...
Pas un musée
Aujourd’hui, l’exploitation agricole a été reprise par son fils, et elle s’étale sur 150 hectares. Parmi le matériel ancien qu’il possède, une partie a servi pour sa propre exploitation mais la majorité des engins qu’on découvre sous le hangar proche de sa maison de bois traduit son appétit de collectionneur. Ici, nous ne sommes pourtant pas dans un musée : les engins présents sont, pour certains, encore en état de marche, mais d’autres se sont tus, figés par la rouille pour l’éternité. On pourrait pourtant croire que, la veille encore, ils travaillaient dans les champs. C’est ce qui fait tout le caractère de cette «encyclopédie». Elle est restée «dans son jus» comme on dit, ancrée dans le monde du travail agricole, où il y a de la poussière, de la sueur, de l’effort. Certes, la collection de Paul Lhuillier pourrait être rutilante, brillante, briquée comme un sou neuf, mais elle n’aurait pas la même force. Notre homme est allé chercher tout ce matériel, en Champagne, en Haute-Marne, en Haute-Saône, dans toute la Bourgogne, avec son camion à plateau Bedford six cylindres. Au fil des années et des opportunités, il a acheté, à droite et à gauche, ces témoins d’un riche passé agricole. Il possède des tracteurs de nombreuses marques mais confesse avoir un gros faible pour les John Deere. C’était sa marque de travail.
Patience et persévérance
Dans l’atelier voisin du hangar qui abrite ses vieilles machines, le bloc-moteur d’un John Deere-Lanz attend que l’on veuille bien finir de le nettoyer et de le remonter. Paul Lhuillier est un bricoleur qui n’est pas pressé : il sait qu’il n’en n’aura jamais fini avec la tâche de préservation de ce patrimoine mécanique qu’il s’est fixé mais il en cultive une certaine philosophie. Il fait ce qu’il peut, petit à petit, certain de ne jamais connaître l’ennui, et toujours avec un brin de malice dans l’œil, comme quand il vous confie, en vous montrant sa Citroën Acadiane de quarante ans d’âge : «Je me fais parfois prendre en excès de vitesse... dans les descentes !» La patience et la persévérance sont les amies de tout bon bricoleur. Ce n’est pas pour rien s’il a baptisé l’itinéraire qui va de sa maison à son atelier, le Chemin des étourdis : «quand vous bricolez, il vous manque toujours un outil ou une pièce, alors vous passez votre temps à faire des allers-retours pour récupérer ce qui vous manque... ça ne sert à rien de s’énerver, et puis ça promène... Tenez, regardez ce bulldozer Fiat. Il n’y a qu’une chenille qui marche. J’ai un mécano qui doit venir pour me réparer l’autre, ça fait au moins 4 ans !» C’est avec la même patience et persévérance qu’il regonfle le pneu d’un de ses tracteurs, à peu près tous les deux mois. Celui-ci doit avoir une fuite quelque part, mais, là encore, ce n’est pas grave. Pas de quoi bouleverser Paul Lhuillier. Devant un «petit-gris» Massey-Ferguson, sans doute silencieux pour toujours, il regrette de n’avoir que deux bras et de manquer de temps pour lui redonner vie. Il est vrai que là, la tâche serait d’ampleur. Un peu plus loin, on tombe sur un tracteur Renault des années 60 : «ça marchait à l’essence et ça vous bouffait une quantité d’huile !» À côté, trône une antique moissonneuse tractée que notre homme surnomme «l’engin de misère», surnom évocateur pour ces moissons d’antan qui tenaient autant du sacerdoce que de la bonne grosse fête. Paul évoque ces battages qui mobilisaient du monde, avec la maison Parigot de Bessey-en-Chaume. «On commençait à 6 heures du matin, mais, parfois, les soirées se prolongeaient jusqu’à tard» confesse-t-il là aussi avec un sourire qui en dit long, et alors qu’il s’accoude au solide capot d’un Zetor, tracteur tchécoslovaque qui tourne encore comme une horloge. Avec ses engins, Paul donne parfois des coups de main à ses voisins retraités, pour de menus travaux. Un esprit solidaire qui lui fait dire «qu’on travaille comme en Cuma ...» Ainsi va la vie, chez Paul Lhuillier, entouré de ses vieux compagnons sur lesquels il y a toujours à faire, comme s’il fallait repartir, dès demain matin, aux champs...