Pôle Agronov
Ce qu'un agriculteur peut trouver dans l'innovation

Berty Robert
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À l’occasion de sa journée des adhérents, le 2 février, le pôle régional d’innovation en agroécologie Agronov a invité un agriculteur afin qu’il s’exprime sur ses attentes vis-à-vis des sociétés porteuses de solutions.

Ce qu'un agriculteur peut trouver dans l'innovation
Pour Luc Jacquet, céréalier dans l'Yonne, l'innovation agricole a besoin d'une approche globale qui fédère les agriculteurs et les entrepreneurs porteurs de solutions.

Faire le lien entre les capacités d’innovation d’entrepreneurs et les attentes du terrain, c’est la vocation profonde du pôle régional d’innovation en agroécologie Agronov. Dans ses locaux de Bretenière, près de Dijon, il organisait, le 2 février, sa journée annuelle des adhérents et c’est dans ce cadre que le pôle avait invité Luc Jacquet, agriculteur installé dans l’Yonne, pour témoigner de ses attentes et du besoin de solutions innovantes que le milieu agricole peut exprimer. « Nous sommes avant tout focalisés sur le terrain, soulignait en préambule Frédéric Imbert, président d’Agronov, et nous devons y apporter un maximum d’innovations ». Pour Liselore Martin, la directrice du pôle, l’enjeu est de « créer de l’engagement sur les actions que l’on propose ». Mais pour générer cet engagement, il faut que le milieu agricole soit convaincu qu’il peut trouver, au sein des entreprises adhérentes au pôle, des réponses à ses problématiques. Pour innover, il faut être au moins deux : un entrepreneur créatif et un agriculteur en veille sur des solutions potentielles. Ce n’est pas le cas partout mais, à l’EARL des Courtillots, on fonctionne comme ça depuis longtemps. À Fouronnes, dans le sud de l’Yonne, Luc Jacquet cultive 120 hectares de céréales en agriculture de conservation et produit notamment de la semence. Il souhaite aujourd’hui développer la production de semences de couverts et de plantes compagnes et s’investit dans deux projets photovoltaïques.

L’impératif de la rentabilité

Rechercher des solutions innovantes, il l’a toujours fait mais sans jamais perdre de vue une priorité : la rentabilité. « À chaque fois que j’ai eu un besoin nouveau, expliquait-il devant les adhérents d’Agronov, j’ai toujours recherché les solutions, les entreprises ou les partenaires possibles. L’innovation, je l’ai intégrée dès le départ dans l’exercice de mon métier ». Une approche intéressante, faite de tentatives, d’essais mais aussi et d’échecs. Toute la maîtrise de l’agriculteur réside justement dans cette capacité de veille permanente et d’arbitrages qui font que l’on estime économiquement acceptable ou non de tenter de nouvelles approches culturales. « Je trouve qu’en agriculture, poursuivait Luc Jacquet, l’innovation n’est pas assez reconnue. On se lance trop peu, soit par conservatisme, soit par peur d’une perte de rentabilité. Il faut reconnaître qu’il y a des difficultés pour un agriculteur, à trouver les financements nécessaires pour accompagner sa volonté d’innovation. Il faut aussi affronter le regard ou le jugement d’autres agriculteurs qui vous voient adopter des pratiques dont ils n’ont pas l’habitude et qui peuvent parfois paraître saugrenues… » Il faut aussi composer avec le facteur temps : une innovation ne se juge pas sur une campagne : « Passer des Techniques culturales simplifiées (TCS) à l’agriculture de conservation m’a demandé 6 ans » précisait Luc Jacquet.

« Faire coïncider les objectifs »

À ses yeux, la bonne approche innovante doit être collective : « en tant qu’agriculteur, je suis en attente d’un échange gagnant-gagnant avec l’entreprise qui peut m’apporter une solution innovante, mais je veux aussi un suivi parce que c’est une garantie de sérieux sur le long terme. Lorsqu’on est en recherche de solutions innovantes, on croise aussi beaucoup de vendeurs de « poudre de Perlimpinpin ». Il faut donc être vigilant et ne pas tomber dans certains pièges. Il faut parvenir à faire coïncider les objectifs de l’agriculteur et de l’entrepreneur avec un but : que l’innovation soit profitable au plus grand nombre ». Face aux dirigeants d’entreprises et de start-up réunis par Agronov, l’agriculteur icaunais a fait passer un message : « soyez à l’écoute du terrain, en particulier sur les enjeux actuels d’adaptation au changement climatique ». Pour Luc Jacquet, en conclusion, l’innovation agricole ne peut fonctionner que si elle a en face d’elle des apporteurs de solutions capables de s’investir dans un accompagnement et un suivi sérieux. « On creuse, on essaye de comprendre à plusieurs, c’est toujours mieux que seul » concluait Luc Jacquet.

107 adhérents réunis au sein d'Agronov

Depuis sa création le pôle Agronov a toujours organisé une journée des adhérents destinée à fédérer et à faire en sorte que les multiples acteurs concernés se rencontrent et créent du réseau. Naturellement, cette ambition a été mise à mal par le Covid mais 2023 marquait donc le grand retour de cet événement en présentiel. À ce jour, le pôle fédère 107 adhérents (des entreprises, des start-up, des organisations professionnelles agricoles, des centres de formation ou de recherche tels qu’Institue Agro Dijon). Le pôle est présent sur l’élevage, les grandes cultures et la viticulture. L’importance des compétences qu’il rassemble permet aux adhérents de développer leurs réseaux, d’éclairer leurs décisions, de promouvoir leurs projets. Agronov apporte également à ses adhérents un soutien en termes de recherche de financements, de propriété intellectuelle, et de communication. En 2023, son programme d’actions portera notamment sur la valorisation du travail des adhérents dans les démarches bas carbone, ou sur l’activation de groupe de travail à propos des thématiques de sols et de biosolutions.