Ils reprennent un vieux moulin de Côte-d'Or
Reprise du moulin du Foulon

Berty Robert
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Olivier Anaya et Aurélien Pitaval vont reprendre les rênes du Moulin du Foulon, en Côte-d’Or, dans quelques semaines. Une belle aventure débute pour ces deux trentenaires qui ont un double défi à relever : assurer la continuité d’un outil né il y a plus de deux siècles et s’inscrire comme les acteurs d’un dynamisme rural en pleine renaissance.

Reprise du moulin du Foulon
Aurélien Pitaval (à gauche) et Olivier Anaya s'apprêtent à succéder à Robert Lallemant qui faisait fonctionner le moulin depuis plus de quarante ans.

Un jour, peut-être, on s’attachera au recensement précis des effets de la crise sanitaire du Covid dans les vies des uns et des autres. L’avenir du Moulin du Foulon, à Arnay-sous-Vitteaux, en Côte-d’Or, pourra figurer en bonne place dans ce travail. Construit il y a plus de deux cents ans, il va connaître une mutation importante dans les semaines qui viennent : Aurélien Pitaval et Olivier Anaya, 36 ans tous les deux, vont prendre la suite le Robert Lallemant qui était aux manettes depuis les années 70. Mais la famille Lallemant gérait ces murs vénérables depuis 1840 ! C’est une sacrée page qui va se tourner, en février ou mars, au plus tard, et dont les racines plongent dans le premier confinement de mars 2020. Olivier Anaya et Aurélien Pitaval étaient, dans un passé récent, ingénieurs du son. L’un opérait dans l’audiovisuel, l’autre dans le spectacle vivant et tous deux en région parisienne. Ils se sont rencontrés, il y a une quinzaine d’années, sur les bancs de l’école de son où ils se sont formés. Il y a quatre ans, Olivier avait été le premier à opérer un virage professionnel en se lançant dans la restauration.

Pic d’activité

Lorsque survient le confinement, en mars 2020, Aurélien et son épouse se sont repliés sur leur maison achetée quelques années auparavant à Arnay-sous-Vitteaux. Le couple était déjà client du Moulin du Foulon où il se fournissait en farine. Or, au début d’une crise sanitaire qui a rebattu toutes les cartes en matière de liberté de déplacement et imposé de revoir certains modes de consommation, le petit moulin s’est retrouvé confronté à un niveau d’activité inédit, de nombreux clients faisant appel à lui face à la pénurie de farine constatée dans les rayons. À cette période, la vente de farine en libre-service au Foulon est passée d’environ 2 tonnes par mois, à 10 tonnes ! Aurélien Pitaval a alors proposé son aide à Robert Lallemant et c’est dans le cadre de cette relation de coopération qu’il a pris connaissance de la volonté du gérant en exercice, âgé de 76 ans, de prendre sa retraite, et donc de chercher un repreneur. Après un temps de réflexions, Aurélien a fait part de son intérêt pour prendre la succession mais il ne souhaitait pas s’engager seul dans l’aventure. Il a alors décidé de contacter Olivier Anaya qui s’est montré très intéressé. « Quelques années auparavant, précise ce dernier, nous avions déjà envisagé de nous lancer ensemble sur un projet, mais sans, à l’époque, trouver la bonne voie. Le Moulin du Foulon était la bonne opportunité… » Olivier quitte donc Lille où il résidait et rejoint Aurélien en Côte-d’Or.

Un passage de relais préparé depuis 18 mois

Les deux trentenaires sont tombés amoureux du lieu. « Ce moulin a beaucoup de charme, confirme Olivier. Robert Lallemant a monté tout l’équipement seul, il a modernisé l’outil de travail qui fonctionne aujourd’hui très bien ». Si la reprise du moulin n’est pas encore complètement effective, Aurélien et Olivier sont déjà à l’œuvre dans les vieux murs, aux côtés de Robert Lallemant, depuis 18 mois, d’une part pour maîtriser l’outil de travail, mais aussi pour se former. En parallèle, ils ont obtenu un Certificat de qualification professionnelle (CQP) Conducteur de moulin et transformation des grains, à Saint-Quentin, dans l’Aisne. « Nous avons pu enrichir notre « bagage » théorique, poursuit Olivier, en rencontrant des gens qui travaillent dans des moulins de taille plus importante. Nous avons pu découvrir des machines très différentes et mieux appréhender ce métier très technique, avant de nous lancer ». Si la forte hausse vécue lors du premier confinement s’est un peu atténuée depuis, la production reste à un niveau soutenu : le Moulin du Foulon écrase près de 400 tonnes de blé à l’année. Un blé cultivé en conventionnel et qui provient uniquement du département, le moulin faisant partie de la marque « 100 % Côte-d’Or ». À terme, les repreneurs aimeraient également se fournir en blé biologique, pour une partie de leur production. 80 % de la clientèle est constituée d’artisans-boulangers, de pâtissiers et de restaurateurs, quant aux 20 % restants, il s’agit de particuliers.

Nouveaux produits, nouveaux clients…

Depuis leur arrivée, Aurélien et Olivier développent, en plus, une petite gamme de vente au détail pour des supermarchés et des épiceries situés sur leur secteur. Au chapitre des évolutions envisagées par rapport à la production actuelle, ils aimeraient pouvoir écraser autre chose que du blé, et notamment de l’épeautre, mais il leur faudra, pour cela, augmenter leurs capacités de stockage. Le duo compte aussi démarcher de nouveaux clients. Si leur plan de marche répond à leurs espoirs, ils pourraient procéder à des recrutements. Entre la conduite technique du moulin, sa gestion comptable, son entretien, le développement commercial, les livraisons de farine, le duo pourrait bien avoir besoin de renforcer son effectif à brève échéance. « Nous nous donnons un an pour voir comment cela se passe à nous deux, précise Olivier Anaya, et puis après, on verra… » Dans la prospection commerciale qui permettra de développer le portefeuille clients du Moulin du Foulon, Aurélien et Olivier insistent sur le fait qu’ils sont meuniers avant d’être commerciaux. Une nuance qui change beaucoup de choses dans le rapport entretenu avec les clients potentiels : « on peut leur parler de notre produit avec précision, leur expliquer comment on travaille. Cette approche plaît à beaucoup de boulangers qui souhaitent jouer la carte des circuits courts et artisanaux. Au-delà des clients qui travaillaient déjà avec Robert Lallemant, on arrive à attirer de nouveaux artisans qui nous suivent. On ne peut pas nier que la bataille est rude face aux gros moulins, mais, petit à petit, nous avançons… » Avec ce moulin, Olivier Anaya et Aurélien Pitaval sont convaincus qu’il y a des choses à développer, qu’ils peuvent participer à une dynamique locale plus large que leur simple activité. « On s’éclate, conclut Olivier, on rencontre beaucoup d’agriculteurs, des artisans dans des domaines différents, on sent qu’il y a une envie de faire ensemble à de nombreux niveaux, dans laquelle on veut s’insérer. L’envie de produits locaux, on la ressent vraiment ici ! ».

Le moulin n’a pas toujours servi à produire de la farine. À une époque, sa force motrice permettait de faire fonctionner une scierie voisine. On y a aussi produit de l’huile et de l’alimentation pour le bétail. Aujourd’hui, la farine est produite ici à partir de blé tendre. Le moulin fonctionne à l’électricité, mais, dans le passé, il a tourné grâce à l’hydraulique, puis en utilisant une machine à vapeur. Par la suite l’hydraulique a été associée à une machine fonctionnant à l’essence, avant de passer au tout électrique, il y a une trentaine d’années. Le Moulin du Foulon fait partie du groupement de meuniers Petits Moulins de France, très attaché à la dimension artisanale de la production de farines.

Chaque semaine, deux moutures (écrasement du blé) sont réalisées sur le site. Cela nécessite tout un processus de « nettoyage » du blé qui est ensuite « mouillé » avant de reposer pendant 24 heures, puis d’être moulu. La farine est ensachée en sacs de 25 ou 40 kg pour les artisans boulangers. Les particuliers peuvent obtenir, en libre-service, de la farine conditionnée en sacs de 1, 5 ou 10 kg. Des préparations pour réaliser des pâtisseries ou des cakes salés en 1 et 5 kg sont également proposées. Le libre-service, accessible 24 heures/24, tous les jours, est très apprécié des clients. « On tient beaucoup à le préserver, souligne Olivier Anaya. Il fonctionne sur la confiance : les gens viennent, se servent et déposent leur chèque ou espèces dans une boîte aux lettres à cet effet. Le local a une petite caméra, parce qu’il faut bien surveiller quand même… » À terme, l’installation d’une véritable boutique est aussi dans les esprits des repreneurs, sans pour autant qu’une échéance précise soit fixée.