Patrimoine
L’Italie veut inscrire sa gastronomie à l’Unesco

Pierrick Bourgault
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Le ministre de l’Agriculture italien Francesco Lollobrigida est venu à Paris clore la Semaine de la cuisine italienne dans le monde et a rencontré Marc Fesneau. Au menu, l’interdiction récente de la « viande » artificielle en Italie, la souveraineté alimentaire de l’Europe et la vitalité des campagnes.

L’Italie veut inscrire sa gastronomie à l’Unesco
Francesco Lollobrigida, ministre italien de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, à l’ambassade d’Italie à Paris. (Photo Pierrick Bourgault).

« Impossible de trouver quelqu’un qui n’ait jamais goûté à la cuisine italienne ! » assure le ministre de l’Agriculture italien, Francesco Lollobrigida, petit-neveu de Gina Lollobrigida, ce 14 novembre à l’ambassade d’Italie. En effet, la mozzarella dépasse le camembert dans le panier des Français, les distributeurs de pizzas s’installent dans les villages, les pâtes s’apprécient avec du pesto, l’huile d’olive est réputée plus saine, le panettone se vend partout, la part de marché des bulles du prosecco s’envole… Pourquoi l’Italie est-elle autant aimée ? Les raisons sont multiples : la cuisine italienne semble moins élitiste, plus abordable que la Française, meilleur marché, moins carnée – une tendance actuelle. Et la dolce vita de l’Italie fait toujours rêver, comme en témoigne Joseph Antonacci, analyste à l’Italian Trade Agency (Paris) : « En Italie, on essaie de préserver l’agriculture artisanale des petites exploitations, dont les produits sont sains et ont du goût. La Semaine de la cuisine italienne rappelle l’importance de bien manger pour le bien-être. Ceux qui ont voyagé achètent des produits des régions qu’ils connaissent, pour se rappeler leurs bons souvenirs ».

Car l’Italie cultive le lien entre tourisme et agriculture, comme le rappelle le ministre Lollobrigida : « La cuisine est notre carte de visite, elle révèle notre capacité de produire dans le respect de l’environnement et des conditions de travail. Elle se base sur notre histoire millénaire, qui est un creuset d’influences. Le territoire italien est tout petit, mais il offre une grande variété de climats et de cultures. C’est pourquoi nous voulons protéger les indications géographiques qui permettent de localiser et de comprendre ce que l’on mange ».

Non à la viande artificielle

Selon ce principe, l’Italie interdit la viande de culture obtenue en laboratoire. « Notre loi se base sur une pétition qui a réuni deux millions de signatures, plusieurs régions et partis politiques. Même l’opposition s’est abstenue de protester. Nous souhaitons que cette loi italienne soit suivie à l’échelon européen, comme pour les OGM ». Ses motivations : éviter les risques sanitaires et garder l‘équilibre social dans les zones d’élevage, « sinon, que faire du territoire ? ». La viande de culture est synthétisée à partir de cellules animales dans des usines ; ses promoteurs affirment que le bilan carbone est meilleur que celui des élevages avec des animaux, ce qui reste à prouver.

Ce lien au territoire est l’un des fondements de la « souveraineté alimentaire », autre titre que le ministre partage avec Marc Fesneau, son homologue français. Francesco Lollobrigida poursuit : « En Europe on avait beaucoup de certitudes. On pensait être libres – la pandémie nous a appris qu’on peut perdre la liberté. Certaines nations préfèrent importer leur nourriture de pays où une seule personne qui a le pouvoir prend les décisions. De même, pour les fertilisants, on s’est mis entre les mains de la Chine et d’autres pays qui pourraient choisir de ne plus exporter. La souveraineté, c’est assurer à la fois notre nourriture et notre liberté. Nous ne voulons pas d’un monde où les élites bénéficient de mets de qualité, tandis que les autres s’alimentent juste pour survivre, comme un carburant ».

Oui au bien-être

Autre talent de l’Italie, sa communication basée sur le plaisir et la convivialité. Idéalement située dans la grisaille de novembre, avant les fêtes de fin d’année, la Semaine de la cuisine italienne vient de s’achever avec des milliers d’évènements dans le monde entier, dégustations, master classes de chefs, soirées thématiques… « La Semaine nous permet de parler de l’Italie », insiste Francesco Lollobrigida, « jusqu’au vote de l’Unesco pour la reconnaissance de la cuisine italienne qui apporte le plaisir d’être ensemble, du bien-être. En Italie, il existe des « zones bleues » peuplées de centenaires grâce à la qualité de la vie, à l’excellente nourriture ». Le ministre italien invite ainsi les chefs « à choisir des produits italiens, même pour leur cuisine française ». Il annonce la prochaine mission spatiale américaine, « dans laquelle les cosmonautes auront la possibilité de manger de la gastronomie italienne dans l’espace, en toute sécurité ». Autres splendides vitrines pour l’agriculture, les nourritures et l’art de vivre, les Jeux Olympiques de Milan (2026).

« La convivialité est importante dans la candidature de la gastronomie italienne au Patrimoine de l’humanité de l’Unesco », conclut le ministre. En France, depuis plusieurs années, l’Association des bistrots et cafés insiste aussi sur ce thème de la convivialité pour leur inscription au patrimoine immatériel de l’Unesco, au titre de l’art de vivre. Le ministère de la Culture a longtemps repoussé la candidature de ces espaces de restauration, qui constituent pourtant une vitrine et un débouché pour les filières agricoles françaises.