Un vrai soutien
Une bergère en soutien estival dans l'Isère

Isabelle Brenguier
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Bergère depuis cinq ans, Juliette Fortunier a vécu une saison atypique. Tout au long de l’été, elle a soutenu ou remplacé les bergers des alpages qui ont besoin de renfort.

Une bergère en soutien estival dans l'Isère
Juliette Fortunier, bergère, embauchée pour venir en appui des bergers « titulaires » ayant besoin d’un coup de main ou d’être remplacés.

De la Matheysine à Belledonne, en passant par l’Oisans, le Vercors ou la Chartreuse. Voilà à quoi aura ressemblé l’été de Juliette Fortunier, bergère, embauchée pour venir en appui des bergers « titulaires » ayant besoin d’un coup de main ou d’être remplacés. À la mi-juillet, alors qu’elle venait de rejoindre l’alpage de Claran dans le nord du massif de Belledonne, elle en était déjà à sa quatrième intervention. Recrutée par les partenaires du nouveau dispositif de berger d’appui (1) pour son expérience et ses capacités d’adaptation, la jeune femme a entamé en 2023 sa cinquième saison en alpages. Âgée de 32 ans, issue d’une famille d’éleveurs de la Loire, Juliette Fortunier ne pensait pas devenir bergère. Après avoir suivi une formation de géographie en aménagement rural, elle a travaillé pour la Fédération des alpages de l’Isère (FAI).

« Composer avec de nombreuses incertitudes »

La curiosité, des rencontres avec des bergers, un goût prononcé pour la montagne, le travail en extérieur et les brebis, lui ont donné envie de découvrir et d’exercer ce métier. « Se voir confier des troupeaux est une lourde responsabilité. On veut bien faire, mais on doit composer avec de nombreuses incertitudes sur les ressources en eau ou en fourrage, les conditions climatiques, les risques de prédation. Ce n’est pas facile. C’est un travail exigeant et physique. Il nécessite d’être endurant car aux côtés des moutons, on marche beaucoup, dans des terrains en pentes et par n’importe quel temps », confie la jeune femme, mettant également en avant qu’il implique des compétences techniques pour soigner les blessures des animaux. Elle estime cependant qu’il est plus facile d’exercer ce métier quand les conditions de logement ou quand les équipements fournis sont bons. « Être bien logée, bien considérée, pouvoir mettre en place des parcs de tri ou une infirmerie, sont autant de facteurs qui font la différence », souligne-t-elle.

Planning chargé… et évolutif

Pour devenir bergère, Juliette Fortunier a suivi une petite formation sur le métier et une autre sur les chiens de troupeau. Elle a aussi effectué des visites d’alpages et a beaucoup échangé avec des bergers. En devenant bergère d’appui, elle savait qu’elle devrait effectuer de nombreuses tâches et missions, et qu’elle se retrouverait dans des situations très différentes. « Ce n’est pas tout à fait le même métier. Il faut avoir envie de s’adapter tout le temps. Cela me plaît, car je suis très curieuse et j’aime découvrir de nouveaux endroits, de nouvelles personnes. C’est un voyage en Isère que je suis en train de faire », avance-t-elle, tout sourire. Le planning estival de la jeune bergère composé de missions de quelques jours à quelques semaines, était bien rempli. Mais il pouvait aussi évoluer. Souhaitant être disponible pour le plus grand nombre, elle a imaginé la nécessité de, parfois, hiérarchiser ses interventions, si des situations très compliquées survenaient. Elle sait aussi que, moralement, elle a un rôle de soutien important à jouer auprès des bergers confrontés aux problèmes de prédation qui subissent beaucoup de stress. Elle va opérer dans les alpages isérois jusqu’au 15 septembre. Pendant le reste de l’année, Juliette Fortunier travaille comme fromagère et enseignante. Elle effectue régulièrement des vacations à l’Isara (École d’ingénieurs en agronomie, agroalimentaire et environnement) à Lyon.

Note : (1) Le Département de l’Isère, la Fédération des alpages de l’Isère, Agriemploi et la MSA des Alpes du Nord.

Un soutien itinérant pour plus de sérénité

Un soutien itinérant pour plus de sérénité

L’alpage du Claran, sur les hauteurs du Collet d’Allevard au nord de Belledonne, dans la commune de La Chapelle-du-Bard, accueille le troupeau de 700 brebis de race mérinos d’Anne et Frédéric Baffert, éleveurs dans les Hautes-Alpes. Cet été, il a été gardé par Charlène Chesnier et Robin Gerber. Mais durant quelques jours, le couple a été épaulé par Juliette Fortunier. « La palette d’interventions est très large. Il s’agit autant de mettre en place des parcs, que de soigner des animaux, ou remplacer un berger qui doit s’absenter pour une urgence ou parce qu’il a besoin de quelques jours de repos », explique la jeune femme. « Le métier est exigeant. Les bergers sont des gens comme tout le monde. Il est bon parfois d’anticiper, de demander de l’aide, avant d’être complètement épuisé ». La présence dans les alpages de l’Isère de la jeune bergère a peut-être aussi permis une meilleure circulation de l’information. Forte de ses compétences, elle pourra également contribuer à la formation de bergers moins expérimentés et permettre la transmission de bonnes pratiques. Il est aussi prévu qu’elle sensibilise bergers et employeurs à la question du droit du travail. Même s’il est difficile de compter ses heures, elle a été embauchée via un contrat de 44 heures hebdomadaires pour un salaire net mensuel de 3 000 euros. Grâce à la venue de Juliette Fortunier, les éleveurs Baffert ont fait paître les brebis dans le quartier de la Balme, qui depuis quelques années, n’était plus exploité. « Avant, il n’y avait que de la prairie, mais il a été recolonisé par les rhododendrons et les myrtilles », détaille Frédéric Baffert, ravi de la venue de la jeune femme, considérant la mise en place du dispositif comme « une aubaine, une aide qui peut nous sauver psychologiquement face à des situations en alpages qui se dégradent, avec des problèmes de prédation de plus en plus récurrents et stressants. Je pense que ce soutien peut nous apporter de la sérénité, nous rassurer », estime-t-il. D’expérience, les différents acteurs de la montagne savent bien que dans les semaines à venir les attaques de loup sur les troupeaux vont se multiplier et le quotidien des bergers va s’en trouver détérioré.