Syndicalisme
Congrès de la FNSEA à Besançon

Berty Robert, avec Actuagri
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La FNSEA a tenu son congrès du 28 au 30 mars. Trois jours durant, en terre bisontine, l’actualité agricole a fait l’objet de débats dans lesquels la souveraineté alimentaire s’est imposée comme un thème majeur. Plusieurs candidats à l’élection présidentielle sont aussi venus.

33 ans après, le congrès national de la FNSEA a fait son retour à Besançon. La ville avait accueilli l’évènement en 1989. C’était hier, c’était il y a une éternité, tant le monde et l’univers agricole ont changé depuis. Ce moment reste une extraordinaire caisse de résonance médiatique, a fortiori dans le climat de campagne électorale qui est le nôtre. À un peu plus d’une dizaine de jours du premier tour de l’élection présidentielle, le congrès ne pouvait faire autrement que placer en son centre cette importante échéance. Mercredi 30 mars, six des douze candidats déclarés ont été reçus par les congressistes pour une sorte de « grand oral » consacré aux questions agricoles : Jean Lassalle, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Valérie Pécresse, Fabien Rousselle et Éric Zemmour.

Création d’un fonds spécifique

Auparavant, le 29 mars, Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, avait salué l’action globale du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie. Pour elle, le ministre a fait preuve « de force et de courage », notamment sur le dossier des néonicotinoïdes. Julien Denormandie, de son côté, a salué « une relation de confiance et d’exigence avec la FNSEA ». Dans son discours, Christiane Lambert a aussi détaillé les demandes de la FNSEA, notamment la création d’un fonds spécifique de cinq ans, doté de 500 millions d’euros par an, dédié à « l’accompagnement individuel des agriculteurs vers des pratiques agronomiques, zootechniques, numériques et technologiques de pointe ». Ce fonds viendrait prendre la suite du Plan de relance, précise-t-on à la FNSEA. La présidente du syndicat a listé des demandes déjà connues de simplification des normes, d’exonérations (Travailleur occasionnel et demandeur d’emploi (Tode), plus-values…), de réforme foncière ou de chèque alimentaire. Parmi les nouveautés, la FNSEA demande à être mieux intégrée dans les instances de la bio (ex. Inao, Agence bio).

Retrouver une souveraineté

La souveraineté alimentaire aura été un des points forts abordés lors de ce congrès. Christiane Lambert a insisté sur la nécessité de retrouver une souveraineté alimentaire et énergétique qui se détache de « la vision décroissante » que l’Union européenne tente d’imposer à travers le Green Deal et Farm to Fork. Non pas que la FNSEA ne souscrive à pas à cette ambition, mais elle ne souhaite pas que ces stratégies soient pilotées par des « lobbys verts qui deviennent les lobbys de la faim dans le monde ». Récupérer cette souveraineté tant convoitée, c’est aussi « être intransigeant sur l’application totale d’Égalim 2 et s’attaquer au droit de la concurrence, en particulier aux grandes enseignes qui contournent le droit français en s’installant à l’étranger », a-t-elle expliqué.

Grands chantiers régionaux

En ouverture du congrès, le 28 mars, Christophe Chambon, président de la FRSEA de Bourgogne-Franche-Comté et agriculteur du Doubs, avait rappelé l’importance que revêtait un événement pour la préparation duquel de nombreux bénévoles n’avaient pas ménagé leurs efforts. Au-delà du contexte électoral, il était aussi revenu sur la guerre en Ukraine et ses conséquences : « elle représente un drame humain, poussant à l’exode des millions de femmes, d’hommes et d’enfants, et va également bouleverser les équilibres économiques mondiaux et fragiliser la souveraineté alimentaire européenne ». Pour Christophe Chambon, cette souveraineté alimentaire repose sur deux piliers : « Le maintien d’exploitations agricoles en nombre suffisant et leur capacité à produire ». Une intention qui se heurte à certaines incohérences : « Quand on observe les accords de libre-échange passés avec des pays qui ont des pratiques très éloignées de nos standards de production, on peut se demander qui est responsable… […] La présidence française de l’union doit avancer concrètement sur les clauses miroir ! » Affirmant son refus de nouvelles réglementations allant à l’encontre des effets recherchés pour notre agriculture, Christophe Chambon s’est dit particulièrement attentif aux propositions des candidats à l’élection présidentielle. Vigilant, il l’est aussi au niveau régional, soulignant qu’il « faudrait inviter les membres de la Commission régionale agri-environnementale et climatique (Craec) en formation sur nos exploitations pour comprendre le B A BA de l’agronomie et de l’élevage : le cycle de l’eau, le cycle de l’azote, les soins à nos animaux, les risques sanitaires ! » Le président de la FRSEA BFC est ensuite revenu sur les grands chantiers régionaux : « Le bon sens paysan nous rappelle que l’important c’est d’avancer en se fixant des échéances réalistes et de s’y tenir. Par exemple, la création d’une OP régionale sur le lait, par section, avec plus de 200 producteurs. Bientôt, tous les éleveurs laitiers pourront avoir un contrat conforme à la réglementation, pour une meilleure rémunération. Deuxième chantier sur la filière viande : le travail a commencé en rassemblant l’ensemble des acteurs de BFC. Nous espérons avoir des résultats positifs fin 2022 ». Il a conclu son propos en abordant la question environnementale : « Dans le cadre de la démarche nationale, nous créons l’association Bourgogne-Franche-Comté Agri-environnement. On y associe les forestiers et on regroupe ainsi les seuls acteurs capables d’agir pour capter le carbone. Cette fois, nous ne parlons pas de nouvelles règles, mais bien de prestations de services environnementales. Cette association symbolise le fait que l’agriculture assume toute sa part de responsabilité dans la stratégie pour lutter contre le dérèglement climatique. Nous les agriculteurs de BFC, sommes prêts à relever ce nouveau défi ».

 

Congrès FNSEA de Besançon

Témoignage sur l'agriculture ukrainienne

En visioconférence d’Ukraine, Mariia Didukh, secrétaire générale de l’Ukrainian national agrarian forum (Forum national agricole ukrainien), a livré un témoignage bouleversant de la situation de ses compatriotes agriculteurs en temps de guerre. Remerciant les agriculteurs français et européens pour leurs opérations de solidarité, elle a confirmé que ses collègues ne pourraient sans doute pas cultiver plus de 50 % de la SAU du pays. « Les paysans sortent la nuit pour semer mais sans garantie ». Les agriculteurs ukrainiens manquent de carburant, d’alimentation animale, en particulier dans les élevages laitiers. Mariia Didukh a exhorté les Français à « arrêter le business avec les Russes, notamment sur les semences, car ce sont autant de soutiens financiers pour que Poutine poursuive la guerre ».