Interview
L'enseignement au diapason des nouveaux visages de l'agriculture

Propos recueillis par Berty Robert
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Nous faisons le point sur l’enseignement agricole, notamment à la lumière des évolutions portées par le Pacte loi d’orientation agricole (PLOA), avec Marie-Jeanne Fotré-muller, Directrice régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt Bourgogne-Franche-Comté (Draaf), et Marie-Catherine Arbellot de Vacqueur, cheffe du Service régional de la formation et du développement à la Draaf.

L'enseignement au diapason des nouveaux visages de l'agriculture
La Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) Bourgogne-Franche-Comté est l'autorité académique pour ce qui concerne l'enseignement agricole.

Qu’en est-il du projet régional de l’enseignement agricole en Bourgogne-Franche-Comté (BFC) ?

Marie-Jeanne Fotré-Muller : "Nous fonctionnons aujourd’hui selon un projet qui a été lancé en 2018 et qui touche à sa fin. À l’époque de son lancement, la priorité avait été donnée au développement du numérique dans les démarches éducatives, aux liens entre les établissements et leurs territoires, et à la participation des exploitations au développement rural et agricole.bLe futur projet, qui va démarrer cette année, devra intégrer tout ce qui a trait au Pacte loi d’orientation agricole (PLOA)".

Les grandes lignes du PLOA ont été présentées, en décembre, par le ministre de l’Agriculture. Il fait encore l’objet d’ajustements, notamment en regard du contexte actuel de revendications du monde agricole. Néanmoins, considérez-vous qu’il fournit un cadre renouvelé à l’enseignement agricole ?

M-J F-M : "Le pacte rappelle l’urgence du renouvellement des générations, que ce soit pour les chefs d’exploitations ou pour les salariés. Il prévoit une hausse de 30 % des effectifs dans les lycées agricoles et de 75 % des effectifs étudiants en écoles vétérinaires. Il pose clairement les objectifs à atteindre mais, pour cela, il faudra vraiment une montée en puissance de l’information sur ces métiers et ces formations".

On sent une volonté nationale de promouvoir les métiers et les formations agricoles. Comment peut-elle se décliner en BFC ?

M-J F-M : "Elle se décline localement, via des campagnes de communication, pour les établissements publics comme privés. Il y a aussi le camion de « L’Aventure du vivant », du ministère de l’Agriculture, qui a sillonné la région, permettant aux jeunes de découvrir de nombreux métiers liés à l’agriculture. Il sera de retour en avril, en haute Côte-d’Or, puis à Dole, dans le Jura et à Mâcon, en Saône-et-Loire. Une politique de communication sur les Campus du vivant en BFC a été déployée sur les réseaux sociaux. Il faut aussi noter le travail qui est accompli, en étroite collaboration avec l’éducation nationale et le rectorat, afin de sensibiliser les jeunes qui ne connaissent pas les métiers agricoles. On propose, par exemple, des stages aux élèves de seconde de l’enseignement général, sur les domaines agricoles".

Marie-Catherine Arbellot-de-Vacqueur : "Nous travaillons aussi beaucoup avec le Conseil régional de BFC, qui est compétent sur l’information sur les métiers. En parallèle, nous travaillons avec l’Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture (Anefa). Pour les plus jeunes, nous œuvrons auprès des classes de 3è par la présence sur des forums et l’accueil de jeunes en stages. Gabriel Attal, lorsqu’il était encore ministre de l’Éducation nationale, a lancé les stages pour les jeunes de seconde, sur la dernière quinzaine du mois de juin et sur la base du volontariat. C’est l’occasion de multiplier les possibilités d’accueil des jeunes dans les filières et les établissements agricoles, notamment sur leurs plateaux techniques, et de mettre en lumière l’offre de formation et sa qualité".

Comment ces stages se mettent-ils en place ?

M-C A-d-V : "chaque famille de l’enseignement agricole fait son travail de communication. D’autre part, le Conseil régional de BFC a mis en place une plateforme régionale de stage et nous invitons nos établissements et leurs partenaires à y déposer leurs offres de stages. Au niveau plus local, chacun fait aussi jouer ses réseaux. Notre rôle, à la Draaf et au SRFD c’est d’articuler cet ensemble et d’avoir une vision systémique pour s’assurer que nous ne laissons aucun « angle mort ». Nous nous assurons, via nos collègues du rectorat, que l’information est bien diffusée sur tout le territoire régional".

M-J F-M : "Le fait que l’enseignement agricole dispose d’ateliers et de ses propres exploitations est un atout fort dans ce contexte. Cela permet d’accueillir des jeunes des filières d’enseignement général et de découvrir concrètement les métiers et les fonctionnements".

Il y a une volonté de faire évoluer la carte des formations. On parle de Contrat territorial de consolidation, ou de créations de formations agricoles et agroalimentaires. Sommes-nous concernés ?

M-J F-M : "Ces Contrats territoriaux de consolidation sont une nouveauté. Nous avons, localement, une réflexion sur ce sujet, en particulier sur la viticulture, où certaines formations peinent à trouver leur public alors qu’il y a de forts besoins de main-d’œuvre sur le terrain".

M-C A-d-V : "Nous mesurons les conséquences que ces difficultés pour trouver de la main-d’œuvre pourraient avoir sur l’économie locale dans un secteur comme le vin. Nous avons plusieurs projets de Contrat territorial de consolidation, notamment dans la Nièvre, sur le secteur de Cosne-sur-Loire, où les viticulteurs sont confrontés au double enjeu du recrutement de main-d’œuvre et de la transmission prochaine de leurs exploitations. En parallèle, des formations viticoles proposées en lycée peinent à trouver leur public. L’idée de ces contrats c’est de fédérer les énergies au niveau d’un bassin géographique précis afin, que sur un délai de trois ans, de consolider l’offre de formation pour qu’elle trouve preneur et réponde au besoin de former des actifs. On pourra aussi créer une formation qui ferait défaut".

Le PLOA prévoir une mesure de création d’experts associés de l’enseignement agricole. Comment cela pourrait-il se concrétiser en BFC ?

M-J F-M : "Ce n’est pas encore totalement abouti mais on peut rappeler qu’en BFC, nous avons été pionniers en créant l’Agro Smart Campus dans lequel on cherche à mettre en relation la recherche, l’enseignement supérieur et l’enseignement technique, dans le but de fluidifier les passages d’un secteur à l’autre".

M-C A-d-V : "L’idée c’est de faire intervenir ensemble des acteurs de la recherche et de la formation, face aux jeunes, dans une logique d’accompagnement. En Région BFC, depuis 2021, avec l’Institut Agro Dijon, l’Inrae et la Chambre régionale d’agriculture, nous avons développé l’Agro Smart Campus. Sa finalité, c’est d’accélérer la diffusion des résultats de la recherche au plus près des salles de classe et des cours de fermes, et de favoriser les liens entre enseignement agricole technique et l’enseignement supérieur agricole. Nous avons un programme de mentorat-coaching pour les étudiants en BTS afin de se préparer au concours d’entrée à l’Institut Agro Dijon. Les jeunes sont accompagnés pendant toute la durée de leur BTS par des coachs de l’Institut Agro, de l’Inrae ou d’autres organismes et on obtient de très bons résultats : en 2023, sur 30 jeunes accompagnés de cette façon, 20 ont été admis, soit à l’Institut Agro Dijon, à Agro Paris Tech ou à UniLaSalle à Beauvais. Voilà un exemple de ce que nous faisons déjà dans cette logique d’experts associés. On développe une nouvelle action sur le même modèle, mais sur les métiers de l’agroalimentaire, à Poligny, dans le Jura. L’Institut Agro Dijon sera d’ailleurs le théâtre d’une journée régionale destinée à valoriser tout le travail de l’enseignement agricole public sur l’enseignement des transitions. Elle se tiendra le mardi 9 avril".

-10 000 lycéens et étudiants (enseignement public et privé)

-17 établissements d’enseignement public (lycées agricoles, CFA, CFPPA)

-29 établissements d’enseignement privés (MFR-CFA)

– La répartition des élèves, lycéens et étudiants se fait, pour moitié dans le public et pour moitié, dans le privé

-5 000 apprentis (dont une part importante en post-bac)

-1 million d'heures de formation pour adultes

– Plus de 80 % des jeunes en établissements agricoles sont internes