Innovation
Food Pilot, un outil dijonnais de traçage de la valeur environnementale

Berty Robert
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L’activité agricole génère énormément de données numériques. La question est de savoir à qui elles profitent au bout de la chaîne. La solution Food Pilot, qui fédère des entreprises de la région dijonnaise, se revendique comme l’outil permettant aux acteurs locaux de bénéficier d’une part importante de la valeur ainsi créée.

Food Pilot, un outil dijonnais de traçage de la valeur environnementale
Food Pilot est soutenu par Dijon Métropole et a bénéficié d'un soutien financier dans le cadre du plan France 2030. De gauche à droite : Marie-Hélène Julliard-Randrian (Dijon Métropole), Jean-Philippe Porcherot (Atol CD), Sébastien Picarda (Agdatahub), Frédéric Imbert (Dijon Céréales et Alliance BFC) Virginie Becquart (Food Pilot), Philippe Lemanceau (Dijon Métropole), Didier Livio (Food Pilot) et Danielle Juban (Dijon Métropole).

« Tirer les marrons du feu » est souvent une expression mal comprise : il ne s’agit pas d’obtenir un bénéfice d’une situation, mais de prendre le risque de se brûler les pattes pour qu’au final, d’autres profitent des marrons que vous aurez peinés à tirer du feu… Les marrons en questions, ce sont les données numériques générées par les activités agricoles et que de nombreux outils permettent de collecter. Le problème est que les solutions techniques pour que la valeur de ces données profite au maximum à ceux qui les génèrent, manquent. Aujourd’hui, trop souvent, ce sont les acteurs du bout de la chaîne agroalimentaire – la distribution –  qui récupèrent cette valeur. C’est pour éviter ce cas de figure qu’a été créée Food Pilot. Il s’agit d’une plateforme digitale européenne qui permet aux acteurs des secteurs agricoles et agroalimentaires de piloter leur impact environnemental : une notion qui, aujourd’hui et encore plus à l’avenir, va constituer auprès des consommateurs une vraie valeur. Le tout premier produit dont le « score » environnemental va pouvoir être connu et officialisé grâce à cette solution n’est autre qu’une baguette de pain Dijon Céréales et c’est dans le cadre de l’actuel Salon international de l’agriculture, à Paris, que Food Pilot a procédé à cette présentation.

Du champ au produit fini

Ce projet, lancé par les associés au sein de Food Pilot (Virginie Becquart et le dijonnais Didier Livio) entraîne dans son sillage plusieurs entreprises dijonnaises : Atol Conseil et développement, dirigée par Jean-Philippe Porcherot et très impliquée dans les problématiques agricoles, notamment à travers l’application MesParcelles qu’elle a conçu, et aussi la coopérative Dijon Céréales. À ces deux entités régionales s’ajoute Agdatahub qui gère notamment les consentements des agriculteurs quant au partage de données qu’ils fournissent. L’alliance de Food Pilot avec ces trois structures vise à faciliter la collecte des données agricoles, du champ au produit fini, dans le but de piloter l’impact environnemental de produits alimentaires. La baguette présentée au salon de l’agriculture est donc la première à bénéficier d’un score environnemental généré de cette manière, et basé sur des données réelles, tout au long de la chaîne de production. « Ce score environnemental, explique Christophe Richardot, directeur général de Dijon Céréales et de l’Alliance BFC (Dijon Céréales, Terre Comtoise et Bourgogne du Sud) va mettre en évidence les vertus de la filière locale qui va du blé de qualité que nos adhérents produisent, jusqu’au pain fabriqué par nos boulangeries. Dijon Céréales est ravi d’être associé à l’émergence de ce nouvel indicateur. Notre coopérative et l’Alliance BFC apportent leur valeur ajoutée, à travers leur savoir-faire en Recherche et développement (R & D) agronomique et la maîtrise de la traçabilité tout au long de la filière. Le tout avec notre équipe spécialisée, apte à valoriser les données agricoles ». Il faut conserver à l’esprit que ce lancement intervient alors que le gouvernement s’apprête à lancer, le 16 mars et au terme de plusieurs années d’expérimentation, l’affichage environnemental, appelé à devenir obligatoire à partir de 2025.

Intérêt stratégique

La législation va obliger les entreprises de l’agroalimentaire à faire preuve de responsabilité, pour elles-mêmes et leurs éventuels sous-traitants, sous peine, en cas de défaillance dans leur souci environnemental, de ne plus pouvoir, par exemple, candidater à des marchés publics. La notion de valeur n’est donc pas une vue de l’esprit. « Food Pilot, précise Didier Livio, est une solution digitale permettant de piloter le progrès environnemental et la décarbonation des produits alimentaires, de la ferme au consommateur final, grâce à des données réelles et vérifiées ». Pour une entreprise comme Dijon Céréales, déjà dotée de fortes capacités de gestion des données agricoles, cette perspective est intéressante à plus d’un titre : « Au départ, souligne Frédéric Imbert, en charge de la R & D au sein d’Alliance BFC, nous utilisions les données pour réaliser des retours techniques et concevoir des Outils d’aide à la décision (OAD). Didier Livio est venu nous voir, il y a deux ans et nous a présenté son projet qui est d’un intérêt stratégique majeur pour nous. L’enjeu c’est que la valeur représentée par les données reste au maximum dans la chaîne, qu’elle ne s’échappe pas ». Cette chaîne, Dijon Céréales l’illustre bien en étant présent quasiment à tous les maillons pour la réalisation de sa baguette : le blé des agriculteurs adhérents, les moulins, les boulangeries à l’enseigne L’Atelier du Boulanger. Si l’on élargit le spectre, il apparaît également que la Bourgogne-Franche-Comté produit 15 % du blé meunier français : une proportion importante qui justifie que l’on veuille valoriser au maximum la filière. « Être associé au projet Food Pilot, conclut Frédéric Imbert, c’est aussi le moyen pour nous de faire évoluer notre accompagnement des agriculteurs afin de faire progresser l’enregistrement des pratiques agricoles. Conserver la valeur des données, c’est conserver un levier de pouvoir… » Au final, en associant des acteurs locaux, Food Pilot met aussi en avant le fait d’éviter que des données collectées en France alimentent des systèmes de notation environnementale conçus à l’autre bout du monde et finalement « hors-sol ».