Réalité et incertitudes
À l'occasion de la session de la Chambre d'agriculture, le 10 mars à Nevers, un état des lieux fut établi sur les maladies vectorielles et notamment sur la disponibilité des vaccins.

« Le contexte est inquiétant pour l'élevage à cause, entre autres, des maladies vectorielles circulant dans notre département. Afin d'avoir une vision précise de la situation pour le cheptel nivernais, il semblait important de faire un point » insiste Cyrille Forest, président de la Chambre d'agriculture de la Nièvre, lors de la session Chambre du 10 mars.
Afin d'éclairer la situation, Amélie Brisson, responsable du service élevage-EDE de la Chambre d'agriculture de la Nièvre présenta quelques chiffres de ce début de campagne : « Nous avons un déficit de 11 % par rapport à 2024 soit - 7 000 naissances allaitantes au 1er février 2025 (par comparaison, sur les trois dernières campagnes, nous perdions environ 2 % de veaux allaitants tous les ans). La répartition géographique de la baisse ne se concentre pas dans une zone : toute la Nièvre est concernée. Cette situation est très préoccupante car elle a des impacts économiques significatifs : sur la base des moyennes 2017-2023 chaque vêlage en moins engendre une perte d'EBE de 522 euros pour les producteurs de broutards lourds ou repoussés, vaches maigres ; de 662 euros pour les producteurs de broutards lourds ou repoussés, vaches finies et de 776 euros pour les producteurs de jeunes bovins et femelles finies. Cette baisse tient ses racines dans la décapitalisation avec une très forte baisse du nombre de femelles (- 2 500 vaches allaitantes par rapport à février 2024) et dans la situation sanitaire ». Sur ce point, Rodolphe Morizot, directeur du GDS 58, revient sur la situation nivernaise : « nous avons un total de 403 foyers (243 en FCO 3 et 160 en FCO 8 – pour la période de juillet 2024 à février 2025). Les deux vecteurs circulent rendant la gestion sanitaire encore plus complexe. En sus, nous avons noté une augmentation des avortements dès octobre-novembre 2024. Nous distinguons également, d'août 2024 à janvier 2025, une surmortalité de + 9 % par rapport à N-1. Les bovins de tous âges sont touchés. Pour les morts à la naissance, ou ceux de 0 à 30 jours nous voyons également une hausse des pertes ». Pour les ovins, Amélie Brisson met en avant, entre 2024 et 2025,« une baisse de 2 % des demandeurs de l'aide ovine pour une baisse d'environ - 1,8 % du nombre de brebis ». Rodolphe Morizot complète : « Pour mémoire, pour la période de juillet 2024 à février 2025, le nombre de foyers ovins nivernais FCO 3 est de 34, pour la FCO 8 : 32. Comme pour les bovins, nous constatons une surmortalité ». Là, Amélie Brisson rebondit : « Outre la pression sanitaire, la prédation est à prendre en compte. Du 1er juillet au 31 décembre 2024, 47 attaques sur ovins ont été comptabilisées, avec 176 ovins morts et 224 ovins blessés. Du 1er janvier au 28 février 2025, ce sont 21 attaques qui sont comptées, avec 44 ovins morts et 49 blessés (1). Économiquement, l'EBE des éleveurs ovins se dégrade d'environ 75 à 90 euros par brebis perdue ».
En plus...
Rodolphe Morizot ajoute : « Ces chiffres ne prennent pas en compte : la charge psychologique pour les éleveurs, le temps passé auprès des animaux vivants mais atteints cérébralement, les soins vétérinaires, etc. ». Afin de comprendre les éléments favorisant la circulation des maladies vectorielles, Rodolphe Morizot souligne qu'une enquête est en cours : « Nous avons une énorme variabilité en fonction des cheptels, qui sont parfois voisins. De ce fait, je vous invite à répondre aux questions afin que nous puissions mieux comprendre ce qui favorise ou ce qui réduit l'impact de ces maladies en vue de préparer la prochaine campagne ». Rémi Picard, docteur vétérinaire (Groupe Vétérinaire Donzy & Cosne) et trésorier du Conseil Régional de l'Ordre des vétérinaires de Bourgogne Franche-Comté, rappelle : « La veille sanitaire de ces maladies est très lourde pour les vétérinaires, notamment à cause des ruptures en matière de vaccins. En parallèle, ces vaccins sont sortis sous Autorisation temporaire d'utilisation (ATU) et non sous Autorisation de mise sur le marché (AMM) de ce fait nous n'avons pas encore de recul sur leurs effets secondaires et leur efficacité. Nous pouvons peut-être espérer un effet de protection croisé entre les différents sérotypes afin d'avoir une protection partielle lorsque les vaccins sont inoculés ; mais pour l'instant sans certitude et étude scientifique validée. Afin de répondre aux interrogations et inquiétudes des éleveurs, la majorité des cabinets vétérinaires ont presque tous ouvert une hotline pour ces sujets, rendant la situation encore plus tendue pour notre profession. S'ajoute à cette surcharge de travail, le peu de reconnaissance de l'État qui semble avoir opté pour une gestion au rabais de cette crise avec une rémunération des vétérinaires libéraux à l'ordonnance ; oubliant tout le travail en amont et en aval desdites ordonnances ». Enfin, les indemnisations ont été évoquées. Il a été mis en évidence que pour le Fonds État (DDT) les guichets étaient fermés à la fois pour les bovins des foyers BTV 3 déclarés du 05/08 au 31/12/2024 et pour les ovins des foyers BTV 3 (foyers du 05/08 au 31/12/2024) et BTV 8 (foyers du 01/06 au 31 /12/2024). Côté FMSE, Rodolphe Morizot pointe que le guichet pour les bovins foyers BTV 8 du 01/01 au 31/08/2024 n'est pas encore ouvert et que celui dédié aux foyers du 01/08 au 31/12/2024 était encore en questionnement. Toujours sur ce volet, l'éligibilité aux indemnisations pour les foyers (et les pertes) déclarés après le 1er janvier 2025 reste une incertitude totale. Cyrille Forest, président de la Chambre d'agriculture de la Nièvre, conclut : « notre rôle est de faire émerger des solutions et de donner des perspectives. Nous devons trouver des bulles d'oxygène pour que les éleveurs puissent respirer. Cela passera indéniablement par le soulagement des trésoreries mises à rudes épreuves. Nous devons donc tous travailler ensemble pour trouver ce soutien ».

1. Source : DDT