Promouvoir une idée du développement territorial
Concevoir l'agriculture biologique comme un moteur pour les territoires ? C'est la question qui a nourri les réflexions lors d'un évènement organisé mi-avril à Dijon.

Dans la salle, quelques agriculteurs et beaucoup de représentants de collectivités locales : l'évènement organisé le 15 avril à l'Institut Agro Dijon par Bio Bourgogne-Franche-Comté (BFC), en partenariat avec le Conseil régional, la Draaf BFC et la Chambre d'agriculture régionale, a suscité une véritable curiosité de la part des territoires, urbains et ruraux. Ces derniers étaient la cible du thème du jour : « Comment l'agriculture biologique peut-elle être un moteur pour les territoires ? » À travers des témoignages et des exemples d'initiatives, les participants ont découvert que le secteur de l'agriculture biologique, aux prises avec un marché en contraction depuis deux ans, pouvait aussi se revendiquer comme un acteur à part entière de choix politiques et économiques territoriaux. À la base, comme le rappelait Laurence Henriot, éleveuse en Côte-d'Or et présidente de Bio BFC, dans une volonté de réorientation d'un système agricole confronté à des difficultés conjoncturelles, « l'AB peut faire partie de cette logique territoriale. » Une parole relayée par Vincent Lavier, président de la Chambre régionale d'agriculture : « la volonté des Chambres d'accompagner l'AB est réelle mais on ne peut faire l'économie de la question des paiements pour services environnementaux : sur ce dossier, on doit emmener les collectivités avec nous. Ensemble, on doit être en mesure de mener des projets qui sont facteurs d'attractivité. »
« Pas uniquement le prisme du marché »
L'AB régionale peut s'appuyer sur un potentiel réel avec un peu plus de 3 600 fermes recensées en 2024 et plus de 235 000 ha de Surface agricole utile (SAU). Mais il faut aussi prendre en compte un nombre important d'arrêts (273 fermes en moins en 2024), une tendance qui s'accélère alors qu'on n'avait dénombré que 159 arrêts en 2023. Préserver ce potentiel peut donc, en partie, s'appuyer sur une intégration de ces productions dans des logiques de développement territoriales. « Le bio ne doit pas être vu que par le prisme du marché, soulignait Christian Morel, vice-président du Conseil régional de BFC en charge de l'agriculture : il réclame une structuration de filière plus large, d'où l'intérêt de mesurer ses effets sur les territoires. » L'élu du Conseil régional rappelait que la collectivité prend en charge la qualification bio des exploitations. Il insistait aussi sur l'importance, dans ces logiques de développement territorial, de la restauration collective : « c'est un levier politique énorme. 22 lycées de BFC sont pour l'instant engagés dans notre démarche expérimentale Relocalisation des achats de denrées alimentaires (Rada) mais notre objectif, à terme, c'est d'impliquer les 120 lycées de la Région. »
Perspectives encourageantes
Dans le contexte actuel de stabilisation de l'inflation, la consommation de produits issus de l'AB est toujours en baisse, mais la situation globale n'est pas exempte de contrastes : en Grandes et moyennes surfaces (GMS) en 2024 la baisse a ralenti. En magasins spécialisés, le volume de consommation est en hausse (+ 7 % en chiffre d'affaires). On constate également un redémarrage en circuits courts et vente directe. Face à ces données et constats, les exemples d'interconnexions réussies entre AB et territoires de BFC présentés les 15 avril (voir encadré) nourrissaient la réflexion des acteurs présents. Reste à voir comment les graines plantées ce jour-là pourront germer.
Dans l'Yonne, des agriculteurs et Eau de Paris, main dans la main
Jérôme Vincent est agriculteur bio sur la vallée de la Vanne, au nord-est de l'Yonne. Il fait partie d'un réseau de 39 agriculteurs bio qui totalisent plus de 6 400 ha cultivés, impliqués dans un programme initié par Eau de Paris et destiné à protéger la ressource en eau. Les sources de la Vanne sont à 150 km de Paris, et les zones de captages couvrent 46 000 ha. En 2020, Eau de Paris a choisi de mettre en place un Paiement pour service environnemental (PSE) qui engage les agriculteurs concernés sur un contrat d'une durée de 7 ans. La vallée de la Vanne est devenue un territoire bio pilote, avec un système d'appui financier et technique des exploitations agricoles. Le dispositif est financé à 80 % par l'agence de l'eau Seine Normandie et à 20 % par Eau de Paris. Jérôme Vincent a entamé la conversion de ses cultures à l'AB en 2010. Il est parvenu au terme du processus en 2022. Il opère sur 255 ha de grandes cultures. Pour lui, le dispositif d'Eau de Pairs est économiquement intéressant. « Mais, complète-t-il, les aides financières ne font pas tout, c'est pourquoi, en 2019, avec d'autres agriculteurs concernés, nous avons créé le Groupement d'intérêt économique et environnemental (GIEE) Agribio Vanne Othe. Nous avions la volonté d'engager des projets en commun et de pérenniser les exploitations. » Le but est double : optimiser les techniques et la rentabilité des exploitations, et consolider et valoriser l'incidence positive sur la qualité de l'eau. Plusieurs projets ont émané de ce GIEE :
– luzerne bio en déshydratation
– méthanisation
– transformation et commercialisation en circuit court avec le magasin de producteurs Terres du Pays d'Othe
– production de chanvre
– réintégration de l'élevage.
Par ailleurs, aujourd'hui, des cantines parisiennes achètent des produits chez les producteurs locaux (notamment des lentilles).