Pour mieux comprendre le marché turc
Les comités régionaux d’Interbev des régions du Grand massif central, étudient de très près les perspectives offertes par les marchés export pour les produits des élevages français. Visites et rencontres en Turquie, pour évaluer le potentiel d’échanges en viande ou en vif et mieux appréhender la réalité de ce marché.

Du 14 au 18 avril 2014, une délégation des Comités régionaux Interbev du Grand Massif central a arpenté la région d’Izmir en territoire turc, à la découverte d’élevages, de centres d’engraissement, d’abattoirs, d’ateliers de découpe, de boucheries et de grandes surfaces... afin de se faire une idée du potentiel d’échanges -en viande ou en vif- entre la France et ce grand pays, consommateur et amateur de viande. Ce n’est pas la seule région d’élevage, il ne s’agit donc pas de faire des généralisations hâtives. Mais ce contexte particulier permet de mieux appréhender la réalité et le fonctionnement du marché turc.
Une filière déstabilisée et traumatisée
La Turquie est à la fois un pays importateur et un pays exportateur. Sur le plan agricole, elle se place au 7ème rang mondial, bénéficiant de micro-climats diversifiés qui lui permettent de tout produire et d’atteindre une quasi auto-suffisance, particulièrement en fruits et légumes. Les trois millions d’exploitations ont à 62,3%, une activité mixte élevage/végétal, 37,2% une spécialisation en productions végétales, 0,5% une production animale exclusivement. Les principaux freins au développement agricole restent le manque d’organisation et donc de productivité du secteur de la production, le morcellement des exploitations, un déficit en formation et un développement insuffisant du machinisme agricole.
La Turquie importe principalement des céréales, de l’orge (bière), de l’huile, des graines oléagineuses, des semences. La France se classe au 12ème rang des fournisseurs (essentiellement pour les céréales et les tourteaux...). 2012 est la dernière année d’importation importante de viande utilisée notamment par les industriels de la transformation. Le fournisseur principal étant la Pologne. 24 300 t de viande fraîche et 1 140 t de viande congelée ont été importées cette année-là. En 2013, ces quantités ont été considérablement réduites (respectivement 5 375 t et 766 t). La France a exporté 81 000 bovins en 2012 et 1 700 en 2013 (viande de qualité destinée à la boucherie). Mais l’importation de viande et d’animaux a déstabilisé la filière de production, les autorités turques ont donc décidé une hausse très importante des droits de douane après deux années d’ouverture du marché (+100%) afin de protéger la production locale.
Une forte demande locale, difficile à satisfaire
Une prochaine ouverture pour les animaux d’engraissement (d’origine laitière) est prévue, mais pas pour la viande, afin d’éviter une nouvelle déstabilisation de la production locale et de l’activité des opérateurs.
Il reste que la demande locale en viande est forte et la production locale insuffisante, alors que les professionnels et les autorités turques s’organisent pour augmenter en termes qualitatif et quantitatif l’engraissement.
Les principales productions animales concernent les bovins (cheptel laitier essentiellement), les ovins, caprins et volailles. En bovins, les tailles d’élevages sont très disparates et peuvent varier de 2 ha à des unités de plusieurs milliers de bêtes à l’engraissement. Les évolutions économiques (tourisme en particulier) ont amené une diminution des surfaces fourragères et des pâturages, conjuguée à des problèmes de sécheresses qui imposent l’importation de fourrage et de foin.
Les bovins (races laitières essentiellement) sont engraissés entre 6 et 18 mois puis abattus à des âges allant de 19 à 24 mois, voire 30 mois. La viande bovine représente 87% de la viande produite.
12 kg de viande par an et par personne
En moyenne, la consommation de viande bovine est de 12kg par personne et par an. Elle concerne essentiellement des animaux jeunes et légers. Comme en France, l’augmentation du prix de la viande rouge amène les consommateurs à privilégier la volaille (19kg /habitants/an).
La visite du groupe Pinar (production, transformation de viandes, charcuterie et produits élaborés) a permis de se rendre compte que si l’importation d’animaux pouvait représenter une opportunité pour la France, cela ne concernerait que des animaux de 300 kg de poids vif maximum (au-delà, les droits de douane s’appliquent. Les animaux laitiers sont aussi privilégiés car moins chers
(3,1 €/kg vif pour un taurillon holstein de 18-24 mois entrée abattoir, hors transport), 6,5 €/kg sortie abattoir. Les Turcs consomment des viandes non grasses, les animaux nés et abattus en Turquie ne dépassent pas 500 kg de poids vif. La Turquie est par ailleurs le second producteur de cuirs après l’Italie.
Les visites et les différents échanges qui ont été menés à chaque échelon de la filière ont amené le groupe à conclure qu’en viande, comme en animaux vivants, les perspectives d’exportation pour la France ne seront probablement pas aussi «aisées» qu’en 2010 et 2011. Cependant, compte-tenu des besoins du pays estimés à 200 000 têtes, des opportunités seront offertes, mais elles devront être étudiées sous l’angle d’un complément de leurs productions et activités, sans mettre à mal leurs éleveurs et leurs outils et tout en tenant compte de la concurrence d’autres pays fournisseurs, notamment en animaux laitiers ou de qualité équivalente.
Source : Rapport de la mission d’Étude Interprofessionnelle et Interrégionale en Turquie.