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Rencontres Bout de silo

Nourrir son troupeau malgré les aléas climatiques

Les 19 rencontres «bout de silo» organisées par Alysé se tiennent pendant le mois de novembre dans plusieurs élevages. Quatre rendez-vous sont dans l’Yonne
Par Orianne Mouton
Nourrir son troupeau malgré  les aléas climatiques
Thierry Crespo (Alysé) explique son analyse de l’ensilage de maïs de l’EARL Vallée des champs Poulains.
Les bouts de silos, ouverts à tous, ont lieu au mois de novembre depuis quelques années. Le 16 novembre dernier, c’est à l’EARL Vallée des champs Poulains, exploitation laitière de Cudot en Puisaye, qu’éleveurs et techniciens se sont réunis. L’objectif de ces rencontres faire le point sur la qualité et la quantité des fourrages de l’année. Pour 2018, le sujet est incontournable : suite à la sécheresse, comment gérer son stock pour tenir tout l’hiver, tout en maintenant une bonne ration de base assurant la production ?
Thierry Crespo, nutritionniste d’Alysé met en garde sur la gestion des stocks. « Vu les aléas climatiques qui reviennent souvent, il faut anticiper au maximum, chaque année ! Il y en a qui ont attendu que ça pousse cet été, ils n’ont pas anticipé, et au 15 janvier, certains n’auront plus rien à donner à manger ! »

Un bilan fourrager nécessaire
Raphaël Carreau, le technicien Alysé de la zone, réalise le bilan fourrager de l’exploitation d’accueil, comptant 60 vaches laitières. La ration est à base de maïs, cultivé sur 25 ha des 105 ha de SAU totale, et ensilé cette année le 10 août. Les stocks de fourrage disponibles pour l’année 2018 sont constitués des restes de 2017, où la quantité était présente, et de la récolte de l’année, maïs, ray-grass, et d’achat de pulpe de betterave. Entre les catégories, le nombre d’animaux et les besoins, le stock de 316 tonnes de fourrage devrait combler les besoins équivalents à… 316 tonnes. « On a vu large sur les besoins, mais vous voyez, ça passe tout juste, il faut toujours prendre large, on ne sait pas ce qui peut arriver » explique le technicien. Thierry Crespo recommande la prudence sur la gestion des rations. « Quand on est juste, on réserve les fourrages les plus riches aux vaches en production pour assurer le lait, mais il ne faut pas négliger les vaches taries. Avant une compétition, on ne nourrit pas un sportif avec n’importe quoi sinon sa performance est nulle. Pour les vaches taries, c’est la même chose. Il vaut mieux faire des économies sur les génisses que sur les taries ».

Une qualité de fourrages faible
Les fourrages de 2018 sont de qualité moyenne. Concernant l’herbe, la poussée de l’hiver suivie du froid tardif de février et mars a induit un taux de lignine élevé, diminuant la qualité nutritionnelle de l’ensilage. Idem pour le foin, récolté au 15 juin au stade fleuri, en avance de deux semaines par rapport à d’habitude. « Chez certains, les génisses préfèrent le foin à la paille ! » L’ensilage de maïs, faible en grains, sec et léger, a une faible qualité nutritionnelle. La sécheresse a provoqué des difficultés de fécondation, avec pour conséquences l’absence de poupées dans certains cas. « C’est la tige qui amène la matière sèche cette année, et ça, ce n’est pas bon… » explique Thierry Crespo. Qui dit maïs sec, dit difficultés de tassage. « Il faut tasser une épaisseur de 20 cm pour bien chasser l’air. Il faut calculer pour étaler sur la distance nécessaire. Il vaut mieux ralentir le chantier, prendre son temps pour bien faire plutôt qu’avoir un ensilage moisi qui va nous suivre toute l’année. S’il y a de l’oxygène, il y a consommation de sucres, baisse de qualité nutritionnelle. On peut perdre 10 % du silo en 6 mois… » Autre point d’attention selon Thierry Crespo, la température de l’ensilage, qui ne doit pas avoir plus de 5 °C d’écart avec l’air extérieur. « S’il est chaud, il y a une mauvaise fermentation, il est moins appétant pour les vaches ».

Gérer le manque de stock
La sécheresse a provoqué un affouragement précoce, déstabilisant bon nombre d’éleveurs. Pour gérer le manque de stock nécessaire pour passer l’hiver, il ne faut pas compter sur les coproduits, plus disponibles, ni sur l’achat de foin difficile. La seule souplesse restant aux polyculteurs - éleveurs est d’ensiler les céréales au printemps, au stade gonflement, idéal pour les vaches en lactation ou laiteux - pâteux, adapté aux génisses. Mais surtout, « Il faut anticiper, par exemple en sacrifiant une parcelle parking, pour laisser les autres prairies se régénérer, en envisageant un sur semis, en semant un méteil de printemps, ou autre. Les aléas climatiques récurrents ne laissent plus d’autre choix que d’anticiper ! » répète Thierry Crespo.